internet
Le site d'information et de divertissement Buzzfeed lance une version en français ce 4 novembre. Raillé pour son contenu léger et adolescent, le site connaît pourtant un développement insolent.

Sur la page d'accueil du site anglo-saxon, des photos de starlettes, de chatons, des chiens déguisés, des «LOL» (Laughing out Loud), «OMG» (Oh my God) et autres sigles piqués aux adolescents sur les réseaux sociaux... Le lancement de la version française de Buzzfeed, le 4 novembre, n'en aura pas moins droit au prestige d'un amphithéâtre de l'école de journalisme de Sciences Po. Créé en 2006 par le cofondateur du sérieux Huffington Post, Jonah Peretti, il attire près de 85 millions de visiteurs chaque mois, soit trois fois plus que le site du New York Times.

Derrière ses allures adolescentes, Buzzfeed est à l'origine de quelques scoops, comme l'annonce du départ du Guardian de Glenn Greenwald, l'homme qui a révélé le scandale Prism. Le site pourrait avoir beaucoup à apprendre aux médias français. «Il utilise des techniques marketing dont les journalistes devraient certainement s'inspirer, explique Jacques Rosselin, ancien directeur de la rédaction de La Tribune, le mode de référencement, la stratégie sur les réseaux sociaux sont autant d'éléments réutilisables par les journalistes.» Car la force de Buzzfeed réside dans la viralité de ses articles sur les réseaux sociaux, notamment auprès des jeunes.

 

La viralité, clé du succès 

Tout est fait pour susciter l'interactivité. Les internautes définissent ainsi leur propre «rubriquage» en attribuant une «émotion» à chacun des articles. Si suffisamment de lecteurs ont été attendris par l'article et ont cliqué sur «Cute» (mignon), le post sera visible dans cette catégorie. «Nous avons, nous aussi, adopté cette technique, explique Maxime Barbier, directeur général du site français Minutebuzz, et l'effet a été immédiat: plus de 300 000 émotions par mois sont signifiées par les internautes et le trafic a quadruplé en dix mois

La marque de fabrique de Buzzfeed, ce sont également les «listicles», ces articles qui dressent des listes thématiques illustrées de photos, GIF et vidéos. Ainsi, «les 22 costumes qui prouvent que les bouledogues sont les meilleurs pour Halloween» a été vu près de 1,2 million de fois et partagé 84 000 fois sur Facebook en trois jours. «Les listicles se partagent très facilement parce qu'ils proposent des packages, pas seulement une photo ou une vidéo que l'internaute peut partager seule», analyse Maxime Barbier.

Buzzfeed se prétend «leader en social content advertising» et a affiché des profits records en août. La publicité n'est pas directement visible sur des bannières, mais de façon «native»: le site crée des séries d'articles mettant en valeur des marques. Ces contenus sponsorisés sont très partagés sur les réseaux sociaux. Jonah Peretti prévoit 600 campagnes de ce type en 2013, contre 265 l'année précédente. Le développement de Buzzfeed à l'international ne pourra qu'augmenter la cadence et ne va quasiment rien lui coûter, les articles du site américain étant traduits semi-automatiquement par les utilisateurs bénévoles du site Duolingo et une petite équipe d'éditeurs.

«Le modèle économique de Buzzfeed est très intéressant, note Eric Scherer, directeur de la prospective chez France Télévisions. Le site a trouvé la formule pour financer des articles de qualité: la viralité. Leurs articles pas sérieux attirent énormément de public et de publicité, qui permettent de financer l'investigation et la qualité». Parmi ses 300 salariés, Buzzfeed possède une équipe de journalistes d'investigation, menée depuis quelques jours par l'ancien prix Pulitzer et rédacteur en chef de Pro Publica Mark Schoofs. Un modèle «sucreries et légumes», selon Eric Scherer, qui pourrait inspirer France Télévisions: «Il ne faut pas hésiter à être parfois un peu plus décontracté pour attirer jeunes et annonceurs.»

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.