Le volontariat, c'est fini: les journalistes du Figaro vont devoir travailler plus pour... si ce n'est gagner plus, en tout cas alimenter davantage encore le site du journal. C'est le mot d'ordre qu'a adressé aux équipes Alexis Brézet, le nouveau directeur des rédactions du quotidien de Serge Dassault, qui a succédé cet été au controversé Etienne Mougeotte, jugé en interne très proche de Nicolas Sarkozy.
A tout juste 50 ans, l'ancien patron de la rédaction du Figaro Magazine, qui a commencé sa carrière à Valeurs Actuelles, arrive à la tête d'un journal dont la diffusion individuelle payée (kiosques et abonnements) a baissé de plus de 5% depuis 2007. Sur Internet, en revanche, il s'est hissé à la première place des sites d'actualité, avec 9,3 millions de visiteurs uniques en juin dernier, selon Médiamétrie.
«Le Figaro a pu conquérir une audience très puissante grâce à la mise en ligne d'énormément de contenus en accès gratuit, notamment presque tous les articles du quotidien papier, explique Alexis Brézet. Mais on ne peut pas indéfiniment donner ce qu'on vend. Le modèle de l'avenir n'est pas le tout-gratuit.»
D'où le chantier que le nouveau directeur de la rédaction vient d'ouvrir avec la constitution de neuf groupes de travail thématiques, auxquels participent près de 300 journalistes, soit trois quarts de la rédaction. «Nous voulons différencier de plus en plus nos contenus selon qu'ils sont gratuits ou payants», résume-t-il.
Ainsi, les articles du quotidien vont progressivement basculer dans l'espace réservé aux quelque 130 000 abonnés papier, auxquels s'ajoutent 10 000 abonnés à l'offre tout-numérique. Mais pour muscler l'offre payante sans perdre en audience, la rédaction du Figaro va devoir produire autant de contenus inédits - articles courts, vidéos, blogs... - qui eux seront accessibles gratuitement
«Les journalistes du print vont devoir travailler davantage pour le Web, ce qui passe par la fin du volontariat. C'est important de ne pas diminuer notre offre gratuite», martèle Alexis Brézet.
Concrètement, cette nouvelle stratégie se traduira dans le courant du mois de janvier 2013 par le lancement d'une nouvelle formule pour Le Figaro, par une refonte du site Internet et par quelques évolutions dans Le Figaro Magazine, déjà fortement renouvelé en septembre 2010.
«Il faut que l'on soit au clair conceptuellement sur ce que l'on propose dans chacun de nos supports, même si tous ont vocation à donner davantage de profondeur à l'information. La presse n'est pas condamnée mais il va falloir apprendre à travailler davantage», ajoute le directeur des rédactions, qui se dit favorable à une incitation financière pour encourager les bonnes pratiques.
Avec 20% des recettes du groupe issues du numérique, Le Figaro passe donc à la vitesse supérieure en termes de monétisation de ses contenus. «Nous faisons entrer les gens par le gratuit, il faut ensuite les transformer en acheteurs. Pour cela, nos contenus doivent être suffisamment différents. Nous devons aussi organiser la frustration, par exemple en mettant en avant sur la page d'accueil des articles payants.»La Repubblica, rappelle-t-il, vient de faire passer de cinq à trois le nombre de ses articles gratuits sur son site en page d'accueil.
Encadré
«C'est plus intéressant d'être dans l'opposition»
Un des défis qui attend Le Figaro aujourd'hui, c'est son basculement dans l'opposition maintenant que le pays est gouverné par la gauche. «En tant que journaliste, c'est plus intéressant d'être dans l'opposition, mais il faut être dans une opposition intelligente. Le Figaro ne doit être le porte-parole d'aucun parti ni d'aucun camp. Le journal défend ses propres idées, ses convictions, sa vision du monde», souligne Alexis Brézet, qui se définit comme «libéral en matière économique et conservateur sur le plan sociétal». Un conservateur décomplexé.
