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Rentrée paradoxale pour le groupe de presse féminine, qui lance un hebdomadaire gratuit alors qu'il se sépare de son mensuel Marie-France.

Ah ! Paris éternel… Sur le site anglais de Stylist, le fameux panneau de métro sur fond rouge, annonce le futur lancement du titre dans l'Hexagone. «Ce partenariat permet de marier l'expertise de Shortlist Media en matière d'édition “freemium” avec le raffinement de Marie-Claire, ainsi que sa puissance sur le marché», peut-on lire sur le site, par ailleurs joliment féminin, tout en couleurs acidulées et en typographies déliées.

Groupe Marie-Claire (GMC), qui a noué un joint-venture avec le britannique Shortlist Media, l'a annoncé le 22 janvier: Stylist, hebdomadaire féminin gratuit, sera mis en distribution à 400 000 exemplaires dans neuf villes au printemps (Paris, Lyon, Marseille, Aix‐en‐Provence, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Lille et Strasbourg).

Aux manettes, deux anciennes de Glamour: Aude Walker, nommée rédactrice en chef, aux côtés d'Audrey Diwan. La direction de la publicité est quant à elle confiée à Claire Deremaux, qui officiait au sein de Votre beauté (GMC).

Pour l'heure, chez Groupe Marie-Claire, on ménage ses effets: interrogé sur Stylist, Jean-Paul Lubot, directeur général délégué du groupe, explique «qu'il est trop tôt pour en dire davantage». Une quinzaine de journaliste travaillerait pour l'hebdomadaire, qui se donnerait un an et demi pour atteindre le point mort. En tout cas, la tournée des agences a déjà commencé. «Le titre anglais est un produit de qualité, estime Véronique Priou, directrice du pôle presse de Vivaki. Je n'ai aucun doute sur le fait qu'il touche sa cible jeune et CSP+. L'aspect publicitaire me paraît plus complexe, le gâteau n'est pas extensible à l'infini.»

Selon Sophie Renaud, directrice de l'expertise presse chez Carat, il va s'agir de démontrer rapidement l'efficacité du titre: «Il ne va pas falloir attendre pour mener des études d'audience, en somme, se situer dans une logique de preuve sur la qualification de sa cible.»

La diffusion seule ne fait plus le succès

Un titre s'éveille… et un autre s'éteint dans le giron du groupe. Quelques jours après l'annonce de la création de Stylist, Groupe Marie-Claire a reconnu en interne son intention de se débarrasser de l'un de ses titres phares, Marie-France. Le mensuel, qui emploie une trentaine de personnes, devrait rejoindre le groupe Reworld Media, dirigé par l'investisseur Pascal Chevalier, alors que sa direction générale devrait être assurée par Gauthier Normand, ancien directeur général de La Tribune.

Ironie de l'histoire, le magazinel, destiné aux femmes de plus de quarante ans, n'avait pas, loin de là, à rougir de sa diffusion, passée de 170 214 exemplaires en 2010 à 180 596 exemplaires sur la période intermédiaire 2011-2012 (déclaration sur l'honneur). Mais les revenus publicitaires, jugés insuffisants, ont eu raison du mensuel, l'un des plus anciens de la presse française. «La marque est un peu désuète, note Sophie Renaud (Carat). De plus, le marché publicitaire fait extrêmement preuve de jeunisme. Les annonceurs hésitent à associer leur marque à un lectorat vieillissant.» Véronique Priou, de Vivaki, confirme: «Par rapport au budget réinjecté dans le contenu rédactionnel, le chiffre d'affaires publicitaire n'a pas été au rendez-vous, et le succès de diffusion n'a pas suffi à rentabiliser le magazine.»

Dans la presse féminine, la preuve semble ainsi faite que la diffusion seule ne fait plus le succès: l'hebdomadaire Grazia, même à 188 009 exemplaires, est avant tout une réussite publicitaire. Dans ces conditions, la gratuité ne semble pas un choix idiot, y compris dans le haut de gamme: «Lorsqu'on lance un gratuit, on a un curseur en moins à bouger: on n'est pas obligé de développer des politiques marketing de yo-yo sur les prix, comme l'avait fait Grazia», remarque Véronique Priou. Groupe Marie-Claire s'en souvient, qui avait essuyé un échec avec l'arrêt de l'hebdomadaire Envy (fusionné avec Be)…

Quoi qu'il en soit, GMC semble engagé dans une démarche de rafraîchissement de son portefeuille de titres. Depuis plusieurs mois, on évoque également le lancement du mythique Harper's Bazaar, concurrent de Vogue lancé par Hearst (éditeur de Cosmopolitan, publié sous licence par Groupe Marie-Claire) en 1867.

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