Dossier Publicité extérieure
Avec la multiplication des écrans et des outils, les opérateurs de la communication extérieure accélèrent le basculement dans le numérique. Un impératif, d'autant qu'en la matière, la France est en retard.

Début juillet, des écrans numériques siglés JCDecaux devraient faire leur apparition dans Paris, un réseau qui n’aura rien à voir avec celui initialement prévu par la ville, dont l’appel d’offres a été annulé courant 2017. Le leader de la communication extérieure installera plus simplement dans les vitrines des Monoprix une centaine d’écrans 85 pouces orientés vers la rue. Ce nouveau support publicitaire sera « ouvert à la grande consommation pour les produits référencés chez Monoprix mais aussi pour d’autres marques », se réjouit Isabelle Schlumberger, directrice générale pour la France. Et il bénéficiera des données « sorties de caisse » [données collectées lors du passage en caisse] pour optimiser sa commercialisation.

Plus vraiment une innovation, l’installation d’écrans dans les espaces commerciaux – de l’entrée de gigantesques malls aux allées centrales de supermarchés - est devenue une tendance de fond. Présent sur ce créneau depuis 2012, Clear Channel « est largement leader dans cet univers et diffère des autres avec une cellule créative pour faire vivre des expériences inédites aux clients », selon Isabelle Pires, manager OOH chez Havas Médias. Le groupe américain en a implanté 2 000 dans 190 établissements, notamment chez Carrefour, pendant qu’In-Store Media en déployait dans 120 centres commerciaux, en particulier chez Auchan, et Smartmedia, dans près de 140. Pour le PDG de Clear Channel, Philippe Baudillon, « le digital entre dans une période où il devient un média plein, avec la possibilité d’éditorialiser les contenus en fonction du lieu, de la marque... L’opérateur devient ainsi un véritable broadcaster pour les marques mais aussi pour les centres commerciaux, les maires, les transporteurs… »

Il est vrai que l’essor des écrans ne se limite plus aux espaces commerciaux. Clear Channel dispose de panneaux digitaux sur l’espace public de certaines villes et en prévoit 500 d’ici fin 2018. ExterionMedia en revendique 180 sur le territoire, dont une trentaine implantée sur le boulevard périphérique parisien. Phenix, le propriétaire d’Insert, exploite 800 écrans de 55 et 75 pouces dans les vitrines de commerces de centre-ville et vise les 1000 d’ici juillet, « implantés sur des axes stratégiques pour les flux piétons », précise sa porte-parole. D’abord développée sur Paris, l’activité digitale du groupe s’étend cette année à quelques grandes métropoles régionales. Malgré des écrans numériques boutés hors de Paris, JCDecaux en a implanté dans une vingtaine d’agglomérations et vise la trentaine (Nice, Nantes, Reims, Neuilly…) d’ici la fin 2018, pour atteindre les 700 écrans dans l’espace urbain, et 1500 en France avec les aéroports.

Tombées dans le panneau

« La dynamique est lancée, ces déploiements sont un booster d’accessibilité au média pour tout client, y compris les acteurs locaux, estime Isabelle Schlumberger. Si la France est en retard avec 10,5 % des investissements dans le digital contre presque 17 % dans le monde, cela va aller vite car les villes adorent. » Même constat dressé par le dirigeant de Clear Channel : « Au Royaume-Uni, le groupe fait les deux tiers de son chiffre d’affaires dans le digital. En France, il ne représente encore que 15 à 20 % mais affiche une croissance à 2 chiffres. » Les 16,1 % de croissance affichés en 2017, selon l'Irep, montrent que les marques succombent en effet à ces panneaux, même s’« il a fallu de six à douze mois pour installer le réseau du boulevard périphérique d’Exterion dans les habitudes d’achat du marché », Jean-François Curtil, PDG d'Exterion. Mais les 2000 écrans de Mediatransports – dont « 700 dans le métro parisien d’ici cet été et 1200 dans les gares », précise la PDG, Valérie Decamp -, sur les 120 000 emplacements exploités par la régie transports, réalisent « 25 % du chiffre d’affaires, et jusqu'à 50 % dans les gares ».

