Streaming
La BBC s’est associé avec la chaîne privée ITV pour un service payant de streaming, nommé Britbox. Cette nouvelle offre a conquis 650 000 utilisateurs en Amérique du Nord, mais le vrai test sera sur le plan national, où les jeunes désertent les programmes classiques.

Jamais auparavant l’Ofcom n’avait remis en question de façon aussi directe la pérennité de la vénérable BBC. Dans un rapport publié fin octobre, le régulateur britannique de l’audiovisuel décrivait un modèle qui pourrait ne plus être «soutenable sous la forme actuelle» et pointait la fuite des jeunes téléspectateurs. Moins de la moitié des 16-24 ans ont regardé au moins une fois l'une des quatre chaînes du groupe audiovisuel public dans une semaine typique l'an dernier. Ils étaient 65% à regarder Netflix dans le même temps.

La BBC doit se réinventer. Le lancement de Britbox, en partenariat étroit avec le groupe audiovisuel privé ITV, vise clairement à ne pas se laisser déborder par une concurrence de plus en plus vive, même si la « Beeb » assure que cette nouvelle offre n’a pas vocation à lutter contre Netflix, mais à être un « service complémentaire ». D’autres chaînes, Channel 4, Channel 5 ou Comedy Central, ont rejoint cette structure, qui est détenue en majeure partie par ITV. 

Lancée en 2017 en Amérique du Nord, elle y a connu un succès relatif avec 650 000 utilisateurs. La version britannique payante est proposée depuis le 7 novembre, avec des programmes à succès comme Downton Abbey, Les Misérables ou Love Island.

Environ 7 euros par mois

«C’est un service modeste et avec un risque limité, qui n’aura probablement besoin que d’une adhésion moyenne pour atteindre ses objectifs», explique Tom Harrington, d’Enders Analysis. Mais il prévient que «les premières tendances (sur les services de streaming) montrent que peu d’utilisateurs prennent plusieurs abonnements en même temps, et donc qu’il est difficile de s’établir et de créer une dynamique si vous n’êtes pas Netflix ou Amazon.»

Britbox présente deux vices de formes potentiels : le premier est le prix. L’abonnement initial est fixé à 5,99 livres par mois (environ 7 euros), c’est-à-dire dans les mêmes eaux que les offres basiques de Netflix (qui compte 10 millions d’abonnés) et Amazon (7 millions). Selon Tom Harrington, ce prix «invite implicitement l’utilisateur à établir des comparaisons avec le plus grand site de streaming du monde. Cela rend l’objectif du “service complémentaire” plus difficile.»

L’autre obstacle majeur est lié au fait que 26 millions de foyers britanniques disposent d’au moins un écran de télévision et paient à ce titre une redevance. Celle-ci est l’une des plus élevées d’Europe (154,50 livres, soit environ 180 euros). Accepteront-ils de payer 72 livres en plus par an, alors que les services de catch-up des chaînes en clair offrent déjà une richesse exceptionnelle, avec des programmes disponibles pendant plusieurs années ?

Lors de la présentation de Britbox, le directeur général de la BBC Tony Hall a comparé ce choix à celui qu'avaient à faire les consommateurs au moment des premiers DVD. «Quand vous voyiez un programme, la seule chance de le revoir était d'attendre plusieurs la sortie en DVD, sans certitude. La BBC avait à l'époque présenté cela comme un marché secondaire, où vous deviez payer le contenu après qu'il eut été diffusé. Britbox est une version moderne de cela, en mieux.»

Certains y voient déjà les prémices de la mutation du modèle de la redevance – celui-là même que l’Ofcom juge en danger – vers celui de l’abonnement libre.

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