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Reporters sans frontières a lancé la semaine dernière "We fight censorship", un site qui se propose de contrer la censure en apportant un outil de publication aux cyberdissidents.

Le régime syrien a décidé la semaine dernière de suspendre ses connexions à Internet et ses communications téléphoniques. Cette mesure, tentée en Egypte durant les derniers jours du pouvoir de Moubarak, sera-t-elle suffisante pour éviter la diffusion de vidéos et de témoignages hostiles à la dictature de Bachar Al-Assad? Cette chape de plomb numérique, en tout cas, reflète l'extrême vigilance des autorités syriennes sur les informations sortant du pays.

A Reporters sans frontières, le site «We fight censorship» est justement là pour répondre à cette volonté d'occultation des faits. Et aux dangers qui menacent tous les témoins qui entrent en contact avec des journalistes occidentaux. Son directeur, Christophe Deloire, se souvient de ce documentariste britannique revenant d'un reportage auprès de l'Armée syrienne libre avec des interviews à flouter. Lorsqu'il est arrêté à l'aéroport, son ordinateur portable est fouillé et tous ses contacts syriens sont obligés de fuir leur pays.

«Il est souvent facile de lire à livre ouvert dans le disque dur ou les communications par mail», rappelle-t-il. D'où la volonté de RSF de créer, après un abri contre la censure mis en place en 2010, un véritable site Internet, «We fight censorship», appelant à la réception sécurisée de documents et d'informations sensibles. «Internet est un moyen de liberté et de contrôle, il faut provoquer un déséquilibre en faveur de la liberté», s'enflamme Christophe Deloire.

L'idée? Offrir un espace de publication en français, en anglais et en langue locale pour ces articles ou vidéos censurés. Un ex-journaliste de l'AFP non accrédité au Maroc ou un blogueur au Vietnam sont parmi les premiers à trouver refuge sur le site. «Celui-ci doit servir d'outil de dissuasion, explique Christophe Deloire. Il est une façon de dire que si l'on censure un contenu, nous veillerons à lui donner un écho encore plus grand. Il faut que ce soit un intérêt bien compris de ne pas le faire.»

 

Un kit de survie numérique

Le nouveau directeur général de RSF, qui se dit surpris par la notoriété de son organisation dans le monde, précise aussi qu'il veillera à ne pas donner une représentation indue de certains pays dont les mouvements d'opposition sont très actifs sur la toile. Et qu'il dispose de 150 correspondants dans 130 pays pour vérifier les allégations ou déjouer d'éventuelles manipulations.

Mais comment obtenir des informations censurées de témoins qui peuvent se faire égorger quand les nouvelles technologies sont aussi au service d'un Etat policier? RSF a pris soin de mettre en ligne un formulaire d'adressage totalement sécurisé grâce à un «kit de survie numérique» qui passe par des logiciels d'anonymisation de la transmission (VPN, Tor, Truecrypt).

Le 21 juillet, l'ONG a organisé une réunion de hackers (hackaton) pour tester son logiciel de verrouillage open source mis au point par Linagora. Le point faible? Cette porte d'entrée qu'est la fenêtre d'expédition. «Lors de l'envoi, le document est chiffré puis poussé sur des serveurs non connectés à Internet et hébergés ailleurs, explique Grégoire Pouget, chef de projet sur la cybercensure à RSF. Nous sommes les seuls à avoir les clés pour les déchiffrer sur un CD. Si des régimes dictatoriaux récupèrent ce qu'il y a sur un serveur, ce ne sera que des données chiffrées. On garantit que l'on ne peut pas inquiéter les gens qui nous les envoient.»

En revanche, il est toujours possible pour un cybersurveillant de scruter les connexions à la fenêtre d'expédition. D'où la copie des formulaires sur des noms de domaine bidons. «On compte sur leur diffusion par capillarité aux bons contacts», conclut Grégoire Pouget.

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