« Les gares ou le métro, comme les centres commerciaux, sont des terrains de jeux où tout est permis, les concédants aimant que ces lieux vivent », confirme Isabelle Pires. Netflix, friand de dispositifs sur mesure dans les malls, est ainsi devenu un des premiers annonceurs de Clear Channel. Dans les espaces commerciaux des gares, « l’écran numérique doit devenir une vraie attraction pour emmener les gens en magasins », estime Valérie Decamp, citant en exemple ce qui a été fait à Saint-Lazare pour Sephora, avec des écrans affichant des portraits de voyageurs. Pour ce faire, Mediatransports développe un projet de kiosque serviciel, un mobilier équipé de puce NFC avec deux écrans horizontaux, l'un faisant la promotion et l’autre permettant du préachat ou du couponing.

Réseaux sur mesure

« 2018 sera l’année de la digitalisation du média à travers ses écrans mais aussi ses outils », prédit Alban Duron, directeur marketing de JCDecaux France. Qu’ils s’appellent Smartbrics chez JCDecaux, Broadcast chez Clear Channel, Mediaplanner chez Mediatransports, OOHptimizer chez Exterion, plusieurs systèmes automatiques ont été développés par les grands opérateurs pour répondre aux briefs des annonceurs ou de leur agence, en construisant des réseaux sur mesure, voire en intégrant de la data pour un ciblage optimal. « Les afficheurs s’ouvrent à plus de souplesse en lançant des offres au planning adapté aux problématiques des annonceurs, à la place de réseaux packagés, note Lucie Retif, directrice de Posterscope (Dentsu Aegis Network). Ils sont passés d’une couverture de masse générant de la déperdition à une couverture de masse utile pour gagner en efficacité sur des audiences et des territoires bien spécifiques. »

Exterion a poussé la logique jusqu’à « donner les clefs du système à l’annonceur pour qu’il construise son plan, alors que [ses] concurrents lui demandent ses besoins pour lui dire ce qu’il lui faut, compare Jean-François Curtil. C’est l’agence média qui a la connaissance du client, c’est donc à elle de voir ce qui est le meilleur ». Mais OOHptimizer « n’intègre pas de datas, c’est nous qui créons les cibles », précise Isabelle Pires, dont l’agence utilise l’outil Adcity, développé en interne. Selon elle, les opérateurs « gardent la main, par peur de perdre le contrôle de leur offre et de leurs relations commerciales ». Néanmoins, avec leurs datas et celles de leurs clients, ils basculent progressivement vers l’audience planning. Et les données tiers - météo, trafic routier, actualités, voire le niveau des stocks - viennent enrichir aujourd’hui leurs offres.

Resensibiliser le mobinaute

Autre tendance de taille, le développement de la convergence, le marché réclamant de plus en plus de dispositifs intégrant le mobile. « La donnée mobile permet d’aller encore plus loin dans la création de réseaux sur mesure, grâce à la localisation réelle de clusters d’audience spécifiques », souligne Julien Domingues, responsable trading chez Amplifi (Dentsu Aegis). Elle permet par ailleurs d’« amplifier ce qui a été fait sur le panneau, pour resensibiliser le mobinaute en fonction de son passage près des emplacements pour le drive-to-store », explique Kaoutar Benazzi, directrice de Mobext (Havas Media).

Quid du programmatique, perçu comme le graal du marché à l’heure de la convergence ? « Il y a encore du travail, souligne Kaoutar Benazzi, les clients n’ont ni un accès direct ni un DSP regroupant l’ensemble des offres. » Chez Dentsu Aegis, les experts notent cependant « des expérimentations sérieuses bientôt lancées via le pilotage des campagnes depuis des plateformes technologiques, du planning à la réservation ».

En attendant, les acteurs saluent dans leur ensemble le DOOH Trust, une initiative destinée à certifier la diffusion des spots sur ces panneaux numériques. Présentée fin 2017 et réunissant l’ensemble des opérateurs – à l’exception d’Exterion - et des agences média, elle a le mérite de vérifier la réalisation effective d’une campagne. Pour Philippe Baudillon, « la notion de confiance est devenue importante dans la concurrence entre médias ». Et c’est peut-être une première étape pour se diriger vers une audience commune. Car, comme le déplore Kaoutar Benazzi, « chaque opérateur dans le DOOH propose encore ses audiences pour chacun de ses univers ». Le chantier numérique reste ouvert.

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