Sport & esport
À quatre ans des Jeux olympiques de Paris, le marché publicitaire commence à s’échauffer. Si les agences s'activent déjà en coulisses, les choses semblent plus calmes du côté des annonceurs. Mais les positions devraient bouger à l’approche de Tokyo 2020.

Du 26 juillet au 11 août 2024, les Jeux olympiques [JO] se dérouleront à Paris, deuxième ville à recevoir les Jeux pour une troisième édition (après Londres en 2012). Si pour les sportifs et les fans, l’échéance est encore lointaine, il n’en est pas de même pour les marques qui souhaitent être partenaires, et pour les agences de communication qui doivent se positionner dès aujourd’hui. À commencer par celles qui veulent accompagner le Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo). Présidé par le triple médaillé olympique Tony Estanguet, celui-ci a déjà choisi ses agences publicitaires : Australie, BETC, Buzzman (qui a rejoint récemment le groupe Havas), La Chose et TBWA Paris. Sur le volet événementiel, Aimko, Double2, Hopscotch, Egg et Havas Events/Havas Sports & Entertainment ont été short-listées par Paris 2024. Quant à l’appel d’offres pour l’accompagnement stratégique et opérationnel à la production de contenus sur les réseaux sociaux, il est en cours. Tout comme celui pour la tenue des équipes de France olympique et paralympique, et celle des personnels du Cojo.

Au-delà des budgets du Comité d’organisation, on assiste à un véritable branle-bas de combat chez les agences de communication afin de se positionner suffisamment tôt pour séduire les marques tentées par l’aventure des JO. « Les Jeux suscitent énormément d’intérêt, chacun veut sa part du gâteau. On voit des agences américaines qui réactivent leur bureau en France, de grandes agences qui créent leur département sport, les spécialisées qui essayent de se positionner », constate Stéphane Guerry, président de Havas Sport & Entertainment. Depuis 2000, l’agence a accompagné une vingtaine de marques en France ou à l’international. « Beaucoup d’agences vont se positionner sur les JO d’ici là et de nombreuses marques vont faire de l’ambush marketing [marketing en embuscade, obtenir une visibilité lors d'un événement sans forcément en être partenaire] », renchérit Nicolas de Fautereau, cofondateur de Willie Beamen. Forte de son accompagnement de Samsung (JO de Rio, Sotchi et Pyeongchang) mais aussi d’Allianz pour la Journée olympique, l’agence créative spécialisée dans le sport entend « être l’une des trois agences référentes pour Paris 2024 ».

Un événement d'une ampleur unique

De son côté, Publicis a créé en début d’année Publicis Sport. « Même si l’approche des Jeux a évidemment joué, il s’agit d’un projet prévu de longue date au sein du groupe », se défend Pascal Crifo, son président. « La mission de Publicis Sport est d’utiliser le pouvoir de conviction du sport pour aider les marques à être plus performantes, mais aussi d’accompagner le monde du sport en tant que marques dans leurs enjeux de communication » résume Pascal Crifo.

Les choses semblent en revanche plus calme du côté des marques et des potentiels partenaires majeurs de l'événement. Alors que le budget prévisionnel pour l’organisation des JO s’élève à 3,8 milliards d’euros, les recettes sont réparties en trois parts égales : la contribution du Comité International Olympique (1,2 milliard d'euros), la billetterie et le merchandising (1,2 milliard) et les partenariats noués avec le Cojo (1,1 milliard). Pour l’instant, seul l’appel à candidatures des partenaires de rang 1 a été ouvert (le ticket d’entrée est estimé à environ 150 millions d'euros HT). Et si le groupe BPCE a annoncé son partenariat très tôt, fin 2018, les autres partenaires premium tardent à se faire connaître, alors que les droits pouvaient être activés dès début 2019 et que les candidats avaient jusqu’au 15 septembre dernier pour se faire connaître. Entre temps, il y a eu l’épisode Total, qui a peut-être refroidi les ardeurs de plusieurs partenaires potentiels : alors que le groupe pétrolier était en discussion avancée avec le Cojo, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a affiché publiquement son opposition à ce que Total fasse partie des partenaires de Paris 2024. Le groupe pétrolier a préféré jeter l’éponge.

