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La bible des «geeks» a su depuis son lancement en 1993, élargir son champ d'investigation et d'analyse à l’impact des technologies et des sciences sur le quotidien des consommateurs.

Une couverture blanc mat, le titre en surbrillance, une liste de termes, allant d'«Angry Birds» à «1993», en passant par «GIFS», «QR Code», «Silicon Valley»… Et une discrète mention «The first twenty years». Wired fête ses vingt ans dans son édition de mai. Soit 239 numéros pour ce mensuel américain dont le titre signifie «branché» ou «câblé» et qui s'attèle aujourd'hui à l'impact des technologies sur la société et l'économie. Dans son premier éditorial, Louis Rossetto, son cofondateur, prophétisait: «Beaucoup de magazines parlent des technologies, pas Wired. Wired porte sur les personnes les plus puissantes de la planète aujourd'hui: la génération digitale.»

Peu à peu, le titre s'est mû en magazine techno-utopiste, admiré et décrié pour ses principes libertariens, son enthousiasme parfois peu distancié pour les technologies et pour certaines marques, telle Apple. «Ils ont trouvé une façon différente de parler des technologies, avec des mélanges de genre. La technologie est abordée par les usages qui en découlent, il y a des super-technologies pour les «geeks», et des super-histoires pour tous», estime Xavier Romatet, PDG de Condé Nast France, dont la maison mère américaine publie le magazine.

«Avant Wired, on avait de la presse informatique techno-industrielle et très grand public. Wired et ses successeurs, comme Transfert, ont créé un entre-deux. Et Wired couvre aussi bien la culture ou le côté rock'n roll des technos que des sujets sciences ou développement durable», ajoute Jean-Christophe Féraud, rédacteur en chef adjoint à Libération, où il pilote le cahier Eco Futur, lointain héritier de Wired.

Ecosystème

Le magazine s'est imposé aussi par la qualité de sa maquette, le design travaillé et multicolore de ses pages intérieures, qui colle à celui des pages Internet: «Il reprend sur le papier une direction artistique propre au digital, de manière ludique. Il propose ainsi des formats très différents aux annonceurs», remarque Xavier Romatet. Des formats comme la sous-couverture publicitaire ou la publicité se dépliant à l'extérieur de pages. Fin 2012, sa diffusion payante était de 837 966 exemplaires aux Etats-Unis (source: Alliance for Audited Media) et il tirait la moitié de ses revenus publicitaires de son site wired.com.

Après l'avoir décliné au Canada, au Japon, en Italie et au Royaume-Uni, Condé Nast a étudié son lancement en France. Jusque juin 2011, le magazine fut en concurrence avec un autre titre célèbre du groupe de presse, Vanity Fair. Ce dernier l'a finalement emporté, moins risqué vis-à-vis des annonceurs. «En France, les plus gros annonceurs sont dans le secteur du luxe. Des annonceurs que l'on trouve certes dans la version américaine de Wired, car il y est lu par un riche lectorat d'entrepreneurs de la Silicon Valley», estime Jean-Christophe Féraud. Xavier Romatet avait lancé un ballon d'essai avec un supplément Wired ajouté au GQ de décembre 2011. En vain. «Wired a développé un écosystème plus compliqué qu'un simple magazine, avec notamment des conférences et du consulting, qui doivent générer des revenus additionnels», plaide Xavier Romatet.

Dommage pour les «geeks», dont c'est l'éternel fantasme. Mais y a-t-il vraiment un lectorat potentiel en France pour un tel magazine? Trop peu, d'après les études de marché réalisées par Condé Nast. Plusieurs «mooks» (magazines-books) et autres titres ont pris la relève pour couvrir les technologies et l'innovation, tels WE Demain et Usbek & Rica, après les tentatives au début des années 2000, de Transfert, Futur(e)s, Newbiz ou encore Le Nouvel Hebdo. Ces quatre derniers titres ont finalement mis la clé sous la porte après l'explosion de la bulle de la Net-économie. Mais Xavier Romatet l'assure, Wired, «une des plus grandes marques de Condé Nast», sera bien lancé en France. Un jour.

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