La fermeture du groupe audiovisuel public grec ERT provoque de nombreuses réactions des instances audiovisuelles européennes.

"No signal" : en décidant d'interrompre mardi 11 juin vers 23 heures les émissions de sa radiotélévision publique, le gouvernement grec a provoqué une onde de choc en Europe. L'Union européenne de radio-télévision (UER), a appelé dans une lettre au Premier ministre conservateur Samaras, à « user de tous ses pouvoirs pour annuler immédiatement cette décision ».

 

L'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) a aussi critiqué mercredi 12 juin la décision des autorités grecques : "L'audiovisuel public joue un rôle indispensable dans la démocratie d'un pays. C'est la seule source d'information qui a légalement l'obligation de fournir aux citoyens des nouvelles objectives et des informations non biaisées", a dénoncé la représentante pour la liberté des médias de l'OSCE, la Bosnienne Dunja Mijatovic.

 

Réunies pour un conseil d'administration de TV5 Monde, les télés publiques francophones (Belgique, Canada, France, Québec et Suisse) "apportent leur soutien plein et entier au service public audiovisuel grec dont l'arrêt brutal et imprévisible choque profondément l'ensemble de ses membres".

 

La Conférence permanente de l'audiovisuel méditerranéen (COPEAM), qui regroupe 130 entreprises audiovisuelles issues de 26 pays, a exprimé pour sa part "sa très vive inquiétude et sa totale solidarité avec la télévision publique grecque".

 

"A l'annonce d'une décision aussi soudaine et brutale, on ne peut ressentir que sidération et consternation", a pour sa part déclaré Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans Frontières, dans un communiqué qualifiant cette décision d'"aberrante".

 

Mobilisation politique et syndicale

 

En Grèce, Evangélos Vénizélos, chef des socialistes grecs du Pasok et pilier de coalition gouvernementale, parle d'"une ambiance de crise politique et institutionnelle".  De leur côté, les syndicats du privé et du public ont appelé à une grève générale jeudi 13 juin et à des rassemblements devant le siège de la société dans la banlieue nord d'Athènes, où affluent depuis mardi des milliers de personnes pour protester contre la fermeture de l'organisme.

 

Selon les syndicats, en fermant ERT, le gouvernement remplit brutalement l'objectif assigné par les créanciers de la Grèce de supprimer 2.000 emplois publics d'ici à la fin juin. Il s'agirait ensuite de réembaucher nombre de salariés sous une autre convention collective.

 

Un groupe plurimédia d'Etat

 

Société anonyme de droit public depuis 1976, le groupe public grec de radiotélévision ERT compte cinq chaînes de télévision, sept stations de radio nationales, 19 régionales, une fréquence internationale, trois orchestres et une chorale. Avec 35 centres d'émission, la société touche les coins les plus reculés des îles de la mer Egée, et emploie plus de 2650 personnes, dont 680 journalistes et 200 musiciens ou chanteurs. ERT s'adresse aussi aux sept millions de Grecs de la diaspora éparpillés dans le monde.

Souvent critiquée pour sa lourdeur étatique, et le contrôle exercé par l'Etat, l'ERT a accueilli sans ciller une multitude de salariés directement nommés par les gouvernements de droite ou socialistes successifs, prêtant le flanc aux accusations de clientélisme.

 

Tout s'est arrêté en 2010, au moment de l'explosion de la crise de la dette qui a contraint la Grèce à adopter une politique de stricte austérité, dictée par ses créanciers, Union européenne et FMI, en échange de prêts pour lui éviter la faillite. Outre des coupes salariales draconiennes, évaluées à 45% par les syndicats dans le cas d'ERT, la Grèce s'était engagée à restructurer et à fusionner un certain nombre d'organismes publics, dont l'ERT.  Un plan proposé en 2011 par le gouvernement socialiste à l'époque visant à réduire le nombre des radios et des télévisions n'a pas abouti après la vive réaction du principal syndicat, Pospert.

Bénéficiant d'une appréciation positive sur la qualité de ses productions audiovisuelles dans le monde de la culture, l'ERT affiche de faibles taux d'audience pour ses chaînes de télévision, qui restent en dessous des 10% de parts d'audience. Selon Le Figaro, l'audiovisuel public représente grâce à la redevance quelque 300 millions d'euros de recettes par an, soit le double de l'intégralité des revenus des chaînes privés. L'audience ne serait que 5% pour Net et de 2,5% pour ERT.

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