Audiovisuel
Le gouvernement, le CNC et France Télévisions se mobilisent pour que les fictions au cinéma ou à la télévision soient davantage le fait des femmes.

Au plus fort d’une remise en cause de la toute-puissance abusive des metteurs en scène – Roman Polanski, Christophe Ruggia –, le monde de l’audiovisuel s’organise pour donner aux femmes un accès plus équitable aux rênes de la réalisation. « C’est une urgence éthique et politique », a lancé la réalisatrice Rebecca Zlotowski (Une fille facile, Les Sauvages…), cofondatrice du Collectif 50/50, qui en a appelé le 14 novembre à des « États généraux sur les sujets des abus de pouvoir sexuels » au Centre national du cinéma [CNC]. Un pouvoir de création concentré « entre les mêmes mains ethniques et numériques, nous n’en voulons plus », dit-elle.

Inégalité patente

Au-delà des abus, l’inégalité est patente dans le cinéma, et pas seulement sur la rémunération (-42 % quand il s’agit d’une réalisatrice). Les femmes constituent plus de la moitié des effectifs des écoles, le tiers des réalisateurs d’un premier court-métrage, le quart de ceux d’un premier long métrage et le sixième dès qu’on passe au troisième long-métrage. « Il y a une évaporation progressive des femmes dans les films, résume Fabienne Silvestre, cofondatrice du Lab « Femmes de cinéma », qui rappelle qu’il y avait 19 % de réalisatrices en 2018, contre 21 % un an plus tôt. Les fictions (18 %) sont plus mal loties que le documentaire (28 %). Sans parler des œuvres d’animation (8,5 %)

Pour corriger ce déséquilibre, le CNC a mis en place il y a un an une mesure qui a déjà porté ses fruits : un bonus de 15 % de son fonds de soutien quand les équipes respectent la parité. Un cinquième de la production, soit 29 films, en a déjà bénéficié. Sans oublier des commissions d’attribution mixtes des aides, des statistiques sur l’égalité sur les tournages ou la parité des jurys.

Franck Riester, le ministre de la Culture, y a ajouté de nouveaux critères : la « prévention et la détection des risques liés au harcèlement sexuel », la nomination de référents ad hoc sur les tournages ou une charte des bonnes pratiques. Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions (groupe qui a financé à hauteur de 2,7 millions d’euros J’accuse, selon Satellifax), annonce des « quotas » dès 2020 pour « les femmes réalisatrices pour commencer, et de manière plus étendue l'ensemble des créateurs ». Sur le modèle des expertes passées de 20 à 42 % sur les plateaux, elle souhaite insuffler une dynamique en faveur de la création au féminin. Une clause de la diversité sera appliquée sur les productions. Dominique Boutonnat, président du CNC, annonce de son côté qu’il reverra en 2020 son dispositif d’aides pour les soumettre à des « enjeux de diversité et de parité ».

Effet pervers

« Pour les séries en prime, on doit être à 12% de réalisatrices », observe Dominique Attal, déléguée générale du groupe 25 Images, pour qui l’avènement du genre a un effet pervers : il concentre entre les mêmes équipes masculines plusieurs saisons. « Et la situation empire, ajoute-t-elle, avant, il y avait quelques réalisatrices sur TF1. On espère que l’ensemble des diffuseurs va prendre le pas ». Pour elle, les quotas ne sont pas idéaux « mais s’il n’y a pas d’obligation, les efforts ne sont pas faits. »



 

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