«Combien de femmes assassinées dans les scenarii? Cela véhicule dans l'imaginaire des représentations parfois inquiétantes.» Tout à l'idée de démontrer que la télévision doit évoluer en faveur de l'égalité hommes-femmes, Aurélie Filippetti a pris l'exemple de la fiction pour mettre en évidence la nécessité pour le CSA d'exercer «une vigilance particulière» en faveur d'une représentation équilibrée des sexes sur les écrans.
Une déclaration qui a suscité une certaine incrédulité, le 1er mars. Laurent Marsick, de RTL, a compté 6 femmes assassinées sur 67 meurtres revendiqués par Dexter et 18 femmes pour 62 épisodes de Section de recherches «où il y a un mort à chaque fois»...
Ce sera au nouveau groupe de travail sur les droits des femmes du CSA, présidé par Sylvie-Pierre Brossolette, d'assurer un suivi. «C'est terrible de voir combien les femmes sont absentes des plateaux, où 20% d'expertes seulement sont conviées, a déclaré le 28 février au Parisien la nouvelle membre du CSA. Et quand elles ont la chance d'être présentes, elles sont parfois cantonnées au rôle de potiches ou interrogées sur les problèmes d'éducation.»
La ministre de la Culture et de la Communication fait «un constat très amer et très peu satisfaisant»: les femmes occupent un tiers du temps de parole à la télé et on préfère les faire intervenir en tant que témoins anonymes ou pour leurs liens familiaux plutôt que pour leur expertise. En 2012, selon l'INA, le taux de présence des femmes intervenant dans les JT pour commenter un événement est de 19%. Dans la presse hebdo, 15 à 20% des personnes interrogées sont des femmes.
Le 1er mars, après l'installation du comité interministériel pour l'égalité entre les hommes et les femmes, elle a annoncé qu'elle allait «compléter» la loi de 1986 par un article dans la future loi sur l'audiovisuel afin de donner au CSA les compétences nécessaires: «Il s'agit de veiller à la promotion de l'image des femmes, de lutter contre les stéréotypes sexistes et les images dégradantes».
Les radios sont aussi concernées. Sylvie-Pierre Brossolette prévoit de confier à cinq ou six étudiants en journalisme le soin d'assurer un suivi des émissions et de valider l'appréciation qualitative qui en résultera par un «comité intellectuel».
La ministre souhaite dans la publicité des spots «positifs» en faveur de l'égalité. Pas question bien sûr, selon la conseillère du CSA, de «se mettre à faire le gendarme pour toutes les pubs où l'on voit une femme sortir son linge». Mais l'instance pourra intervenir si elle constate des publicités sexistes, y compris auprès des agences.
Le comité interministériel va s'appuyer sur un observatoire «permettant de rendre visible l'invisible et de montrer les progrès réalisés». Une modification du décret du 22 décembre 2004 garantira la diffusion d'événements sportifs en précisant «aussi bien masculins que féminins».
Rémy Pflimlin, président de France Télévisions, rappelle que son groupe diffuse déjà des épreuves féminines de ski ou de football, qu'il lutte contre les stéréotypes notamment dans les dessins animés et qu'il veille à renforcer la place des expertes dans les émissions. Cette semaine, toutes ses antennes étaient mobilisées dans l'opération «En avant toutes» à l'occasion de la journée internationale de la femme. Une façon de faire oublier les critiques sur un organigramme dirigeant très peu féminin?
Encadré
Dans la culture aussi
Une circulaire a été envoyée à 270 dirigeants d'institutions culturelles, occupés à 81,5% par des hommes, pour les inciter à «inverser la tendance tant dans les choix de programmation que dans l'accès aux moyens de production». Le gouvernement ne veut pas imposer des noms mais mettra en place des jurys de nomination qui «devront tendre à être paritaires».
