GTA V ou Candy Crush pourraient le faire oublier, mais le jeu vidéo est une œuvre culturelle, au même titre qu'un film ou qu'un livre. Il s'agit même de la «première industrie culturelle dans le monde», rappelle Gilles Freissinier, directeur du pôle Web d'Arte France.
La chaîne européenne a donc décidé de s'emparer de cet objet culturel en lançant Type Rider, disponible sur ordinateur, tablette et mobile. A la frontière entre le documentaire et le jeu, Type Rider plonge le joueur dans l'histoire de la typographie, à travers les aventures de deux points de ponctuation qui découvrent l'invention des caractères et l'univers des polices d'écriture. Au joueur de faire progresser ces deux petits points, de résoudre des énigmes et puis, pourquoi pas, de s'instruire en lisant les explications historiques qui jalonnent les niveaux.
Coller à l'image de la chaîne
«Le jeu vidéo est un lieu d'expression cohérent pour notre chaîne, qui a l'habitude de créer des contenus innovants», explique Gilles Freissinier, qui a été l'un des premiers à produire des webdocumentaires. Restait à trouver le jeu qui collerait à l'image de la chaîne.
Quand, en 2012, ce projet de «jeu vidéo typographique» est arrivé sur les bureaux d'Arte, cela a été «comme une évidence», raconte Marianne Lévy-Leblond, responsable webproduction de la chaîne franco-allemande. L'idée est née en 2008 dans l'esprit d'un jeune directeur artistique et «game designer», Théo Le Du. Cet ex-étudiant en imprimerie a pensé que l'histoire de la typographie pouvait être mise en parallèle, de manière ludique, avec l'histoire de l'humanité.
400 000 euros de budget
Naît alors le jeu Type Rider, avec son application payante disponible dans 120 pays, sa version en ligne (où les cinq premiers niveaux sont gratuits) et sa page Facebook. Coût total: 400 000 euros. Arte apporte 160 000 euros, le producteur Ex-Nihilo environ 150 000 et le reste est fourni par le fonds de soutien du Centre national du cinéma et l'image animée (CNC), qui finance notamment aussi des webdocumentaires.
Environ 15% de cette somme a servi à payer les droits d'auteur, très nombreux. «Nous nous attendions à devoir payer les droits sur des images d'archives, comme une reproduction de la Bible de Gutenberg achetée à la BNF ou de L'Encyclopédie. Nous savions aussi que les typographies étaient payantes, mais nous ne savions pas qu'elles étaient des véritables marques déposées, qui coûtent très cher!», explique Théo Le Du.
Le niveau «Futura», du nom d'une police de caractères inventée en Allemagne en 1927 et très utilisée par les soviétiques, a été le plus coûteux, les images d'archives étant relativement récentes et donc chères. Un grand soin a également été accordé à la bande-son, confiée à la société spécialisée Audio Gaming.
Objectif: 30 000 téléchargements
L'application est disponible pour 2,69 euros sur l'App Store, le Google Play Store et Steam, plate-forme de vente de jeux en ligne. L'objectif à court terme est de 30 000 téléchargements, même si le producteur Ex-Nihilo ne compte pas nécessairement rentabiliser son investissement.
Le président de l'éditeur du jeu, Bulky Pix, est plus optimiste: «A long terme, nous espérons des centaines de milliers de téléchargements.» S'ajoute aux huit niveaux un «social game», qui permet à l'internaute de créer son propre niveau en écrivant un message de 40 signes, dans la police de son choix et en faisant varier la taille des caractères. Il peut ensuite défier ses amis via l'application Facebook.
Arte ne compte pas s'arrêter là. La chaîne lancera The Reversal, un jeu plus expérimental, le 22 octobre prochain. Lui n'a coûté que quelques dizaines de milliers d'euros.
