C'est lors des célébrations du 67e anniversaire de la libération de Paris, il y a presque un an, que l'idée est venue à Mathieu Gallet. Après avoir numérisé le patrimoine télévisuel français, et si l'Institut national de l'audiovisuel (INA) recueillait les films et vidéos amateurs qui pouvaient avoir un intérêt culturel? «Pour l'occasion, la ville de Paris avait fait appel aux images des Parisiens. Beaucoup d'autres sujets ont été filmés par les Français, il existe un vrai gisement», se souvient le président de l'INA.
C'est ainsi qu'est née l'opération Mémoires partagées, lancée à titre expérimental sur la région Aquitaine le 2 juillet dernier. Economie locale, vie quotidienne, tourisme, fêtes populaires, événements historiques: l'INA invite les Français qui ont des films illustrant l'histoire et la culture de cette région à envoyer leurs images. Pour celles qui n'auraient pas déjà été numérisées, un partenariat a été conclu avec la société Forever. Les meilleures vidéos seront diffusées en fin d'année sur le nouveau site Internet de l'INA, ainsi qu'à l'occasion du Festival international du film d'histoire de Pessac, fin novembre 2012.
«Nous devrions recueillir des images inédites mais aussi un autre regard sur des images que nous connaissons déjà», explique Mathieu Gallet. Comme cette vidéo tournée depuis les tribunes du stade de Berlin, lors des Jeux olympiques de 1936. «Ce n'est pas la même mise en scène, ni le même point de vue que des images professionnelles. Avec des films amateurs, on est du côté de quelqu'un qui assiste à un événement, et non qui y participe, comme c'est le cas des caméras de télévision», estime Jean-Michel Rodes, directeur des collections à l'INA.
Autres images mises au jour, celles de la visite du général de Gaulle en Aquitaine en 1966, une séquence que la plupart des gens ne connaissent pas car à l'époque, la télévision ne filmait pas tout. «Des années 1920-1930 à la fin des années 1970, il y avait une rareté de l'image. Les films coûtaient cher et donc les gens étaient plus précautionneux. Dans les années 1980, la vidéo a remplacé le film et son usage s'est démocratisé. D'une durée moyenne de six minutes pour les films, on est passé à 40 minutes pour la vidéo. Aujourd'hui, avec le numérique, nous sommes dans le trop-plein d'images», souligne Jean-Michel Rodes.
D'où une sélection plus ou moins drastique selon l'époque de la part des documentalistes de l'INA. Quatre personnes sont aujourd'hui affectées au projet. A elles de trouver les perles dans ces images, aidées des informations (date, lieu, thématique, description, etc.) que leurs propriétaires sont invités à renseigner.
Testé en Aquitaine, le projet a vocation à s'étendre à de nouvelles régions dès l'année prochaine. L'INA souhaite également lancer des appels à contribution thématiques, en fonction des anniversaires commémorés, comme les 50 ans du Traité de l'Elysée en janvier prochain.
Objectif: raconter la «grande» Histoire à travers la «petite» mais aussi préserver ces millions de bandes que le temps finirait par emporter si elles n'étaient pas numérisées. «Du fait des risques de dégradation des images et des problèmes liés aux outils de lecture, beaucoup de gens ont déjà numérisé leurs films et vidéos. Les autres ont aujourd'hui l'occasion de le faire», estime Mathieu Gallet. Reste que la numérisation des fichiers se fait à la charge de leur propriétaire. Là est le dilemme: payer ou prendre le risque de voir ses souvenirs disparaître à jamais.
Lancée par l’Institut national de l’audiovisuel, l’opération Mémoires partagées vise à recueillir les vidéos et films des Français qui ont une valeur patrimoniale. Les plus belles pépites seront diffusées sur Internet en fin d’année.