Radio
À la tête de France Culture, qui multiplie les succès d'audiences, Sandrine Treiner est parvenue à créer une antenne intelligente et non élitiste. Plurielle, comme elle. Portrait.

Après dix minutes de conversation, elle qualifie son énergie professionnelle «d’insubmersible» et s’amuse de son côté «bulldozer alors que dans la vraie vie, j’ai plutôt une âme slave, rêveuse, héritée de mes racines ukrainiennes et polonaises». Sur son bureau, un parfum qui respire encore l'ailleurs : «La fille de Berlin» de Serge Lutens. Mais Sandrine Treiner parle aussi volontiers de son amour de la montagne Sainte-Victoire, au pied de laquelle elle se niche pendant l'été. Un besoin visceral d'échapper aux lieux communs et aux étiquettes. Même lorsqu'on lui demande ce qu'est son métier, journaliste ou manager, elle en souligne d'abord la temporalité foisonnante : «Je me dois d'avoir une vision de ce que va devenir France Culture dans un ou cinq ans. Mais j'assiste aussi à la réunion quotidienne sur le choix de l'invité de la matinale du lendemain. Je me définis par ma fonction. Et je fonctionne en m'intéressant au réel et à l'imaginaire. Ce que je lis dans un roman me nourrit autant que le réel. Disons que je suis une intellectuelle qui se fonde sur son intuition. Ma conviction est que l'exercice de l'intelligence, manuelle ou spirituelle, est la meilleure arme contre le passage à l'acte, la barbarie et la violence»,souligne cette fille de chimiste et petite-fille d'ouvrier, ancienne membre de la LCR, avant de s'empresser d'ajouter qu'elle fuit l'élitisme.

Femme de l'ombre

C'est sûrement ce qui explique le succès linéaire et digital de France Culture, qui regroupe 130 salariés en CDI et autant de producteurs. «Il y a quelques années, c'était encore une maison d'édition sonore. C'est devenu une radio.» Vivante, intelligente, contemporaine et féminisée dans son antenne. Écoutée par 1,5 million d'auditeurs quotidiens (+17 % en avril-juin 2019 versus 2018), elle affiche 24 millions de podcasts téléchargés par mois et 9,6 millions de visites tous supports confondus. De quoi conforter dans ses convictions celle qui s'avoue obstinée. «Je ne lâche rien» rit-elle, tant ce défaut fait sa signature.

Avant la direction de France Culture, elle a joué les femmes de l'ombre, travaillant pour d'autres, d'Olivier Barrot à Frédéric Taddéï en passant par Olivier Poivre d'Arvor. Comme la patronne de France Inter, Laurence Bloch, on la disait dure là où l'on aurait dit d'hommes qu'ils sont fermes. Cette enfant du service public s'avoue exigeante : «C'est le minimum qu'on doit». Pour le reste, sa fréquentation assidue des travaux de l'historienne Michelle Perrot lui donne le recul nécessaire pour accueillir ce genre de légende avec distance. Elle en reste aux faits, se trouvant trop tendre pour ne pas comprendre avec empathie les points de vue qu'on lui oppose. Elle se reproche même de céder trop facilement aux demandes de ses collaborateurs. Elle en rit. Et regarde la ligne d'horizon, sa mission à la radio... Seule sa petite-fille de sept mois peut l'en faire dévier. «Avec elle, j'oublie tout.»

Parcours :

1964. Naissance le 17 novembre. 

1986-1996. Pigiste au Monde. Publie La saga Servan-Schreiber en 1993.

1998- 2008. Rédactrice en chef et coproductrice de Un livre, un jour quotidienne de France 3 présentée par Olivier Barrot.

2006-2009. Conseillère éditoriale puis rédactrice en chef adjointe Ce soir ou jamais, avec Frédéric Taddéï sur France 3.

Depuis 2010. Conseillère aux programmes, directrice adjointe puis directrice de France Culture.

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