Gafa
Laurent Solly, directeur général de Facebook Europe du Sud, revient sur l’ouverture de la publicité sur les Stories de Facebook, sur le lancement de la plateforme Watch et sur l’orientation stratégique du géant face à la TV. Il répond aussi à la polémique sur les profils fantômes de Facebook.

Vous avez annoncé le 26 septembre l’arrivée de la publicité sur les stories de Facebook. Qu’en attendez-vous sur le marché français?



C’est un format qui rencontre une utilisation croissante sur nos plateformes. Instagram, qui a ouvert la voie il y a deux ans, a plus de 400 millions d’utilisateurs de stories par jour. Facebook et Messenger, ce sont 300 millions et WhatsApp 450 millions. C’est un format très immersif, très créatif, simple d’utilisation et interactif avec ses émojis, ses masques ou ses sondages… Notre travail, c’est d’apporter ce format aux annonceurs et aux agences médias qui veulent en comprendre la mécanique. Non seulement pour toucher les utilisateurs là où ils sont mais avec une écriture spécifique. Comme Instagram – qui compte 17 millions d’utilisateurs en France – les stories sont intergénérationnelles. Je ressens une forme d’accélération entre l’émergence d’un nouveau format, son succès et son adoption par les annonceurs. Les marques sont aujourd’hui très friandes d’innovations.



Ce format est d’abord celui d’Instagram. L’implémentation sur Facebook est-elle naturelle?



Ce qui a fait le succès d’Instagram, c’est d’abord son fil d’actualité. Puis, la vidéo s’est imposée sur Facebook comme sur Instagram. Les annonceurs ont très vite compris comment la publicité native pouvait se construire dans les fils d’actualité, comment ils devaient revoir leur logiciel d’approche en fonction de l’écran mobile. Ils vont désormais très vite dans la volonté de comprendre ces nouveaux formats, ce qui peut paraître contre-intuitif dans la mesure où ils sont éphémères – 24h- et par nature swippables. Mais comme c’est un format que chacun d’entre nous utilise chaque jour, dont on connaît les codes, on n’est pas étonné d’y retrouver les marques. Il n’y a pas de format de Feed calqué pour les Stories. Le format imposé, interruptif, ne fonctionne pas très bien sur le mobile. Ce qui fonctionne bien, c’est le bon ciblage mais aussi la capacité de rentrer sans interruption dans l’expérience de la marque.



Avez-vous testé le format avec des marques françaises?



Oui, nous l’avons testé avec Mini, Monoprix ou Dior. L’impact de la marque, sa mémorisation se font entre zéro et trois secondes. C’est pourquoi sur les formats Stories sur Instagram ou Facebook, comme sur le fil d’actualité, la captation de l’attention s’opère dans les premières secondes. On est sorti du modèle du spot de 30 secondes où la révélation de la marque apparaît à la fin. Selon une étude mondiale, Facebook IQ-Ipsos, 68% des gens disent utiliser Stories sur trois plateformes ou plus au moins une fois par semaine et 62% affirment qu’ils s’intéressent davantage à une marque ou à un produit après l’avoir vu sur ce format.



Etes-vous dans une logique de captation du marché de la télévision?



En 2021, 78% de toutes les données mobiles seront des vidéos. Mais il y a différents usages de la vidéo. Nous proposons l’ensemble du spectre qui va de la consommation de la vidéo rapide, avec les formats Feed ou Stories, jusqu’à une consommation plus longue, que ce soit sur Facebook Watch ou IGTV (Instagram TV). À travers ces différents moyens, nous répondons à la volonté des utilisateurs, avec des innovations comme l’interactivité ou la réalité augmentée sur les Stories. Nous proposons ce spectre pour nos annonceurs à travers des partenariats. Nous répondons à leur volonté de faire évoluer leur modèle marketing et publicitaire en fonction des usages de leurs clients. Toutefois, nous ne faisons pas de différence entre des silos – TV, presse, digital – et nous cherchons à répondre par des solutions à chaque objectif: un lancement, de la préférence de marque, le soutien à la notoriété... De plus en plus, c’est la performance qui est recherchée: il s’agit de soutenir les ventes.



Donc, vous cherchez aussi – comme la TV avec Marketing Scan – à démontrer que vous transformez des publicités en achats à la sortie des caisses..



Oui, c’est une demande légitime du marché. Aux indicateurs médias, s’ajoutent désormais des indicateurs business. On est allé sur des stratégies de mesure de la performance business pour convertir en achats. Et cette conversion ne se limite pas au on line. Nos technologies permettent de démontrer que les gens sont allés en magasins et, demain, qu’ils ont effectivement acheté, qu’il y a eu un incrément de ventes via Facebook ou Instagram. On l’a mesuré sur Fnac-Darty ou sur L'Oréal. Les annonceurs de grande consommation ont vu l’essor rapide du mobile, l’essor aussi de jeunes marques qui peuvent en quelques mois leur prendre des parts de marché. Ils sont très exigeants. Si on apporte un avantage comparatif meilleur que nos compétiteurs, ils viendront.



