Vocal
Les moins de 35 ans qui vivent sur leur portable adoptent naturellement les applications vocales, WhatsApp en tête. Mais l’efficacité des interactions basées sur la voix humaine devrait assurer leur diffusion auprès de toutes les générations.

Utiliser son téléphone pour téléphoner, écouter sa messagerie ou laisser un message à son interlocuteur? Vous n'y pensez pas. Aujourd'hui, les smartphones servent à tout autre chose qu'à se parler en direct, ce qui ne signifie pas qu'ils sont devenus muets. Alors que les plus jeunes multiplient les mémos vocaux, envoyés aux membres de leur groupe WhatsApp, Instagram vient d’ajouter cette fonctionnalité sur sa messagerie privée Direct. La volonté de consommer où et quand on veut -des contenus comme des produits- s’étend à la communication avec son entourage. Car si l'appel téléphonique apparaît trop intrusif et l'écoute d'une messagerie fastidieuse, le mémo vocal permet à son destinataire de le consulter à sa convenance. Ces pratiques permettent aussi de communiquer en mobilité, dans sa voiture par exemple.

200 mots par minute

« Instagram est un réseau social basé sur le visuel, mais il est obligé de rajouter une fonctionnalité de messagerie pour suivre les usages de ses utilisateurs, analyse Robin Coulet, cofondateur de l’agence digitale Conversationnel. Ce type de format est dédié au small talk, des conversations sur tout et rien avec sa communauté. Les jeunes, qui se posent moins de questions sur les données personnelles, n’ont pas de difficulté à échanger sur des messageries privées, et passent naturellement de l’écrit au vocal. » Selon Sandrine Plasseraud, directrice générale de We Are Social, plus de 80% des conversations en ligne dans le monde se font désormais via les messageries privées des réseaux sociaux (WhatsApp, Messenger, WeChat…) et l’arrivée des micros sur les applications facilitent la migration vers le vocal. « L'intérêt central du vocal, c'est la rapidité : on communique 200 mots par minute par la voix, 70 sur un clavier et 31 avec un stylo. Les jeunes habitués à vivre sur leur smartphone adoptent facilement cet usage », précise Robin Coulet.

Des conversations privées, les pratiques s’étendent aux relations avec les marques. Selon une étude publiée en novembre par l'entreprise technologique Yext et l'institut Morar HPI, 71 % des 18-24 ans et 68 % des 25-34 ans ont déjà effectué une recherche vocale, contre 58 % pour l’ensemble des consommateurs (et 20 % seulement pour les 65 ans et plus). Concernant les assistants vocaux (Google Home, Amazon Alexa...), Médiamétrie chiffrait en décembre 2018 à 1,7 million le nombre d’utilisateurs, avec un âge moyen de 39 ans, inférieur de huit ans à la moyenne des internautes. Parmi eux, 69 % ont entre 25 et 49 ans. La dimension ludique de ces objets à qui l’on peut demander des blagues ou des jeux en font un sympathique compagnon familial. Mais la dimension de services et la pertinence des réponses sont primordiaux pour qu’ils s’intègrent durablement dans les foyers. « Cela amuse pendant 48 heures mais l’usage n’est pas là, assure Matthieu Frairot, directeur général de Fullsix France. Le vocal n’est pas adapté dans un lieu public mais se justifie quand on est en train de cuisiner ou de bricoler par exemple. Attention à prendre du recul et à ne pas tomber dans le piège du gadget. »

Après la création d’applications (des « skills » sur Alexa ou des « actions » chez Google), les marques travaillent actuellement sur la détection des intentions des usagers, afin d’adapter leurs réponses au ton de voix : sont-ils en colère, stressés, au contraire joyeux ? L’objectif est que l’interaction ressemble le plus possible à une conversation humaine. « Il est probable que dans cinq ans, les contenus n’auront plus rien à voir avec ceux d’aujourd’hui, de même que les sites internet ont radicalement changé en 20 ans, estime Philippe Bailly, président de NPA Conseil. Mais il est clair que l’outil va se développer car il est simple et rapide, et qu’il s’intègre partout, dans les voitures, les téléviseurs, les box des opérateurs... »

Une dimension intime

L’efficacité du contact vocal, les offensives des Gafa pour entrer dans les foyers, l’amélioration de l’intelligence artificielle... Tout concourt à une appropriation de la technologie par toutes les générations, et plus seulement les plus jeunes. Dans des domaines comme le luxe ou le dating (les sites de rencontre), la voix apporte une dimension intime propice aux échanges. Après avoir développé son assistante virtuelle Lara en chatbot, Meetic s’est par exemple associé à Google pour proposer une version vocale. L'utilisateur peut lui demander des conseils vestimentaires ou la suggestion d'un lieu pour un premier rendez-vous, même s’il n’est pas abonné à Meetic. S'il l'est, il peut aussi recevoir des propositions de profils. « Les utilisateurs de chatbot voix ou écrit sont à l’image des clients de Meetic, de tout âge, affirme Xavier de Baillenx, responsable de l’innovation du groupe. L’ergonomie conversationnelle est ce qu’il y a de plus simple à utiliser, et le vocal s’avère plus quotidien et instantané pour une demande de conseil. » « De même que Netflix a changé le rapport à l’abonnement, Uber le rapport aux déplacements et Amazon le rapport aux livraisons, le vocal va devenir le canal de communication le plus naturel », prévoit Matthieu Frairot.

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