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Les producteurs de séries d’animation pour la télévision, réunis à Toulouse lors du 24e Cartoon Forum, sont de plus en plus nombreux à cibler les adultes. Un secteur qui n’effraie plus les chaînes de télévision.

Un vieil homme ivre entre dans un bar et raconte à ses acolytes alcoolisés l'histoire d'une Belle au bois dormant devenue prostituée, qui échappe à son proxénète grâce aux bottes magiques du Chat botté. Bienvenue dans Les Contes de l'apéro, une série d'animation française, produite par Humpty Dumpty et Sacrebleu Productions et qui, à la manière d'un Raymond Queneau, réinvente les classiques du conte en mêlant différentes histoires. Ici, la Belle bottée, là le loup de monsieur Seguin, plus loin, le vilain Petit Chaperon rouge. Derrière ces histoires à dormir debout, des fables modernes sur la prostitution, la pénibilité au travail, la récidive ou encore la délinquance juvénile.
Présentée à l'occasion de la 24e édition du Cartoon Forum, qui a réuni à Toulouse, du 17 au 20 septembre, les professionnels européens de l'animation TV, cette série s'adresse aux 16 ans et plus, un public que les producteurs sont de plus en plus nombreux à convoiter. Cette année, 10% des projets présentés au Cartoon Forum s'adressaient aux jeunes adultes et aux adultes. Une tendance qui ne cesse de se confirmer depuis les films Persepolis (2007) et Valse avec Bachir (2008).

 

Un succès plus aléatoire

«On a tort de croire que le dessin animé ne touche que les enfants, estime Pierre Siracusa, directeur délégué à l'animation chez France Télévisions. L'animation a plein de choses à proposer en matière de représentation du monde, particulièrement sur des terrains où la fiction n'ose pas aller.»
Parmi les autres projets pour adultes présentés à Toulouse, la série française Chez Simone, produite par Xbo Films et Anoki. Le concept? Expliquer les grands principes de l'économie à travers l'histoire de Simone, une grand-mère hyperactive qui tient les rênes d'une supérette de quartier.
«Le succès des projets pour jeunes adultes est beaucoup plus aléatoire que ceux destinés aux enfants car les diffuseurs télé sont frileux en la matière, note Marc Vandeweyer, directeur général de l'association Cartoon, organisatrice du forum. A part Arte et France Télévisions, rares sont les chaînes à ouvrir des créneaux pour l'animation jeune adulte.»
Il y a un an, la chaîne franco-allemande Arte faisait figure de précurseur avec la programmation de Silex and the city. Adaptée de la bande dessinée de Jul, cette série d'animation raconte les pérégrinations d'une famille d'homo-sapiens au ton corrosif et provocateur. De son côté, France Télévisions mettra à l'antenne en 2014, sur France 4, la série Il le faut. Produite par Kawanimation, ce programme d'animation s'apparentera à des chroniques de la vie quotidienne, avec un ton très transgressif.
«Nous voulons faire de France 4 l'avant-garde de France Télévisions sur les nouvelles écritures et les nouveaux formats, avec une grande place accordée aux programmes jeunesse la journée», explique Tiphaine de Raguenel, directrice des activités jeunesse.
Cinq autres projets de séries d'animation pour jeunes adultes viennent également d'être mis en développement par France Télévisions. «L'erreur serait de se dire que l'animation pour adultes ne doit être qu'irrévérence. Cela peut être poétique aussi», estime Pierre Siracusa.
Sans aller aussi loin, une chaîne pour enfants comme Gulli n'est pas indifférente à ce goût du public pour l'irrévérence. «Dans un avenir plus ou moins proche, nous voulons aller vers des séries qui proposent plus d'aspérités, souligne Caroline Cochaux, directrice des programmes des chaînes jeunesse et famille de Lagardère Active (Gulli, Canal J, Tiji). Nous cherchons des programmes avec un double niveau de lecture, qui permettent à toute la famille de se rassembler.»

 

Les enfants passent avant

Reste que l'essentiel du secteur de l'animation TV se concentre sur le public enfant. «L'animation pour adultes est un marché beaucoup plus segmentant. Pour nous, ce n'est pas à l'ordre du jour», assure Gilles Romele, ‎conseiller artistique chez M6.
L'an dernier, la chaîne a diffusé 471 heures de programmes d'animation, soit 11% de plus en cinq ans. Le leitmotiv de la chaîne? Les adaptations, mais pas seulement. «Face à Bob l'éponge sur TF1 ou Le Petit Nicolas sur France 3 par exemple, les licences nous permettent d'exister. C'est un produit d'appel mais ce n'est pas une valeur sûre», estime Gilles Romele.
D'où viennent ces licences? Pour beaucoup, du monde de la bande dessinée (Marsupilami, Lucky-Luke, Astérix, etc.). Mais un autre genre s'invite dans le scénario. «Les jeux vidéo ont pris une bonne place dans les programmes diffusés par les chaînes», souligne Caroline Cochaux, de Lagardère Active, dont les chaînes Gulli et Canal J diffuseront prochainement les nouvelles aventures de Sonic et de Rayman. Après avoir connu un incroyable succès sur consoles, Les Lapins crétins arriveront cet automne sur France 3, pour 78 épisodes de 7 minutes.
Le succès du premier volet des As de la jungle, opération banquise diffusé fin 2011 sur France 3, prouve toutefois que les créations originales ont encore largement leur place. Produite par la jeune société toulousaine TAT Productions, cette série d'animation, qui a déjà fait le tour du monde, fera son retour en 2014 sur les écrans français, avec la diffusion sur France 3 des As de la jungle à la rescousse. Dans le secteur de l'animation, le made in France plaît plus que jamais. C'est d'ailleurs le type de programmes audiovisuels qui s'exporte le mieux : il totalise un tiers des ventes à l'étranger.

 

 

L'animation en chiffres

 


181,8 millions d'euros. Coût de la production de programmes audiovisuels d'animation en France en 2012.

298 heures de programmes produits en 2012, en baisse de 16% sur un an.
10 000 euros en moyenne. Coût de la minute de production.
21,3 millions d'euros. Investissement de France Télévisions dans la production d'animation, soit 43% des investissements de l'ensemble des chaînes.
3 985 heures de programmes d'animation, dont 41% français, diffusés sur les chaînes nationales historiques (part d'audience de 16,6% chez les 4-10 ans et de 5,7% chez les 11-14 ans).

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