Comment va s’implanter Facebook Watch en France?



Watch a été beaucoup testé aux Etats-Unis, où on a vu que le temps passé dessus augmentait. A travers cet onglet, on peut revenir sur des vidéos qu’on n’a pas eu le temps de regarder. C’est un espace pour un temps plus long. Il est lancé dans le monde entier depuis un mois avec une capacité d’ad break et des fonctionnalités sociales et de partage, sachant que 40% des vidéos visionnées sur Facebook sont issues de partages.



Peut-on imaginer que Facebook édite, produise des contenus?



Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Notre réflexion est plutôt de faire de Watch le lieu de rendez-vous pour les vidéos, avec deux catégories de partenaires : les créateurs de vidéos et les médias. Dès la fin septembre, l’ad break va nous permettre d’insérer de la publicité dès lors que la vidéo fait plus de trois minutes. Pour emporter l’adhésion, nous proposons un outil de valorisation pour nos partenaires avec un partage de revenus conforme aux standards du marché. Brut le teste. Des chaînes de TV sont aussi intéressées.



Deux chercheurs américains accusent Facebook de cibler des profils fantômes, établis à partir de données personnelles sans le consentement des utilisateurs. Votre réaction?



Cela m’étonne beaucoup. Quand on a mis en place le RGPD, on a amélioré l’outil de gestion des règles de confidentialité pour chaque utilisateur et notamment en les simplifiant pour le mobile. Il y a une partie sur les données que l’on autorise Facebook à utiliser – et jamais vendre. Ces outils peuvent être modifiés tous les jours. Il y a aussi le gestionnaire des préférences publicitaires qui fait que quand on est sur le fil Facebook, on peut cliquer pour masquer la pub, la marque, moduler les secteurs que l’on accepte ou pas pour que l’expérience publicitaire soit la plus personnalisée et la meilleure possible. Il n’y a pas de shadow profile [profils fantômes]! Ce serait contradictoire avec ce qui fait la valeur de Facebook sur le marché: parler à de vraies personnes et non à des cookies et ou à des panels.



Pourquoi un tel soupçon ? C’est lié à l’absence de transparence de Facebook sur son algorithme?



Je ne crois pas. La particularité de Facebook, qui compte 2,23 milliards d’utilisateurs, est sa mission de connecter les gens. Quand vous vous créez un profil, il est personnel. Vous êtes connectés aux gens qui comptent pour vous et donc vous avez une plus grande exigence vis-à-vis de nous. Nous nous devons d’être à la hauteur de ces attentes. Nous sommes totalement transparents sur la façon dans fonctionne la plateforme et nous donnons des outils de contrôle pour savoir pourquoi on a été ciblé par une marque. On a aussi fait des campagnes pédagogiques pour dire aux gens d’utiliser ces paramètres.



Est-ce que l’ancien dirigeant de média que vous êtes souscrit à la directive sur les droits d’auteur ?



Le débat se poursuit entre le Parlement, la Commission et le Conseil européen. Il faut attendre le texte lui-même qui sortira l’été prochain. Ce sont des sujets complexes qui dépendent de la rédaction de la directive. Nous avons toujours été assez en pointe dans la défense du droit d’auteur. Nous avons signé des accords avec toutes les majors de musique, ou avec le cinéma français sur les extraits de films, pour protéger le copyright avec des outils. Sur la relation avec les médias, si on prend l’exemple de Watch, nous discutons sur la capacité de montrer les contenus. Nous favorisons aussi l’abonnement avec le groupe Canal+, Deezer ou Le Monde. Et ça marche ! La majorité des journaux sont plus lus sur un support digital ou mobile que sur papier.



Comment luttez-vous en France contre les fake news et les contenus haineux ?



La France est l’un des premiers pays où l’on a créé des liens avec les fact chekers. Nous avons des accords sur le fact checking avec France Médias Monde (via les Observateurs), France Télévisions, Libé ou l’AFP. Il faut regarder les progrès qui ont été faits sur les fake news mais aussi sur les contenus de haine. 99% des visuels liés à des contenus de nature terroriste ne sont plus visibles sur la plateforme grâce au développement de l’IA. Zuckerberg lui-même dit qu’il y a chaque jour des millions de pages qui sont bloquées sur Facebook. C’est un combat de longue haleine, qui n’est pas fini, mais qui se mène avec d’autres plateformes face à des tentatives de manipulation, notamment lors de processus électoraux.



Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.