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L’ex-Direct 8 s’est muée en une chaîne destinée aux CSP+, du moins en apparence. Si D8 travaille son image haut de gamme, sa grille de programme vise le plus grand nombre.

La première grosse cartouche de D8 n'a pas mis dans le mille. Lundi 22 octobre, Amazing Race n'a réuni que 868 000 téléspectateurs, avec une part d'audience de 3,5%. Le premier volet du jeu produit par Shine a été devancé par ses concurrentes directes TMC et W9. Pourtant, un communiqué de D8 se satisfait d'un «très bon démarrage» et se félicite d'être «première chaîne de la TNT sur les CSP+, cœur de cible», avec une part d'audience de 4,5%.

Reprise au groupe Bolloré par Canal+, l'ex-Direct 8 a changé de dimension depuis le 7 octobre. La «nouvelle grande chaîne», comme le clament ses publicités, vise 4% d'audience «courant 2014, sur les cibles commerciales», précise Ara Aprikian, directeur général adjoint du pôle édition de Canal+, en charge des activités de télévision gratuite. «Nous sommes sur la voie, et même légèrement en avance», affirme-t-il à Stratégies.

D8 serait «bien née», selon ses géniteurs qui veulent lui donner l'image d'une généraliste haut de gamme. Son nouveau crédo? Le CSP+, soit 25,8% des foyers équipés en télévision, selon Médiamétrie. Ce positionnement premium doit relancer l'attractivité de la chaîne, dont la part d'audience mensuelle sur les plus de 4 ans plafonne de 2 à 2,3% depuis début 2012. Mais c'était avec feu Direct 8. «Notre premier travail est d'installer une marque média qui change de ligne éditoriale et de programmes, explique Ara Aprikian. C'est un pari qui comporte des risques. Nous avons l'obligation d'imposer une identité et un nouveau rapport avec le public très très vite. C'est une question de semaines, de quelques mois.»

Canal+ ressort ses bonnes recettes, notamment des campagnes de communication massives. Depuis le 20 septembre, en moins de six semaines, D8 a investi 5,6 millions d'euros bruts dans les médias, selon Yacast. Un montant élevé. A titre de comparaison, entre janvier et septembre, TF1 a investi moins de 2 millions en publicité par mois. Coté création, l'agence BETC (Havas) a été délaissée au profit de Marcel (Publicis). «L'esprit de la création était trop Canal+ dans ces publicités, estime Philippe Bailly, directeur associé du cabinet NPA Conseil. Personne ne savait vraiment ce qu'était D8. Canal+ doit intégrer la grammaire de la télévision gratuite, qui utilise des codes visuels simples mais efficaces.»

«En phase d'apprentissage»

D8 drague donc le CSP+, ce qui ne déplaît pas aux agences médias. «Oui, nous sommes à la recherche d'écrans CSP+», confirme Nicolas Jaubert, directeur TV de Mediacom. «Il existe un besoin de surpression sur les CSP+, renchérit Corinne Abitbol, directrice générale études et recherche d'Omnicom Media Group. Mais le positionnement sur cette cible peut être compliqué à tenir.» C'est aussi une population difficile à séduire, car faible consommatrice de télévision, entre 30 et 40 minutes de moins par jour que les ménagères de moins de 50 ans. «Le public CSP+ est toutefois une cible relativement large, reprend Nicolas Jaubert. Selon Médiamétrie, il représente 12,9 millions de personnes, tous actifs, 70% ont entre 25 et 49 ans. Le terme englobe aussi bien les patrons de sociétés, les cadres, les professions intermédiaires que les petits patrons, les artisans ou les commerçants.» «On a élevé en gamme le positionnement de D8», spécifie Ara Aprikian. Un travail réalisé grâce à une grille resserrée autour de quelques rendez-vous forts, comme Braquo, une série française «labellisée» Canal+, expurgée de ses passages violents. D8 bénéficie aussi des retombées d'image réalisées par Canal+ quand la chaîne programme ce type de série.

La chaîne travaille aussi son image avec Touche pas à mon poste, le divertissement grand public quotidien (18h25) de Cyril Hanouna, transfuge de France 4, et avec Le Grand 8, talk-show animé par Laurence Ferrari, Audrey Pulvar et Roselyne Bachelot, à 12h15, qui «en termes de reconnaissance médiatique, a contribué à un niveau exceptionnel au contrat D8», relève Ara Aprikian. Quitte à faire les frais d'un «buzz» pas toujours très clément… Avec 1,1 % de part d'audience et 139 000 téléspectateurs en moyenne, l'émission n'est plus rediffusée à 16h45. Pas grave: «La part d'audience et les recettes publicitaires se construisent autour de la tranche de la mi-journée, de 11h30 à 14heures, et du soir, de 17heuress à 22h30, explique Pascal Josèphe, PDG du cabinet Imca. Ici se concentrent les investissements en terme de programme, mais aussi les autopromotions.»

Du coup, les autres créneaux sont consacrés d'une part aux rediffusions, notamment de Touche pas à mon poste, des séries et magazines de premières parties de soirée ou d'Amazing Race, repris le lendemain sur D17. Le reste est rempli par des programmes moins identitaires, comme du téléachat ou les séries H et Navarro (ex-TF1) en début d'après-midi.

D8 reste-t-elle alors dans la quête du CSP+ ou ne vise-t-elle pas plutôt la ménagère? «A cette heure-ci, à 13h45, l'essentiel du public est non actif, sédentaire et à la maison, répond Ara Aprikian. Notre travail est de consolider d'abord les tranches de soirée. L'enjeu suivant sera de faire progresser les performances sur la journée, toujours à destination des CSP+.»

En tout cas, le marché attend beaucoup de D8. La chaîne était à 2,6% de part d'audience la première semaine et à 2,4% la deuxième (cible 4 ans et +). «Le démarrage n'est pas aussi foudroyant que prévu, note Philippe Bailly. La chaîne est dans une phase d'apprentissage.»

Comme n'importe quelle enseigne, D8 recrute les clients et développe le trafic en magasin grâce à ses têtes de gondoles Cyril Hanouna, Laurence Ferrari ou Braquo. «Mais, attention,en cas de la déception, il est difficile de faire revenir le téléspectateur», prévient Pascal Josèphe.

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