Audiovisuel
En raccourcissant le délai entre la sortie des films et leur exploitation télé, la nouvelle chronologie des médias – signée fin décembre – favorise les acteurs qui financent le cinéma français. Reste qu’en ne sortant pas ses films en salles, Netflix parvient à la contourner.

Après des semaines de bras de fer entre Canal+ et les professionnels du cinéma, le nouvel accord sur la chronologie des médias, qui fixe les différentes fenêtres d’exploitation des films après leur sortie en salle, est entré en vigueur le 21 décembre dernier, jour de sa signature. «Le précédent accord [qui remonte à 2009] était usé jusqu’à la corde; il ne reflétait pas les nouvelles formes d’exploitation qui ont émergé ces dernières années, surtout la SVOD (vidéo à la demande par abonnement)», rappelle Philippe Bailly, président du cabinet NPA Conseil.

Canal+ sort comme le grand gagnant de cette nouvelle chronologie des médias, avec une première fenêtre d’exploitation par les services de télévision payants ayant un accord avec le cinéma (Canal+ mais aussi OCS) ramenée de 10 à 8 mois, 6 mois même pour les films qui ont totalisé moins de 100 000 entrées en salle un mois après leur sortie. Sans accord, le délai s’allonge de 12 à 18 mois.

Les chaînes gratuites toujours à 22 mois

La disponibilité des films en DVD et VOD reste, elle, fixée à 4 mois. «Comme pour le DVD, les films restent désormais disponibles en VOD tout au long de la chronologie des médias. C'est une avancée», estime Mathieu Debusschère, délégué général de L’ARP (Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs). L'accord ne prévoit en revanche pas de distinction dans la VOD entre le téléchargement définitif et la location, un point qui a été discuté un temps.

Les chaînes gratuites qui investissent au moins 3,2% de leur chiffre d’affaires dans la production, comme TF1 ou M6, gardent leur délai de 22 mois. Pour les autres, le délai est fixé à 30 mois. «L'enjeu sur les chaînes en clair porte moins sur la fraîcheur des films que sur le fait d’avoir une fenêtre d’exclusivité suffisamment longue [14 mois pour les chaînes qui financent la création] pour pouvoir les diffuser deux fois de façon pas trop rapprochée», note Philippe Bailly.

La SVOD divisée en trois catégories

Surtout, la principale nouveauté de cet accord concerne les services de SVOD, avec la création de trois catégories d'acteurs: les plateformes ayant les mêmes contraintes que les chaînes de cinéma, les plateformes vertueuses ayant pris des engagements en termes de financement et d’exposition des œuvres, et les autres. De 36 mois jusque-là, le délai passe à 17 mois pour les premières, à 30 mois pour les deuxièmes et reste à 36 mois pour les autres. «On aurait pu aller plus loin sur la neutralité technologique en alignant sur les chaînes de cinéma qui ont un accord les plateformes SVOD qui respectent la législation française et qui ont un accord semblable», estime Mathieu Debusschère.

Reste que la chronologie des médias ne s’applique qu'aux films sortis en salle. «Cet accord arrive très tard, alors même que des plateformes comme Netflix et Amazon ont organisé leur propre circuit d’approvisionnement en cinéma frais», explique Philippe Bailly. Aujourd’hui, plus de la moitié du catalogue de Netflix n’est jamais sorti en salle en France, notamment le film Roma ou le prochain film de Martin Scorsese, The Irishman, annoncé pour 2019.

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