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Les six nouvelles chaînes nationales lancées le 12 décembre arrivent dans un contexte de récession économique. Elles devront se contenter des miettes d’un gâteau publicitaire qui se réduit.

A peine sorties du port, les six nouvelles chaînes de la TNT affrontent des vents contraires. Lancées le 12 décembre, HD1, L'Equipe 21, 6 Ter, Numéro 23, RMC Découverte et Chérie 25 s'élancent en pleine tempête économique. Les recettes publicitaires seront à la baisse cette année. Pour les dix premiers mois, selon Kantar Media, les investissements bruts plurimédias n'affichent que 0,9% de progression par rapport à la même période l'an passé. Et Zenith-Optimedia a récemment revu à la baisse ses prévisions pour la France. L'agence médias de Publicis table sur un recul de 1,9% en 2012, au lieu de moins 0,9% estimé précédemment.

L'année 2013 ne sera pas meilleure, en repli de 1,4%. L'année suivante pourrait être la première éclaircie, avec une légère reprise de 0,3%. «Quand je vois qu'arrivent six nouvelles chaînes de télévision, je me pose des questions sur l'équilibre de l'ensemble du marché publicitaire», s'est inquiété Cristopher Baldelli, le président de RTL. Hardi les gars!

Le gâteau publicitaire sur lequel comptent s'alimenter la nouvelle offre de chaînes ne sera clairement pas suffisant. «Alors que le marché publicitaire de la télévision devrait baisser de 1,7% en net cette année, les annonceurs ne sont pas spécialement en attente de nouvelles chaînes, même s'ils apprécient la richesse de l'offre, assure Thierry Jadot, président d'Aegis Media France. D'abord parce qu'il y avait déjà dix-neuf chaînes TNT et que les six nouvelles ne démarreront qu'avec 25% de couverture de la population, 50% en comptant l'ADSL, le câble et le satellite.»

Une promesse (trop) importante?

Sur la galère dans laquelle elles embarquent, HD1, 6 Ter et leurs amies débutent dans du gros temps. «Oui, ce sera dur pour elles, confirme Magali Florens, directrice générale de Mindshare. Surtout si chacune prétend à une part d'audience de 2%. La plupart vont avoir du mal à gagner leur vie, et toutes les autres aussi vont trinquer.» De plus, il faudra également éviter les icebergs.

Vivaki Advance, le pôle d'expertise médias de Zenith-Optimedia, a dressé la feuille de route des six chaînes. Selon les spécialistes, elles devraient représenter 2,5% de part d'audience en 2013 sur les plus de 4 ans, puis 4,3% l'année suivante et 6,3% en 2015 (7% selon Aegis). Les parts de marché commerciales suivront la même ligne: 2,3% en 2013, 3,9% en 2014, puis 5,9% en 2015, soit un montant brut estimé à 175 millions d'euros. Cela signifie un chiffre d'affaire moyen inférieur à 30 millions d'euros brut par chaîne, soit 15 à 18 millions d'euros en net. Insuffisant pour vivre. D'autant que les frais de diffusion en HD coûtent déjà entre 10 et 12 millions d'euros annuels. 

Alors, y aura-t-il de la place pour tout le monde? «Non, tranche Philippe Nouchi, directeur de l'expertise médias chez Vivaki Advance. Pour cette raison, les groupes vont réaliser des économies d'échelle en organisant des synergies entre leurs chaînes.» TF1 (HD1) et M6 (6 Ter) semblent ainsi les mieux armées pour supporter économiquement les premiers coups de vent. C'est aussi le cas, dans une moindre mesure, pour NRJ Group (Chérie 25) et Next Radio TV (RMC Découverte), attelés à des groupes audiovisuels. Ce sera sans doute plus difficile pour L'Equipe 21 (Amaury) et Numéro 23.

Pour dénicher les meilleurs alizés, les six chaînes devront être opérationnelles dès le début. Cela passe par une lisibilité claire et parfaite de la grille, du concept et du positionnement de chacune. La promesse est importante. Les meilleures thématiques s'en sortiront, selon Thierry Jadot, d'Aegis Media: «Les investissements publicitaires seront forcément pris à d'autres chaînes de télévision, notamment en ce qui concerne RMC Découverte et L'Equipe 21, qui pourraient bénéficier d'un effet d'aubaine tant il est vrai qu'elles couvrent des thématiques uniquement présentes, jusqu'à présent, en télévision payante.»

Mais, selon lui, les chaînes au plus fort potentiel sont HD1 et 6 Ter: «Les thématiques de la fiction et de la famille devraient intéresser les annonceurs. Une petite redistribution avec la maison mère n'est pas exclue. Mais les groupes ne vont certainement pas brader leurs prix. Ils vont plutôt gérer un portefeuille de marques en segmentant davantage les cibles.»

Les groupes vont en effet devoir orchestrer leurs nouveaux territoires éditoriaux. «HD1 s'inscrit clairement en complémentarité de TF1 pour des plans sur des cibles CSP+, explique Laurent Solly, directeur général de TF1 Publicité. C'est aussi le cas pour Numéro 23, que nous commercialisons aussi. L'accueil des annonceurs est très bon.» Selon la régie, les deux chaînes auraient déjà séduit une centaine de marques pour les premiers mois de 2013.

L'atout du ciblage

Parties sans donnée d'audience, les chaînes ont dû adopter un discours commercial résolument qualitatif pour convaincre les annonceurs. «Nous n'avons aucune promesse d'audience, confirme Jean-Xavier Bouxom, directeur général adjoint de M6 Publicité en charge du commercial. Nous proposons une grille avec des rendez-vous premium qui tireront la programmation vers le haut.»

Les six chaînes vont devoir naviguer à vue pendant deux mois. Les premières audiences, du quart d'heure moyen, ne seront disponibles que début mars. Ce sera un cumul des deux premiers mois de l'année. Ces données permettront de réajuster des tarifs évalués en fonction d'estimations d'audience (voir tableau). «Les chaînes ont tout de même eu un discours quantitatif attendu par les annonceurs, car elles ne peuvent pas se contenter d'un argumentaire quantitatif basé sur le transfert des valeurs des marques, comme les programmes de cabsat, confie Magali Florens, de Mindshare. Elles s'attaquent aussi au gâteau des chaînes historiques.»

Toutefois, pour débuter, l'aspect thématique des six nouvelles chaînes reste sans doute leur meilleure voilure. «C'est intéressant dans une logique de ciblage», note Didier Beauclair, directeur des médias à l'Union des annonceurs (UDA). Jouer des cibles commerciales spécifiques et difficiles à toucher sur une chaîne généraliste, comme les CSP+ ou les hommes, apparaît comme un atout. «Notre ambition est avant tout de répondre aux attentes d'un marché publicitaire toujours plus exigeant et ouvert aux offres multiécrans, où nous sommes les mieux placés sur notre cible de référence, affirme Marianne Siproudhis, la présidente d'Amaury Médias, régie de L'Equipe 21. Nous enrichirons naturellement les plans TV investis sur les chaînes infos.»

A l'UDA, on pense aussi qu'une partie du salut économique pourra venir par un assouplissement législatif et réglementaire. «La croissance peut se réaliser grâce à l'ouverture de nouveaux secteurs à la publicité télévisée, comme la promotion pour la distribution», lance Didier Beauclair. Ou de moindres contraintes sur le parrainage. Espérons que ce ne soit pas qu'une bouée de sauvetage.

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