Pour autant, personne ne conteste le caractère exceptionnel de l’événement olympique à venir et l’intérêt pour les marques de s’y associer. « Citez-moi un autre événement d’une telle ampleur et qui réunisse autant de personnes avec autant d’engouement et de passion… C’est un événement unique pour aficher le rayonnement de la France et de ses entreprises au niveau mondial », rappelle Jean-Luc Chetrit, directeur général de l’Union des marques. « Les Jeux olympiques, avec une retransmission dans 200 pays auprès de 4 milliards de personnes, offrent une vitrine sans équivalent », complète Franck Le Vallois, responsable du projet olympique d'Allianz France. « Les JO sont une occasion unique de parler à toutes les générations et de prendre la parole sur tous les territoires : la santé et le bien-être, l’éducation, l’inclusion sociale... L’événement sportif devient le prétexte à la transformation de l’ensemble de la société française », s’enthousiasme Bruno Bianzina, directeur général de l’agence Sport Market.

Valeurs émotionnelles

Pour les partenaires mondiaux du CIO, Paris 2024 s’inscrit dans une stratégie internationale arrêtée en général depuis plusieurs années. « Les Jeux olympiques véhiculent avant tout les valeurs de performance et de dépassement de soi. Ils constituent donc une plateforme universelle pour faire connaître les performances de l’entreprise et la technologie qui se cache derrière nos produits d’apparence simple », dévoile Imane Bennis, directrice marketing et communication de Bridgestone France, marque partenaire du CIO depuis 2014. « Le partenariat olympique permet d’aller au-delà des seules caractéristiques technologiques de nos produits et de nourrir la marque avec des valeurs émotionnelles », poursuit-elle. « Le sport permet de renforcer le lien émotionnel avec nos clients », confirme Nathalie Lahmi, directrice marque et communication d’Allianz France. « En France, nous sommes déjà l’assureur de 39 fédérations sportives, dont 19 olympiques, soit 2,8 millions de licenciés et nous voulons renforcer cet accompagnement du mouvement sportif français », détaille Franck Le Vallois, le responsable du projet olympique.

Pour le groupe BPCE, seul partenaire premium à ce jour du Comité d’organisation de Paris 2024, les motivations sont très claires : « Nous voulons être la banque de l’économie du sport », explique Jean-Yves Forel, son directeur général en charge du projet Paris 2024. Ce secteur regroupe plus de 100 000 entreprises, 350 000 à 400 0000 emplois et représente 1,8 % du PIB. « Une économie doublement positive, puisqu’elle a un impact sur le plan strictement économique mais aussi sur la santé », ajoute le dirigeant.

« Les JO n’ont pas d’équivalent en termes d’audience ou de puissance émotionnelle. Ce n’est pas un simple projet de communication, c’est un véritable projet d’entreprise, voire de transformation d’entreprise. Forcément, les discussions prennent du temps », décrypte Stéphane Guerry, de Havas Sport & Entertainment, pour expliquer qu'aucun autre partenaire premium ne s’est encore fait connaître. « Au-delà du partenariat, il y a la question de son activation », rappelle Olivier Dulac, président de l’association Sporsora. Les études montrent qu’il faut compter un euro pour l’activation d’un euro investi en partenariat, soit un total de près de 300 millions d'euros pour un partenaire premium de Paris 2024. « Aucune entreprise ne fait un tel chèque sans avoir préparé en amont les nombreuses dimensions de ce partenariat », poursuit Olivier Dulac. À moins, comme se demande Bruno Bianzina de Sport Market, que ce soit un moyen pour les partenaires potentiels de faire baisser le prix du ticket d’entrée...

France Télévisions aux avant-postes

Du côté des médias, il est encore un peu tôt pour se positionner. Seule exception, France Télévisions, qui a remporté les droits de diffusion en clair. « Pour Paris 2024, nous avons fait le choix de proposer un dispositif complet aux marques partenaires très en amont de l’événement », explique Marianne Siproudhis, directrice générale de FranceTV Publicité. Ce dispositif comprend de l’émergence en télévision, du digital et des formats innovants sur les réseaux sociaux (vidéos Snapchat, storytelling sur Instagram, des publications éditorialisées sur Facebook).

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