Télévision
Contraints de combler leurs grilles de programmes après l'annulation d'événements, les diffuseurs de droits sportifs finissent par suspendre les paiements ou différer leurs versements des droits TV.

À championnat suspendu, droits TV suspendus. Canal+, a lancé l’offensive début avril en refusant de payer une tranche de 110 millions d’euros de droits TV à la Ligue football professionnel (LFP). BeIn Sports embraye le pas en suspendant un versement de 42 millions d’euros. La guerre entre détenteurs des droits et diffuseurs n'avait jamais été aussi loin. « Je pense que c’est une erreur de communication et un procédé de négociations qui surprend le grand public, car dans le foot on n’est pas habitué à ce type de rapport. Leur stratégie est très médiatisée et on prend aussi l’opinion en témoin, ce qui fait qu’on tombe vite dans une position morale et complètement déconnectée des réalités économiques », observe Jean-Baptiste Guégan, chargé de cours à l'Institut supérieur de commerce et de marketing et spécialiste de géopolitique du sport. 

Stratégie frontale

Autre risque, la tension des relations avec les instances alors que Canal + a perdu au profit de Mediapro, en 2018, les plus belles affiche de la Ligue 1 en 2020-2024. « Le fort passif de Canal+ avec la LFP explique aussi sa stratégie un petit peu frontale. Peut-être que Mediapro [diffuseur des championnats de Ligue 1 et Ligue 2 la saison prochaine] aurait réagi autrement. », poursuit l'expert.

Dans L'Equipe du 8 avril, Jaume Roures, PDG de Mediapro, se dit prêt à diffuser la fin de saison 2019-2020 de Ligue 1. De son côté Maxime Saada, président du directoire de Canal+, a émis dans Stratégies l’hypothèse de diffuser la future chaîne du groupe espagnol. Début avril, quatre présidents de Ligue 1 ont été désignés pour négocier avec le groupe français. L’Équipe rapporte que la LFP aurait été exclue des discussions. Quant à TF1 et M6, ils ont eux aussi demandé à l’UEFA de différer leurs versements des droits de l’Euro, repoussé en 2021, d'après L’Équipe. François Pellissier, directeur des sports du groupe TF1, a confirmé cette information à Stratégies. Le groupe M6 n’a pas donné suite à notre demande.

Mécanismes collectifs

Le football n’est pas le seul sport impacté. Sans reprise du Top 14, Canal+ refuserait de payer la dernière échéance des droits TV à la Ligue nationale de rugby. Et RMC Sport, diffuseur principal de la Jeep Elite aurait suspendu ses paiements toujours d’après L'Équipe. Au milieu de ce micmac, les chaînes devront endiguer la vague de désabonnements.

Les ligues ont la lourde responsabilité de résoudre le paiement de ces droits TV qui engage la survie de nombreux clubs professionnels français, surtout dans le football. D’après le rapport de la Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) de la saison 2018-2019, les droits TV représentent en moyenne 36 % des revenus des clubs de Ligue 1.

En Angleterre, la stratégie est à contre-courant. Les diffuseurs de la Premier League avancent leurs paiements. « Le secteur doit absolument être plus régulé et s’appuyer sur des mécanismes collectifs, pour que les clubs se détachent de cette dépendance », alerte Christophe Lepetit, responsable des études économiques au Centre de droit et d'économie du Sport de Limoges. L’occasion peut-être de repenser le modèle. Car quand les solutions tiennent sur des bouts de ficelle, les plombs finissent par sauter.

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