C'est à partir de lundi 3 juin que France 4 soumettra au vote des internautes les huit émissions pilotes issues de son laboratoire télévisuel «TV-Lab», destiné à faire émerger la «télévision de demain».

France 4 va soumettre au vote des internautes, dès le 3 juin, huit épisodes pilotes de programmes de flux produits par son «TV-Lab», sorte de laboratoire destiné à faire émerger la «télévision de demain» sous la houlette du département recherche et développement de France Télévisions. Un seul programme sera pérennisé à l'issue de cette opération, qui avait commencé par un concours lancé fin octobre 2012, et reçu 199 candidatures.

 

«Les programmes de flux sont des programmes un peu hybrides, a expliqué Sandrine Roustan, directrice des programmes de France 4, lors de la présentation des huit finalistes, le 16 mai dernier. Il s'agit d'amener la culture Web à la télévision. Tous les projets ont d'ailleurs intégré une dimension digitale.» Peu importe que ces contenus, aux contours souples, ne rentrent pas exactement dans les cases traditionnelles de la télévision (talk-show, télé-réalité, etc.). Ils sont avant tout destinés à séduire le public jeune doté de cette fameuse «culture Web» que les chaînes ont du mal à s'approprier.

 

Evasion, musique et solidarité

 

La dimension digitale est donc une facette de l'opération TV-Lab en elle-même puisque, pour «la première fois, une chaîne TV va soumettre des pilotes aux internautes», note Sandrine Roustan. Un webdocumentaire dévoile par ailleurs, sur le site de France 4, les coulisses de la réalisation des émissions.

Les pilotes de 26 minutes, développés en 100 jours avec un budget de 30 000 euros, seront visibles sur la plate-forme Dailymotion dès le 3 juin, puis diffusés sur France 4 en deuxième partie de soirée les 13, 20 et 27 juin. Ils survolent des thématiques «chères à France 4» comme l'évasion, la musique ou la solidarité, nouveaux marqueurs d'une chaîne longtemps sans identité. Le président du jury de TV-Lab, Bruno Solo, dévoilera le nom du programme vainqueur le 4 juillet.

Plus de transparence et d'improvisation

L'opération pose deux questions intéressantes: pour les jeunes auteurs et réalisateurs, qu'est-ce que cette «culture Web» qui fait saliver les chaînes de télévision? Et comment intégrer une dimension digitale à une émission du petit écran, avec une vraie valeur ajoutée?

 

Plusieurs projets montrent tout d'abord les coulisses de certains univers. Il suppose, de la part du public, un désir de transparence ou d'horizontalité dans les rapports avec les acteurs de la vie médiatique ou artistique - Internet est en effet censé avoir fait tomber certaines barrières. Ainsi, Le Blog de Bob (auteur: Dan Kleczewski, production: Monsieur Jean Télévision) est une fiction projetant les téléspectateurs «dans la tête de Bob», journaliste blogueur, vieux beau, copains des stars et pique-assiette sans vergogne. Le côté transmédia repose sur le fait qu'un blog sera réellement alimenté par Bob.

De même, La Grande Jam (auteur: Kalid Bazi, production: Rencontre du troisième film et Découpages) a pour ambition de montrer ce que vivent «de l'intérieur» les musiciens - pas les stars, ni les chanteurs, qu'on voit partout, mais les gens qui pratiquent avec humilité et passion. Un musicien amateur y «jammera» (défiera lors d'une impro) une personnalité (Oldelaf dans la première émission) dans un bus de la RATP sillonnant Paris. «L'idée est de dépoussiérer l'image de la musique. On ne voit jamais les castings des batteurs, bassistes, guitaristes», avance Kalid Bazi.


Dans Chaud devant (auteurs: Anne-Sophie Azzopardi et Lâm Hua, production: 2P2L), «talk show nomade à bord d'un food truck», Elise Chassaing (ex-miss cinéma du Grand Journal de Canal+) et Maxime Musqua auront pour mission d'interviewer un invité faisant l'actualité sociale, politique ou culturelle, mais «avec une dose de bonne franquette et d'improvisation». «Le but est d'avoir des discussions directes, très peu de promo, plus d'impro et de off», explique Lâm Hua. Le chanteur Sinclair est l'invité de la première émission.

 

Entre les mains des internautes

 

Les rencontres sont aussi au cœur de plusieurs projets. Les Globe Troqueurs (auteur: Brice Martinelli, production: Séquence 3 Productions), «le premier road-trip solidaire», montre le périple de deux jeunes Lilloises dont le point de chute est un orphelinat en Inde. Mais, pour ne pas y arriver les mains vides, elles devront rendre des services aux populations des pays traversés et récolter pour les enfants tout un tas «d'objets utiles». Le montage sera des plus honnêtes: «rien n'a été réécrit, rien n'a été retourné, même quand la prise n'était pas bonne», promet son auteur.


Sans canapé fixe (auteur: Céline Joly, production: Balina Films) s'approprie quant à lui purement et simplement la pratique, née sur Internet, du «couch surfing», selon laquelle des particuliers prêtent un canapé pour dormir à des touristes de passage en échange... de moments de partage. Une manière «générationnelle» de voyager, souligne Nathalie Notebaert, directrice de l'unité recherche et développement des programmes de France Télévisions.


Certains projets interagissent mieux que d'autres avec les internautes. Dans On n'a pas fait le tour (auteur: Jérémy Cateland, production: Whac Media), Jérémy remet carrément son sort de voyageur foufou entre leurs mains. «C'est le spectateur qui décide des passages les plus importants du voyage: où aller, que faire», explique Jérémy Cateland, qui est parti pour ce pilote aux Philippines. Ensuite, le spectateur peut lui proposer des défis (ce qui rappelle sur le principe des vidéos à succès sur Internet comme Les Défis de Gonzague). On n'a pas fait le tour est également en quête d'une certaine transparence: «Voyager, ce n'est pas arriver dans un bel endroit où tout est parfait, raconte Jérémy Cateland. Parfois on peut passer la journée à essayer de réparer un pneu avec quelqu'un qui essaie de vous coller des rustines.»

 

Découvrir des univers parallèles

 

Dans By Night (auteur: Xabi Molia, production: Tournez s'il vous plaît), une journaliste blonde et belge nous promène dans une ville européenne «du coucher du soleil au lever du jour». Mais le spectateur n'est pas obligé de la suivre aveuglément! A certains moments, elle lui propose d'emprunter «un univers parallèle», c'est-à-dire de scanner avec un second écran (tablette, mobile) un QR code, qui lui montrera la soirée sous un autre angle. «Alors que l'image à la TV est accueillante, attractive, un peu léchée, on a choisi, pour l'univers parallèle, de tourner avec une petite caméra sur le front», précise Xabi Molia.


La télévision traditionnelle abuserait-elle du beau, du montage, du mensonge? C'est presque le thème de Lazarus lève le voile (auteur: Anne-Laure Bonnel, production: Black Moon France). «Ce programme va nous réveiller, nous désintoxiquer», promet son résumé. Le personnage de Lazarus, qui a déjà pris corps sur le web, souhaite former au doute, au scepticisme, développer l'esprit critique dans le cadre du décryptage de l'actualité. Il va être transposé à la TV, au grand dam de certains internautes, puisque le petit écran est par essence le média qui endort les consciences... Alors, un tel programme peut-il survivre sur la télévision? «Je ne le crois pas une seule seconde, répond tranquillement Patric Jean, réalisateur et producteur (Black Moon) à l'origine du projet. Mais comme dit Lazarus, il faut douter, alors...» Réponse le 4 juillet.

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