Audiovisuel
Avec le lancement de son offre Canal+ Séries à un prix très agressif, le groupe audiovisuel entend rallier les fans de séries partis chez Netflix, moins de 25 ans en tête. Un ouvrage « d'art » face à un produit standardisé.

« Cette nouvelle offre de séries, ce n’est pas pour répondre à Netflix, ce n’est pas l’idée. » C’est ce qu’a martelé Maxime Saada, président du directoire du groupe Canal+, en ouverture de la conférence de presse présentant la nouvelle offre Canal+ Séries le 11 mars. « La réponse à Netflix, c’est Canal+ et MyCanal », a-t-il insisté, avant que la vidéo de présentation du service ne mette en avant à maintes reprises la mention « non disponibles sur Netflix », tel l’argument commercial ultime pour justifier de l’attractivité de cette offre.

Un prix très agressif

Sept ans après le lancement de CanalPlay, Canal+ attaque à nouveau le marché de la vidéo à la demande sur abonnement (SVOD) en se recentrant sur les séries, avec un prix particulièrement agressif : 6,99 euros par mois, un euro de moins que l’offre la moins chère de Netflix. Et puisqu’il est courant chez les abonnés à la SVOD de partager leurs codes (aux États-Unis, un utilisateur sur cinq utilise les codes d’un proche), Canal+ en fait l’axe principal de sa campagne de communication. « Partagez vos codes », proclament les prints, conçus par BETC, un argument de plus pour pousser les abonnés vers l’offre à 9,99 euros par mois pour deux connexions simultanées et 11,99 euros pour quatre connexions, et ainsi augmenter le panier moyen.

« Canal+ essaie de prendre Netflix en tenaille, en ayant le bas et le haut du marché », estime Philippe Bailly, président du cabinet NPA Conseil. Pas évident quand on connaît l’avance prise par Netflix, arrivé en France en novembre 2014. Quatre ans et demi plus tard, sa part de marché dépasse les 60%, selon le dernier baromètre de la SVOD NPA Conseil-Harris Interactive, en hausse de 10 points en un an. Avec 5 millions d’abonnés dans l’Hexagone, 1,5 million de plus qu’au printemps 2018, Netflix dépasse aujourd’hui Canal+ et ses 4,7 millions d’abonnés individuels en France, hors bouquets distribués par les opérateurs télécom. Tout un symbole.

Les créations originales valorisées

Avec Canal+ Séries, qui propose à son lancement 150 titres et plus de 5 000 épisodes, le groupe veut aussi mieux valoriser son catalogue de séries. Celui-ci comprend les créations originales (Engrenages, Hippocrate, Versailles, Bureau des Légendes…), de grandes séries internationales comme Gomorra ou L’Amie prodigieuse, mais aussi celles des networks américains partenaires, Showtime, FX et Warner, dont certaines séries seront disponibles sur Canal+ Séries 24 heures seulement après leur diffusion aux États-Unis.

Les exclusivités de ce catalogue, Canal+ n’a pas toujours eu le droit de les valoriser au sein de Canalplay. C’est l’une des obligations imposées par l’Autorité de la concurrence après la fusion de TPS et Canalsat, et qui n’a été levée qu’en 2017. Avec l’arrivée de Netflix en France en 2014, « CanalPlay est passé de 800 000 à 200 000 abonnés. […] En deux ans, nous avons été rayés de la carte sur ce marché », s’était emporté Maxime Saada lors de son audition par la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat le 27 juin 2018.

Pour le président du directoire du groupe Canal+, « cette nouvelle offre est une réponse au piratage, ce fléau qu’on n’a pas adressé en France et qui nous coûte 500 000 abonnés ». Selon le  bilan de l’année internet de Médiamétrie, le piratage des contenus audiovisuels totalisait en octobre dernier 14 millions de visiteurs uniques (VU), que ce soit en streaming, téléchargement direct ou peer-to-peer. En comparaison, l’audience de MyCanal s’élevait en janvier à 9,9 millions de VU et celle de Netflix à 13 millions de VU, selon l’audience internet global de Médiamétrie.

Vers un public jeune

Avec Canal+ Séries, le groupe Canal vise surtout les moins de 25 ans. Mi-2018, la chaîne cryptée avait déjà commencé à les ferrer avec une offre d’abonnement à 9,95 euros par mois. « Il y a trois choses pour attirer les jeunes : le prix, l’usage et les contenus », explique Manuel Alduy, senior vice-president sales France chez 21st Century Fox Television Distribution. Et pour lui, c’est justement avec un catalogue de contenus très orientés vers un public jeune que Netflix a réussi à attirer les foules. « Netflix apporte une offre de programmes sous exposés ailleurs, destinés à un public de moins de 30 ans », ajoute l’ancien directeur de Canal OTT.

Là est peut-être la clé du succès de cette nouvelle offre Canal+ Séries. Déjà, à son lancement le 12 mars, une série exclusive et inédite était proposée sur la plateforme, Deadly Class, destinée à une cible plus jeune que les créations originales historiques de Canal+. Une série sur le rap français, Validé, réalisée par Franck Gastambide (Taxi 5), est également en préparation. « Canal+ n’a pas dévoilé un shift éditorial vers le public jeune, mais cela se jugera à l’usage », tempère Manuel Alduy.

Salto dans le viseur

Invité du Club audiovisuel de Paris au Sénat le 20 février, Gérald-Brice Viret, directeur général des antennes de Canal+, s’est interrogé sur le modèle payant de la plateforme Salto, que préparent TF1, France Télévisions et M6. « Je demeure un militant de la diversité des modèles économiques – privé, public, payant – avec un point de vigilance : la digitalisation et la délinéarisation ne doivent pas conduire à un changement subreptice du contrat des chaînes gratuites avec le public […]. Il ne faudrait pas que les éditeurs de télévision gratuite, privée comme publique, en profitent pour devenir de facto payants sur ces nouveaux modes », s’est-il emporté, rapporte la lettre Edition Multimédia.

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