Portrait
Auteur-compositeur, producteur, écrivain ou encore chef d’entreprise, Richard Seff a écrit sa propre histoire avec la musique pour fil rouge. Un recul qui lui permet de porter un regard sans concession sur la prééminence actuelle du marketing au sein de l’industrie culturelle.

La ritournelle est restée dans les esprits de toute une génération. Quatre ans après Mai 68, le chanteur Gérard Lenorman sort « De toi ». Derrière ces mots d’amoureux blessé implorant le retour de sa belle, deux jeunes frères toulousains -Richard et Daniel Seff- lancés à corps perdu dans l’écriture. «J’avais tout juste 20 ans. Cela faisait à peine plus de deux ans que nous écrivions sérieusement. C’est une rencontre avec Claude Nougaro qui nous a permis de mettre le pied dans ce milieu. On ne réalisait pas alors à quel point c’était exceptionnel», se remémore Richard Seff depuis son bureau de la Sacem, en ce soir de novembre où l’obscurité s’abat précocement sur la capitale.

 

Francis Cabrel, un « jeune talentueux »

Un milieu musical au sein duquel il introduit rapidement le second pied, accompagnant au fil des décennies de grands noms (Mike Brant, Joe Dassin, Johnny Hallyday, Claude François, Jean-Pierre Mader, Michel Sardou, Axelle Red…) tout en devenant parallèlement producteur. «En 1974, invité en tant que juré pour un concours organisé par Sud Radio, je vois débarquer un jeune chanteur particulièrement talentueux. C’était Francis Cabrel», reprend-il. Conquis par l’originalité de sa voix et de ses textes, Richard Seff décide de le produire. Celui qui travaille alors comme magasinier à Agen enregistre les chansons de son premier album, qui sortira en 1977 chez CBS. À compter de cette date, Richard Seff va mener de front son activité d’auteur-compositeur et celle de producteur. Une double casquette qui débouchera sur «plus de 20 millions de disques au total».

Au début des années 90, une nouvelle page s’ouvre pour cet adepte de la méditation zen : la création de Midiscom, spécialiste du marketing sensoriel. «Il y avait une demande forte à propos des ambiances musicales en points de vente, un concept que nous avons notamment développé pour Leclerc», contextualise ce père de trois enfants. Un «acte fondateur» qui va permettre à la société d’élargir progressivement son champ d’action pour délivrer «une identité de marque commune (identité sonore, vidéo et olfactive) personnalisable dans chaque magasin».

 

La télé-réalité, une démarche biaisée

Un sillon que Midiscom continue de tracer, en témoigne l’intégration imminente de l’agence Les Autres. «Richard est doté d’une véritable curiosité intellectuelle, et n’est pas dans le dirigisme», loue Kamel Chelbab, directeur associé chez Les Autres. C’est à peu près à cette époque - soit au mitan des années 90- que Richard Seff voit l’industrie musicale basculer. «En quelques années, on est passé d’un marketing de l’offre à un marketing de la demande», déplore celui qui voit dans la télé-réalité la quintessence d’une «démarche biaisée dès le début». Un modus operandi qu’il dénonce en 2004 avec un premier roman, La Décadanse. A travers l'itinéraire de Vincent et Chloé, victimes consentantes de l'industrie du spectacle, il brosse un tableau sarcastique d’une époque où la chanson est devenue un produit jetable. Un constat plus que jamais d’actualité.

1952 : Naissance à Toulouse

1993 : Création de Midiscom, spécialiste du marketing sensoriel (26 salariés pour un chiffre d’affaires prévisionnel de près de 3,2 millions d’euros en 2018)

2004 : Parution de La décadanse aux éditions Flammarion. Deux autres romans suivront : Une idée du bonheur en 2007 et Les étoiles meurent aussi en 2009 aux éditions Le Marque-pages.

2016 : Élu président du Fonds pour la création musicale (FCM)

2018 : Réélu au conseil d’administration de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem)

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