Régie
Après un premier semestre désastreux du fait d'une demande minimale, d'une offre de chaînes plus abondante et de la compétition sur les prix entre Tf1 et M6, le marché publicitaire de la télé connaît une bonne rentrée.

«On est loin de l'euphorie, mais on voit des frémissements.» Nonce Paolini, le PDG de TF1, a résumé aux Rencontres de l'Udecam, le 5 septembre, le sentiment général chez les éditeurs de chaînes. Après un sursaut de la demande en juin, l'été semble avoir profité aux diffuseurs et la tendance est au remplissage des écrans publicitaires de rentrée. Kantar Media fait état d'une hausse de 9,9% des recettes publicitaires brutes en août et de 48% en volume. En cumul sur l'année à la fin août, le petit écran présente des recettes brutes à +5,6% et une durée publicitaire qui a progressé d'un tiers.

«Beaucoup de marques ont profité de la belle météo estivale, note Didier Beauclair, directeur médias de l'Union des annonceurs (UDA). Et le mois de septembre se présente bien selon les chaînes. Quand je recoupe avec mes adhérents, je constate que ce n'est pas qu'un effet de communication: les plannings sont plutôt bien remplis. Tant mieux si le moral des annonceurs remonte un peu, mais il est trop tôt pour savoir si c'est durable.»

Dans un marché annuel de 3,3 milliards d'euros en 2012, un regain de vitalité des marques à la télévision n'est pas anodin. TF1 Publicité, la régie leader, est un bon indicateur de la confiance des annonceurs dans l'investissement médias, et donc des industriels dans les perspectives de la consommation. «C'est vrai que la demande est plutôt bonne en cette rentrée, confirme Laurent-Eric Le Lay, son directeur général. Est-ce que cela va continuer? Il n'y a pas de raison de ne pas être optimiste dès lors que les indicateurs macroéconomiques seront au rendez-vous. La politique de déflation a provoqué un remplissage des écrans. La durée publicitaire s'est fortement accrue. Lorsque les écrans sont pleins et la demande forte, l'ajustement se fait de façon plus solide.»

Une allusion à la tension sur les prix qui a teinté la première moitié de l'année, essentiellement le 1er trimestre (–9,4% en net, selon l'Irep), du fait de l'arrivée de six nouvelles chaînes et, surtout, de la compétition commerciale TF1-M6. «On sent que les annonceurs ont envie de revenir à la télévision, a confié le 4 septembre à quelques journalistes Nicolas de Tavernost, le président de M6. Il y a une reprise de la valeur actuellement. Je pense que TF1 a fait moins de bêtises (…).»

Quant à savoir si ce n'est pas M6 Publicité qui a entraîné le marché de la télévision dans une spirale déflationniste avec ses offres de prix promotionnelles (notamment les ventes flash), comme l'en accuse Nonce Paolini, «c'est au leader de faire la politique des prix», rappelle le patron de M6. «On ne s'interdit pas de faire du commerce. Il n'y a qu'en France qu'on donne la parole à un dirigeant pour qu'il dise que son concurrent est compétitif», raille-t-il.

Un professionnel de l'achat d'espace estime cependant que les ventes flash ont fait du mal au marché: «Des accords ont été conclus avec des coûts du GRP sur les ménagères de moins de 50 ans inférieurs à 1 000 euros. C'est très attractif, mais totalement sous les prix normaux.»

Laurent-Eric Le Lay calme le jeu en estimant que le prix est davantage fonction de la demande que d'une guerre des coûts. TF1 Publicité mise désormais sur «des produits qui mêlent la puissance de TF1 et la spécificité du digital», comme en témoigne ses accords avec Shazam et plus récemment Twitter. Médiamétrie, justement, travaille sur le rapprochement de ses outils de mesure TV et Web.

«Un changement début septembre»

Au 1er semestre, les annonceurs se sont montrés prudents pour cause de négociations avec les distributeurs, d'économies budgétaires ou d'assistance à des filiales en difficultés. M6, qui recule de 2,1% en recettes nettes, estime le marché TV en repli de 6% durant cette période. «Il n'y a pas aujourd'hui de signes que cela s'aggrave, estime Robin Leproux, le patron de la régie. C'est presque un statu quo et c'est plutôt rassurant. Il y a des opérations spéciales et des lancements produits dans l'alimentaire, le parfum, l'hygiène-beauté et même l'automobile. C'est moins mauvais qu'au 1er semestre.»

Le 28 août, Martin Ajdari, le directeur général aux ressources de France Télévisions, était toutefois moins optimiste pour son groupe: «On observe une baisse de la valeur unitaire des spots. Contrairement aux autres, on ne peut pas se refaire sur les écrans de prime time. Nos recettes reculent plus vite que le marché et ce peut être une menace.»

«Oui, il y a eu un changement début septembre, confirme Anne Thétier, directrice générale d'Omnicom Media Group France, en charge des achats plurimédias. Le marché est exacerbé et très sensible à loi de l'offre et de la demande. Les grands comptes, qui avaient sécurisé leur planning et leurs conditions d'achat grâce à des contrats annuels négociés en début d'année, à une période favorable, ne subissent pas l'impact de cette inversion de tendance. En revanche, pour les autres, les annonceurs qui ne peuvent avoir qu'une visibilité à court terme, les conditions sont clairement plus difficiles aujourd'hui.»

«Le remplissage est de 100% sur toutes nos chaînes, observe de son côté Roger Coste, directeur général de Canal+ Régie. Après un 1er semestre où elles ont été très prudentes, les marques se rendent peut-être compte qu'elles ont besoin d'investir. Le seul bémol est que la visibilité commerciale ne dépasse pas les quinze jours.» Il faut aussi, selon lui, tenir compte de pratiques qui ont modifié le marché: «Le coût moyen du GRP ne cesse de baisser, il a diminué autant lors du 1er semestre de l'année que durant toute la période 2008-2012.»

Les perspectives de la fin de l'année, traditionnellement favorables à la télévision, incite les chaînes à l'optimisme. Christine Kelly, la conseillère du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en charge de la publicité, n'a-t-elle pas déclaré le 5 septembre à l'Udecam que «c'est le moment historique de se poser la question des secteurs interdits»?

Eviter l'effet collatéral sur l'éditorial

Une déréglementation éventuelle du décret de 1992 sur les promotions des distributeurs apporterait 150 millions d'euros supplémentaires aux chaînes, selon le Syndicat national de la publicité TV, alors que 20 à 50 millions seraient générés par la publicité pour le cinéma, selon le CSA.

Juste de quoi permettre aux chaînes de rattraper une bonne partie de leur retard en évitant d'avoir comme effet collatéral de la baisse des prix des spots une détérioration de la qualité éditoriale des chaînes. Déjà, Nicolas de Tavernost ne se prive pas de rappeler qu'à la place de la Formule 1 et de la Ligue des champions de foot, passés chez Canal+ et Be in Sport, la télévision gratuite a hérité cette année de… Nabilla.

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