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Candidat au rachat des journaux du Sud de Groupe Hersant Média, le belge Rossel parie sur une consolidation du secteur, et fortement sur le numérique. Décryptage avec l'administrateur délégué du groupe, Bernard Marchant.

Pourquoi avoir déposé une offre de reprise du pôle Sud du Groupe Hersant Média?

Bernard Marchant. Nos premiers contacts avec GHM remontent à deux ans. En juillet dernier, nous avons formulé une proposition de reprise des journaux du Sud, offre refusée par les banques de GHM car jugée insuffisante. La semaine dernière, nous avons été recontactés pour voir si nous étions prêts à réactiver notre offre, ce que nous avons fait, pour un montant très légèrement supérieure à l'offre concurrente [50 millions d'euros pour l'alliance Tapie-famille Hersant]. Le pôle Sud de GHM regroupe des marques fortes et leaders sur leur zone, en phase avec notre stratégie. Il présente aussi une masse critique suffisante (autour de 220 millions d'euros de chiffre d'affaires) pour permettre à Rossel d'avoir deux pôles en France, l'un au nord et l'autre au sud.

 

Envisagez-vous d'autres acquisitions?

B.M. Notre but n'est pas de contrôler toute la presse en France, d'autant qu'il nous faudra au moins cinq ans pour digérer cette opération. Mais nous sommes ouverts à la création de partenariats avec d'autres groupes. La presse quotidienne régionale est un média performant en France, mais qui ne collabore pas assez. Elle devra fédérer ses offres, notamment parce que les titres ne sont généralement pas concurrents. Cela peut passer par des regroupements capitalistiques, mais pas seulement. A terme, je pense qu'il y aura trois ou quatre principaux groupes de PQR en France.

 

Quels sont vos projets pour La Voix du Nord et L'Union, que vous êtes en train de racheter?

B.M. Concernant La Voix du Nord, si nous voulons maintenir la diffusion à près de 300 000 exemplaires, nous devons rajeunir le lectorat en étoffant l'offre multimédia du titre. L'abonnement spécial tablettes que nous testons actuellement en Belgique a vocation à être mis à disposition des autres titres du groupe, donc de La Voix du Nord. Sur le pôle Champagne-Ardennes-Picardie, nous attendons pour le début de l'année 2013 le feu vert du Conseil de la concurrence et du CSA pour faire le «closing» [finalisation de l'acquisition] et entrer dans le projet industriel.

 

Vous avez fait du numérique un axe prioritaire. Que représente-t-il dans votre groupe?

B.M. Les revenus numériques vont représenter 12% de notre chiffre d'affaires cette année, en hausse de 25% en un an, pour un chiffre d'affaires total de 485 millions d'euros. Grâce au numérique, nous ne sommes plus limités physiquement dans la diffusion de nos journaux. Nous pouvons diffuser nos contenus de manière beaucoup plus large et donc toucher un lectorat plus jeune. pour Le Soir, par exemple, nous sommes passés en dix ans de 47-48 ans de moyenne d'âge à 42 ans.

 

Comment avez-vous construit votre offre sur le Web?

B.M. Notre modèle sur Internet a d'abord été de développer de l'audience, puis de la valoriser. Nous avons initialement mis en place un modèle entièrement gratuit, qui reprenait le contenu du journal. Puis, il y a cinq ans, nous avons différencié nos contenus pour le Web. Aujourd'hui, nous entrons dans une troisième phase avec la mise en place d'un journal numérique pour nos abonnés, l'édition numérique de 17 heures. En tant qu'éditeur, nous ne répondons pas seulement à une demande, nous proposons une offre de contenus. Avec l'arrivée des tablettes, la technologie est enfin adaptée à la lecture d'un journal numérique, qui offre plus de richesse et de profondeur qu'un simple PDF.

 

En juin dernier, vous avez lancé un mur payant sur le site du Soir. Quel bilan en tirez-vous?

B.M. Nous comptons actuellement presque 4 000 abonnés numériques. L'objectif est d'atteindre les 15 000 d'ici 2015. Nous venons également de lancer une offre qui comprend une tablette et un abonnement de deux ans au Soir, en version numérique la semaine et en papier le week-end. En moins d'une semaine, plus de 1 000 abonnements de ce genre ont été souscrits. Cela nous coûte aussi cher d'imprimer et de livrer le journal papier que d'offrir une tablette pour un abonnement de deux ans. Par ce biais, nous pouvons aussi toucher toute la famille.

 

Combien représentent ces investissements?

B.M. Nous investissons environ 5 millions d'euros par an dans le numérique. Avant, nous achetions une rotative tous les quinze ans, ce qui nous coûtait entre 50 et 100 millions d'euros. Aujourd'hui, nous devons procéder à une mise à jour continue de nos newsrooms, qui sont organisées sur un modèle intégré, avec des équipes multisupports. Ainsi, les journalistes de terrain confient leurs articles à des éditeurs, qui sont chargés de les mettre en forme pour les différents supports. Il n'y a plus de bouclage précis. Cette mutation se fait par étape, c'est un processus long.

 

Vous avez annoncé un plan d'économies de 10 millions d'euros pour le groupe. Pourquoi?

B.M. Nous ne sommes pas immunisés contre la conjoncture difficile. Nos recettes publicitaires baissent. Nous visons 10% de marge, mais nous serons plutôt autour de 6,5% à 7% cette année. A nous de nous adapter. Structurellement, un journal généraliste ne pourra pas continuer à tout faire; il devra veiller à ce que sa valeur ajoutée soit focalisée sur certains sujets, à savoir la politique, la société et l'économie. Le Soir ne pourra pas, par exemple, traiter du sport de façon particulière. La mutualisation des contenus a été commencée, sur des sports moins différenciant que le football, tels le golf et le tennis. Sur certains sujets, la matière initiale sera identique, mais la mise en scène différente selon les titres, en fonction de leur ligne éditoriale. Pour cela, les newsrooms devront être totalement ouvertes. L'information de base sera partagée avec l'ensemble des titres. A chacun d'y amener sa propre valeur ajoutée.

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