Réseaux sociaux
L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité, contribue à structurer le marketing d'influence depuis plus de deux ans. Mohamed Mansouri, son directeur délégué, dresse un bilan de la régulation de la transparence du sponsoring , et des perspectives à venir.

Quelle est la règle d’or en matière de collaboration marque-influenceur?

Elle est très simple et se résume en une phrase : dès lors que l’influenceur s’engage à créer du contenu en échange d’une contrepartie – qui peut être de toute nature (cadeau, invitation, rémunération…) –, on entre dans une collaboration commerciale, qui doit être identifiée de manière explicite et instantanée. Nous considérons que le terme « #ad » n’est pas suffisant par exemple, pour qui ne travaille pas dans le secteur de la publicité, et encore moins le « #sp »… Une identification claire peut alors être : « partenariat avec », « partenariat rémunéré », ou encore « sponsorisé par ». Et cette mention doit être immédiate, c’est-à-dire en tout début de vidéo ou d’une série de stories, et ne pas être noyée dans un nuage de tags.

 

Cette règle est-elle respectée par l’écosystème français?

Le dernier observatoire de l’ARPP, publié en mai dernier et portant sur l’analyse de 500 campagnes de marketing d’influence diffusées sur le deuxième semestre 2018, a montré que 55 % d’entre elles étaient bien identifiées comme étant sponsorisées. 33 % étaient considérées comme « améliorables », c’est-à-dire qu’un début d’identification existe mais qu’elle n’est pas suffisamment claire. Il y a encore beaucoup de travail, même si on note une belle progression de ces chiffres, selon des études internes à l’ARPP. La prise de conscience est réelle, généralisée, surtout ces deux dernières années, tant au niveau des annonceurs que des créateurs de contenus. 

 

Quelles mauvaises pratiques subsistent encore?

Les mauvaises pratiques qui subsistent relèvent de secteurs dits «sensibles», interdits de publicité ou fortement règlementés. Compte tenu de leur difficulté à communiquer dans les médias dits «traditionnels», des acteurs s’emparent des réseaux sociaux et profitent de la méconnaissance de la règlementation de certains influenceurs pour promouvoir des produits ou services au moyen d’allégations santé non autorisées, d’allégations cosmétiques trompeuses, ou pour faire la publicité d’actes de chirurgie esthétique ou de produits financiers à haut risque, à l’instar de Nabilla faisant la promotion du bitcoin en janvier 2018. Mais dans l’ensemble, je suis optimiste. A chaque nouvelle pratique, à chaque nouveau média, il y a systématiquement une première phase de dérives. Mais s’ensuit toujours une phase de structuration, d’auto-régulation, et nous sommes précisément dans cette période-là. Le mouvement va indubitablement vers une professionnalisation et des contenus plus qualitatifs. Rappelons que l’ARPP a été créée en 1935 pour contrôler les annonces dans la presse et lutter contre les contenus fallacieux et trompeurs: des produits pour faire repousser les cheveux, des élixirs pour prolonger l’existence…



Quelles sont vos actions à destination des influenceurs?

À l’issue de la publication des résultats de l’observatoire en mai 2019, nous avons décidé d’aller plus loin en lançant notre propre campagne d’influence marketing, en collaboration avec trois influenceuses: Malaury Davis, Fautosh et Fannyfique - pour qu’elles portent les bonnes pratiques et les relaient auprès de leurs pairs, dans le respect des personnalités de chacune et de leur liberté de ton. Un dispositif de communication mené par l’agence Reech qui a permis d’illustrer des «Do’s and Don’ts» (à faire et à ne pas faire) en matière de transparence et de loyauté sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, nous proposons des formations pour les influenceurs eux-mêmes. D’ailleurs, ils peuvent y adhérer depuis cette année, en leur nom, à l’ARPP. 



Quels sont les prochains grands chantiers de l’ARPP dans ce domaine?

L’ARPP s’intéresse aux influenceurs virtuels : selon une étude US, ils devraient représenter une industrie de 2 milliards de dollars en 2020. Les technologies sont de plus en plus performantes comme en témoignent les vidéos deep fakes ou l’IA de Nvidia qui crée de faux visages impressionnants de réalisme… Au niveau éthique, il pourrait être opportun d’étudier avec les professionnels comment signaler clairement et instantanément aux utilisateurs s’ils sont face à un humain ou à un avatar.

De même, déontologiquement, il faut que la personne ou la marque qui contrôle l’influenceur virtuel soit clairement identifiable et ne se cache pas derrière sa création. La question des enfants influenceurs est également un sujet d’actualité. Nous sensibilisons activement toutes les parties prenantes. Car si ces pratiques sont en principe strictement encadrées par la loi (le travail des enfants, leur rémunération…) les règles ne sont pas toujours connues. Nous demandons que la nature sponsorisée d’un contenu qui s’adresse à des enfants soit encore plus claire, formulée oralement. 

L’ARPP et le marketing d’influence

L’ARPP est une émanation de la profession publicitaire, forte de près de 800 entreprises adhérentes (agences, marques, médias…). Elle édite des bonnes pratiques que le marché s'engage à respecter. Ces règles sont sanctionnées par une instance indépendante, le Jury de déontologie publicitaire, qui se prononce sur les plaintes (de consommateurs ou de professionnels) émises à l'encontre de publicités susceptibles de contrevenir aux règles de déontologie (et non pas des lois, qui sont du ressort des tribunaux). Les sanctions possibles sont la publication d’un avis, qui pointe du doigt l’acteur à l’origine d’un manquement. Au printemps 2017, «Les bonnes pratiques de transparence et de loyauté applicables au marketing d’influence» ont été adoptées. Puis l’ARPP s’est lancée dans différentes actions de pédagogie avec l’organisation d’ateliers, de présentations, de conseil et d’accompagnement à destination de toutes les parties prenantes. Rien qu’en 2018, l’ARPP a mené près de 60 ateliers, et en 2019, plus de 70, suivis par plus d’un millier de personnes au total. A noter que chaque pays européen a son propre organisme d’auto-régulation fédéré au sein de l’European Advertising Standards Alliance (EASA), qui a adopté un BPR (Best Practice Recommendation) sur le marketing d’influence, permettant à chacun des pays de pouvoir se doter au niveau national de règles unifiées à l'échelle du continent.

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