Le lancement d’AOC
Le concept éditorial d’AOC, c’est celui d’un journal quotidien. Conçu par un petit groupe de journalistes, rejoint par une multitude d’auteurs comme des chercheurs, des intellectuels, des artistes… L’offre est volontairement limitée à trois articles longs par jour, rangés dans trois catégories : analyse, opinion et critique. Si l'on les reçoit tous les informations via des alertes, la radio… en revanche ce qui nous fait défaut c’est la mise en perspective de cette actualité. AOC a été lancé le 26 janvier, sur un modèle payant par abonnement. La question ne se posait pas après mon passage chez Médiapart, c’est le seul modèle viable pour produire de l’information de qualité. En revanche, notre modèle laisse une petite part à la publicité. On voudrait faire en sorte qu’AOC soit le laboratoire de la reconstruction de la valeur publicitaire. On transpose la logique de la presse papier sur le web en commercialisant des espaces publicitaires plutôt que des audiences.
D’après le Syndicat des Régies Internet, Google et Facebook accaparent 78% de la publicité digitale
Le marché publicitaire digital évolue très rapidement, et Google et Facebook pèsent très lourd par rapport aux médias traditionnels qui doivent se partager les miettes. Cela devrait inciter les médias à totalement repenser leurs stratégies publicitaires. En sortant de cette logique d’achat d’espace, les médias ont détruit la rareté de l’espace publicitaire. Sur le web, cette espace n’a plus guère de sens si on vend des bandeaux qui sont liés à des tranches d’audience. Il est urgent pour les médias de ne plus dépendre de ce modèle publicitaire, preuve est faite qu’ils ne font plus le poids face à ceux qui ont réussi à aimanter tous les revenus vers eux.
Le dernier film de Spielberg Pentagone Papers: à l’heure des Fake News, Hollywood célèbre le journalisme d’investigation
Malheureusement je n’ai pas encore eu le temps de voir le film avec le lancement d’AOC mais j’ai très envie de le voir, d’ailleurs nous publierons une longue critique sur le sujet dans quelques jours. Ce film participe d’une inquiétude démocratique c’est-à-dire la fragilisation des médias par le numérique. C’est important dans les représentations culturelles populaires de véhiculer une conception du journalisme d’enquête, d’investigation et d’indépendance. Probablement Spielberg est lui aussi inquiet de cette évolution, peut-être sommes nous seulement en train de réaliser à quel point des médias sérieux et indépendants sont une condition nécessaire au fonctionnement d’un espace publique démocratique.
Les plaintes déposées contre Lactalis et E. Leclerc après le scandale sanitaire du lait contaminé
Les contrôles sont plus stricts qu’auparavant et ça va dans le bon sens. Le problème de Lactalis c’est en grande partie un problème de situation quasi monopolistique. Au-delà des questions sanitaires, il y a un réel sujet qui touche l’économie en général concernant les distributeurs. Quel que soit les produits, les distributeurs sont ceux qui s’enrichissent sur le dos des producteurs et des consommateurs. Et puisque le marché n’est pas capable de se réguler lui-même cela implique une forme d’ingénierie pensée par les pouvoirs publics pour encadrer l’économie afin que les marges soient mieux réparties.
Carrefour : Bompard annonce son intention de devenir « leader de la transition alimentaire » via le numérique et le bio et supprime 2800 emplois
Quand on observe l’économie, il faut faire attention à ne pas confondre les vraies décisions stratégiques des annonces de communication qui finalement ne ressortissent que de l’image de marque des marques. Trop souvent les médias se laissent hypnotiser par ces annonces spectaculaires, et derrière ces leurres médiatiques se cachent les vraies décisions stratégiques. C’est le travail des journalistes économiques de les débusquer. Chez les médias qui dépendent des budgets publicitaires de gros annonceurs c’est toujours compliqué d’enquêter sur ces-derniers et d’écrire de manière indépendante. Il ne faut pas oublier que la grande distribution est l’un des premiers annonceurs des médias en France.
La tribune de 22 sociétés de journalistes contre dans les poursuites judiciaires du groupe Bolloré
Le niveau de concentration des médias en France est préoccupant, il est beaucoup plus important qu’aux Etats-Unis où il existe des lois antitrust sévères. A mon avis, la seule manière de continuer à produire du journalisme indépendant c’est que les médias n’hésitent pas à critiquer les politiques éditoriales de leurs concurrents. Pendant longtemps, on a observé une forme de confraternité. Mais pour avoir un espace public sain il est absolument nécessaire de sortir de cette attitude et de s’interroger sur certains choix éditoriaux de ses concurrents. C’est le pluralisme qui découle de la multiplicité des acteurs qui grandit l’espace publique, pas l’illusion d’un pluralisme interne.
Regain de confiance dans les médias selon le baromètre La Croix/Kantar (+4% pour la radio, +8% pour la presse, +7% pour la TV)
C’est compliqué de sur-interpréter de petites évolutions. Je trouve finalement assez sain que les personnes interrogées expriment un point de vue critique vis-à-vis des médias. Cette relation critique est bénéfique pour les médias. Pour autant, il ne faut pas qu’elle mine une forme de confiance, le doute doit être une position constitutive du lecteur, il ne doit pas se positionner sur le mode de la croyance mais bien dans le registre de la raison et de la rationalité.Tous les discours un peu catastrophistes sur la perte de crédit des médias me semblent souvent exagérés. Les personnes interrogées semblent se retourner vers les médias plus traditionnels et se méfient du web ce qui paraît logique au vues des nombreux modèles économiques qui se sont développés sur le web. Ils se servent de polémiques pour alimenter leur fil ; c’est ce qui casse cette confiance avec les médias. C’est de notre responsabilité en tant que journalistes de montrer qu’on peut avoir d’autres usages du web pour y créer des médias fiables, de qualité tout cela à moindre coût.
