Consacré durant la campagne présidentielle, le «fact-checking» trouve un nouvel élan en cette rentrée. Plusieurs médias lui consacrent une chronique quotidienne, à l’image d’Europe 1 et de France Info.

Malmené pour ne pas avoir diffusé les Jeux paralympiques, le directeur des sports de France Télévisions, Daniel Bilalian, peut-il se défendre en demandant que ces jeux se déroulent en même temps que les JO afin de faciliter la retransmission en direct des épreuves? Passé au crible du détecteur de mensonges d'Europe 1, alias Laurent Guimier, le dirigeant n'est pas prêt de voir son vœu exaucé. Pour des raisons budgétaires et techniques. «C'est très beau sur le papier mais c'est quasiment impossible», tranche le journaliste, directeur de l'information numérique de Lagardère active, en charge depuis la rentrée du Vrai-faux de l'info, une chronique de «fact-checking» (vérification des faits) diffusée quotidiennement à 8h10.
Même principe sur France Info, avec Le Vrai du faux, à l'antenne tous les matins à 7h20.

 

Vers le speech-checking

Lancée sous forme hebdomadaire au début de l'année, la chronique a depuis évolué, fin de la période électorale oblige. «Maintenant que la frénésie de la campagne est derrière nous, les déclarations des hommes politiques sont moins percutantes, moins exagérées. Le temps de la parole politique est plus dilué, mais les choses fausses et exagérées existent toujours», estime Gérald Roux, le vérificateur des faits de France Info.
Aux médias de se renouveler afin d'alimenter quotidiennement la machine, sans lasser le public. «Dans l'an deux du fact-checking, l'objet du délit n'est pas forcément un chiffre. Plus généralement, je vérifie la parole publique. C'est plus du "speech-checking" (vérification du discours) que du "fact-checking"», souligne Laurent Guimier.
Le journaliste d'Europe 1 a, par exemple, passé au crible les déclarations récentes de Luc Chatel, qui a comparé son successeur au ministère de l'Education nationale, Vincent Peillon, au maréchal Pétain après que celui-ci a évoqué le nécessaire «redressement moral» de la France. Dans sa chronique, Laurent Guimier a notamment rappelé que de tels propos avaient également été tenus par le passé par François Mitterrand, Pierre Bérégovoy, François Bayrou et même Jacques Chirac.
«Pendant la campagne, nous étions focalisés sur les politiques. Désormais, nous devons élargir le champ à toutes les personnalités publiques», explique Gérald Roux. Dans son viseur par exemple, Paul Ryan, colistier du candidat républicain Mitt Romney à l'élection présidentielle américaine, ou encore Bernard Thibault, le secrétaire général de la CGT, qui estime entre cinq et six millions le nombre de personnes en sous-emploi en France.
«Nous n'utilisons pas toujours une déclaration comme point de départ. Ça peut être une idée répandue dans le débat public», note le journaliste de France Info. «Nous pouvons évaluer ce que l'opinion publique ressent», renchérit Laurent Guimier. Dernièrement, il a ainsi enquêté sur les joueurs de l'équipe de France de football afin de savoir s'ils chantaient moins La Marseillaise aujourd'hui qu'avant (la réponse est non, en comparaison à la Coupe du monde de 1982). Le journaliste s'est aussi demandé si François Hollande avait pris davantage de vacances que ses prédécesseurs, comme ont pu le laisser entendre ses opposants.
Outre Europe 1 et France Info, Arte et RTL ont aussi succombé à la mode du fact-checking, avec pour la première Désintox, un film d'animation diffusé tous les soirs, et pour la seconde On n'est pas dupes, trois fois par semaine dans la matinale. Pour l'occasion, Arte a signé un partenariat avec le journal Libération, pionnier du genre. «Il ne faut pas forcément sacraliser le fact-checking dans la grille. C'est un exercice intéressant mais c'est la quintessence de notre métier», tempère Jacques Esnous, directeur de l'information de RTL. Vrai ou faux?

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