Pourquoi votre rapport préconise-t-il une reconnaissance de la filière des formats ?
Philippe Chazal : En accord avec les ministres de la culture, il s’agissait d’ouvrir une nouvelle voie, en dehors de la loi ou de la réglementation. Le monde des formats n’est pas qu’un artisanat, c’est aussi une industrie qui a vocation à s’internationaliser. Les formats audiovisuels se développent sur plusieurs saisons et sont exportables. Ma proposition est de créer une sorte de sous-filière au sein de la grande filière des industries créatives et culturelles (ICC). Cette reconnaissance donne accès aux plans de financement qui passent par la BPI ou la Caisse des dépôts. Mon rapport aborde les questions de financement et compétences.
En quoi un label donnerait à la création de formats qualité et pertinence ?
Nous proposons de créer des clusters qui sont des pôles d’excellence, à la fois public, privé et professionnels. Leur rôle serait de labéliser les contenus des entreprises qui les portent et les formations, privées comme publiques. Ce serait une sorte d’accélérateur qui réunirait le meilleur de la création audiovisuelle. Il y a un besoin de réunir des intérêts épars et des compétences sur les formats auxquels le CNC comme Cap Digital, le pôle compétitivité de Paris-Ile de France, ne sont pas adaptés.
Votre rapport montre que la filière est très disparate, avec des licornes (Banijay, Federation Entertainment, Mediawan, Canal+ création originale…) des PME-ETI (Brut, Molotov, Elephant, Bonne Pioche, 2P2L) et des start-up.
Oui, et si l’on parle de producteurs, de plateformes ou de distributeurs, ce n’est pas toujours bien compris de nos interlocuteurs de Bercy. En revanche, il y a des financements applicables si l’on parle grosse entreprise tournée vers l’international, PME Pépite et start-up. On trouve dans cette dernière catégorie une nouvelle génération avec pas mal de femmes et des professionnels venus du numérique, comme on le voit dans Bigger Than Fiction qui produit pour Arte Web.
Les financements passent-ils par des appels à projets en faveur d’innovations de formats ?
Actuellement, les appels à projets sont essentiellement tournés vers les innovations technologiques ou d’usage. Il n’y a pratiquement rien sur les innovations de contenus. Je suggère que le développement et la première saison passe par le financement de contenu et qu’à partir de la deuxième saison nous soyons dans l’investissement d’entreprise. Cela évitera que des entreprises économiquement faibles portent de gros projets. A la différence du CNC, qui ne s’intéresse qu’aux contenus, on s’intéresse ainsi autant aux financements des entreprises qu’à leur contenu. Au delà, on peut imaginer que les Soficas élargissent le champs de leur intervention au documentaire ou à la fiction. Ou que le crédit impôt innovation vienne booster le format de flux.
Vous abordez aussi la question de la formation des talents à travers le label « French formats training »...
Nous sommes face à un vide. Il y a une absence de formation sur des compétences spécifiques comme les métiers de développeur ou de distributeur de formats. Ou sur celui de directeur de production, qui doit construire des business plans sur deux à cinq saisons dans plusieurs pays. Il faut créer pour cela un arsenal de formation avec des dispositifs qui encouragent à créer des formats de création française. On peut par exemple faire en sorte que pour une heure commandée, une heure et demi soit prise en compte dans les quotas de production. Cela pourrait être inscrit dans les conventions et les contrats d’objectifs et de moyens. Les discussions que j’ai eues vont dans ce sens. Cela ne passe ni par le décret ni par la loi... et cela n’impose pas de dépenser plus !
