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Retour sur la cérémonie de remise du prix Albert-Londres, le 10 mai à Montréal, qui a récompensé les journalistes français Roméo Langlois et Doan Bui.

Il a dédié son film «La Colombie à balles réelles» au sergent Cortez, tué par les Farc quelques minutes après lui avoir parlé de sa famille. Roméo Langlois, 36 ans, a été gratifié du prix Albert-Londres vendredi 10 mai, à la Bibliothèque de Montréal, en même temps que Doan Bui, 38 ans. Cette journaliste au Nouvel Observateur a, de son côté, été récompensée dans la catégorie Presse écrite pour son reportage «Les fantômes du fleuve» sur la mémoire oubliée des immigrants illégaux morts en tentant des traverser le fleuve qui sépare la Grèce de la Turquie.
Au cours de la cérémonie, en présence des ministres des Relations extérieures et de la Culture du Québec, Roméo Langlois a remercié la chaîne qui l'emploie, France 24, pour lui avoir permis de garder la maîtrise de ce document avec des «plans-séquences, sans musique et avec un minimum de coupes». Son film suit au plus près une opération antidrogue héliportée de l'armée colombienne, qui va finalement se solder par plusieurs morts à l'issue d'une attaque de la rébellion marxiste des Farc. Le journaliste est lui même blessé au bras et restera 33 jours prisonnier des rebelles.

Coup de projecteur sur la Colombie

Depuis sa libération, Roméo Langlois a rappelé que son film n'avait toujours pas été projeté sur les chaînes colombiennes mais qu'il avait été «diffusé et très vu sur les réseaux sociaux». Il estime qu'un débat s'est ouvert en Amérique du Sud sur la guerre menée au trafic de cocaïne: «Plus on lutte contre la drogue, plus les prix augmentent» et plus la guerre pour le contrôle de cette drogue entraîne des violences.

Il a aussi fait part de sa satisfaction de voir que ce prix pouvait donner un coup de projecteur sur la Colombie, alors que la guerre qui oppose le gouvernement aux Farc est globalement sortie de l'actualité française depuis la libération d'Ingrid Bétancourt. Il s'est enfin insurgé contre la réputation de casse-cou parfois prêtée aux correspondants de guerre: «Ce sont tout sauf des têtes brûlées, ce sont des paranoïaques de la sécurité.»

Derrière les chiffres de l'immigration, des vies fracassées

De son côté, Doan Bui a déclaré avoir voulu raconter l'histoire de «ces fantômes anonymes qui ont souvent imaginé une vie meilleure et dont les rêves se sont fracassés aux portes de l'Europe». A Montréal, la journaliste a lu un extrait de son article, qui part sur les traces des cadavres retrouvés dans le fleuve Evros. «La problématique de l'immigration, ce sont souvent des chiffres, des statistiques, des flux. Ce qui m'intéressait derrière ces grands mots, ce sont les histoires humaines.»
La journaliste d'origine vietnamienne, dont le père ne parlait pas français, est elle-même enfant d'immigrés. Ses parents sont arrivés en France au début des années 1970, quelques années avant la chute de Saigon. Il lui a fallu prouver qu'elle était Française auprès des services administratifs de Nantes: «Mes parents n'existaient pas», dit-elle, aucune trace d'eux n'ayant été retrouvée dans les fichiers de l'administration.
Doan Bui s'est par ailleurs félicitée de ce que Le Nouvel Observateur lui ait laissé la liberté de réaliser pendant plusieurs jours des reportages à l'étranger sur des sujets qui ne sont pas dictés par l'actualité immédiate. L'idée de son article lui est venue en entendant un ministre grec annoncer la construction d'un mur de 130 km entre la Turquie et la Grèce, et Arno Klarsfeld, alors président de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, déclarer qu'il soutenait ce projet.

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