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Des gilets jaunes à l’attentat de Strasbourg, l’Agence France-Presse multiplie les vérifications sur les réseaux sociaux. Photos truquées, vidéos décontextualisées : l’agence de presse veut devenir l’une des références dans la lutte contre les infox.

La photo d’un Falcon « en alerte permanente pour exfiltrer Macron » en plein mouvement des gilets jaunes ? Celle d’une trottinette en feu devant l’Arc de triomphe supposée avoir été prise sous l’angle le plus impressionnant possible pour en augmenter l’impact, preuve du manque d’objectivité des médias ? Ou encore le portrait de l’auteur de l’attentat du marché de Noël de Strasbourg soi-disant diffusé par un compte israélien sur Twitter avant même que son identité ne soit connue en France ? Ces dernières semaines, l’Agence France-Presse [AFP] a multiplié les opérations de déminage anti-fake news sur les réseaux sociaux, via son compte AFP Factuel. « Depuis un an et demi, il y a un vrai changement de posture de l’agence : avant, on ne s’intéressait qu’à ce qui était avéré ; aujourd’hui, on va au-devant des fausses informations », indiquait début décembre le nouveau patron de l’AFP, Fabrice Fries, devant l’Association des journalistes médias. Parmi les priorités de son mandat, il veut faire de l’agence de presse « le référent mondial dans la lutte contre les infox ».

Un journaliste enquêteur à Paris

Au quotidien, treize personnes se consacrent à temps plein à la vérification des faits à l’AFP, réparties à travers le monde, du Canada au Pakistan, en passant par le Brésil, le Nigeria ou l’Indonésie. À Paris, un journaliste, Guillaume Daudin, scrute au quotidien les réseaux sociaux pour voir les sujets à caution largement relayés. À lui de choisir ceux qu'il veut vérifier. À sa disposition, de multiples outils (Google Images, Yandex, InVID…) pour vérifier l’antériorité d’une photo, décortiquer une vidéo pour voir si elle reprend des images déjà publiées, repérer dans les multiples commentaires d’une vidéo YouTube ceux qui pourraient aider à repérer un faux… « Parfois, un fact-check, c’est dix secondes ; d’autres fois, c’est trois semaines. Il arrive aussi qu’on n’ait pas la confirmation absolue ; dans ce cas, on ne publie rien », explique Grégoire Lemarchand, adjoint à la rédaction en chef et responsable du fact-checking de l’AFP.

Retenu par Facebook

Depuis avril 2018, l’agence fait également partie de la trentaine de médias retenus par Facebook pour assurer la vérification des articles qui sont partagés sur la plateforme. Un programme qui a déjà rapporté à l’agence plus d’un million d’euros et qui lui permet de diffuser massivement ses fact-checks. Ceux-ci se déclinent en français, en anglais, en espagnol, en portugais, et peut-être bientôt aussi en arabe, l’AFP souhaitant étendre sa mission au Moyen-Orient. « Il y a dix ans, le fact-checking portait principalement sur la vérification de ce que disaient les politiques. Aujourd’hui, le conspirationnisme et la désinformation ont un écho énorme du fait de la viralité des réseaux sociaux », note Grégoire Lemarchand.

Au plus fort du mouvement des gilets jaunes, les vérifications de l’AFP ont totalisé plusieurs milliers de retweets et de partages sur Twitter, plus encore en anglais. En revanche, l’agence ne communique pas sur l’audience de son blog AFP Factuel. Face à la prolifération des infox, l’AFP dit jouer les pompiers : avant d’éteindre l’incendie, il faut déjà le circonscrire.

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