Tribune
Avec le RGPD et les mesures anti-tracking des navigateurs internet, plus de la moitié des internautes peuvent naviguer sans pouvoir être identifiés par les éditeurs. Pour répondre à ce défi, il est urgent que ces derniers travaillent avec une technologie qui ne soit pas basée sur des cookies tiers.

Le marché de la publicité en ligne fait face à des changements considérables depuis deux ans. Tout d’abord, l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD) en mai 2018. Ce texte, tout comme la législation qui lui est associée, la directive ePrivacy, ont été conçus pour encadrer l’utilisation des cookies tiers, afin de mettre fin à toute collecte de données injustifiée et intrusive. Cependant, l’impact du RGPD a été limité jusqu'à présent. On s’attend à ce que le règlement ePrivacy aujourd’hui à l’étude soit encore plus strict à l’égard de l’utilisation des cookies.

Les consommateurs, les régulateurs, tels que la Cnil, et les entreprises technologiques comme Apple et Firefox prennent de plus en plus les choses en main dans un contexte où les questions relatives à la perte de confiance dans l’industrie de la publicité, aux exigences de transparence et au respect de la vie privée continuent de faire la une des journaux. En janvier dernier, la Cnil a publié ses recommandations concernant l’utilisation des cookies. Ces dernières rendent les modalités de recueil du consentement plus strictes.

Certains internautes recherchent activement des solutions de blocage de publicités ; d’autres se montrent plus aptes à contrôler leurs consentements et autorisations notamment grâce aux mesures introduites par les géants de la technologie. Safari, le navigateur d’Apple, qui représente un tiers de la navigation sur internet en France, bloque par défaut les cookies tiers, tout comme Firefox. Bien sûr, Google a récemment annoncé qu’il leur emboîtera le pas dans les deux prochaines années.

Le web caché largement ignoré

Le partage sans limite des données captées via des cookies tiers et le manque de respect de la vie privée des utilisateurs font que ces outils ne sont plus pertinents dans un monde mobile first. Le mobile représente actuellement 30% des recettes du display classique et 56% de la vidéo, selon le rapport sur les dépenses publicitaires programmatiques en France en 2019 d’eMarketer. La réglementation et les mesures anti-tracking des navigateurs ont eu comme conséquence de cacher aux éditeurs plus de la moitié de leurs internautes. Nous appelons cela le web caché, ce qui représente un défi majeur pour l’écosystème de l’édition et de la publicité.

Le web caché correspond à la proportion d’audiences en ligne - jusqu’à 50% - qui ne peut pas être reconnue car l'internaute utilise des navigateurs comme iOS Safari et Firefox, où les cookies tiers sont bloqués par défaut. Avec Google prévoyant de refuser à son tour ces cookies à l’avenir, le web caché se développera.

La plupart des professionnels des médias ignorent le web caché. S’appuyant sur des conjectures probabilistes pour savoir à qui ils diffusent les publicités, ils ne se rendent même pas compte que la moitié des audiences connectées qu’ils voient forment une masse floue. Aujourd’hui, plus de 80% de toutes les publicités display sont commercialisées en programmatique, selon le rapport d’eMarketer. Cette technologie a rapidement gagné la publicité à la radio et à la télévision. Or, la majorité de l’écosystème programmatique repose sur les cookies tiers dont les jours semblent pourtant comptés. Les éditeurs craignent que ces changements ne se traduisent par l’impossibilité pour eux de diffuser des publicités ciblées, leur source de revenus la plus rentable, voire même de proposer du contenu personnalisé à plus de la moitié de leur audience.

Perte de valeur du CPM

Pour un éditeur, qui s’emploie à augmenter son reach, l’inventaire qu’il peut cibler se retrouve réduit de moitié et son CPM perd de sa valeur en raison du manque de données disponibles. Cette réalité est doublement frustrante si l’on tient compte des réussites que le secteur obtient en ce moment : de fait, les éditeurs parviennent à imposer leur riposte dans un monde dominé par les fake news, avec notamment des abonnements numériques en hausse et une tendance à la diversification des sources de revenus. Ils inspirent confiance et offrent aux annonceurs des audiences premium grâce à un contenu de qualité et à des données propriétaires riches.

Les éditeurs contrôlent les données propriétaires parmi les plus précieuses de l’écosystème publicitaire en ligne, à un moment où les marques réclament les environnements fiables et brand safe qu’ils fournissent. En même temps, si la publicité programmatique est devenue un puissant canal pour l’industrie, son infrastructure (autour des cookies) a été conçue pour le monde d’hier, et non pour celui d’aujourd’hui. Les éditeurs peuvent contribuer à façonner ce qui va suivre. Pour les éditeurs, il s’agit d'un problème technologique, la plupart des fournisseurs utilisant uniquement des cookies tiers. Ils doivent réfléchir à un moyen d’utiliser leurs propres données de manière respectueuse de la vie privée et de travailler avec une technologie qui ne soit pas basée sur des cookies tiers.

En cessant de s’appuyer sur des cookies tiers, les éditeurs peuvent diffuser de la publicité data driven à l’ensemble de leur inventaire sur tous les navigateurs, augmentant leur reach de manière conforme à la privacy. C’est précisément à cette fin que la publicité programmatique a été conçue et qu’elle bénéficie à toutes les parties prenantes de l’écosystème publicitaire, en particulier aux annonceurs, qui peuvent acheter en toute confiance les audiences qu’ils recherchent auprès de tous les éditeurs qui travaillent de cette façon. Il est grand temps que l’industrie se réveille face à la menace du web caché et qu’elle fournisse la vraie valeur que la publicité et le contenu personnalisés sont à même d’offrir aux consommateurs et aux annonceurs.

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