Audiovisuel
Si les rédactions audiovisuelles ont adopté le port du masque, comme toutes les entreprises, elles refusent de lui laisser une place face aux caméras et aux micros de leurs studios. Explications.

Ce 31 août, Roselyne Bachelot fait sa rentrée politique sur France Musique. Au moment de prendre la parole dans le studio où elle tint des chroniques inspirées, la ministre de la Culture ne peut réprimer une toux sèche. Sans masque. Elle s’en explique à l’antenne : « Dans un studio, quand on respecte la distance qui est la nôtre, quand on désinfecte les surfaces, on peut poser son masque, mais autrement je porte mon masque tout le temps. » Pour elle, se masquer sur un plateau « cela empêche les sourds et malentendants de lire sur les lèvres. » Quant à la visière transparente, elle l’a testée, « ce n’est pas très pratique et la vision est quand même fortement endommagée. » Prudente, elle renvoie toutefois à un conseil de défense pour savoir si une dérogation sera acceptée dans les studios. Si la ministre du Travail, Élisabeth Borne, est sur la même longueur d’ondes, l’épidémiologiste Arnaud Fontanet a recommandé sur RMC-BFMTV le port du masque dans cet espace clos où les invités ont « beaucoup de contacts ».

Réticence

Si l’on attend toujours la décision officielle, les médias audiovisuels ont aussi exprimé leur réticence. Sibyle Veil, PDG de Radio France, a plaidé pour la distanciation et à un nombre limité de personnes en studio, mais n’a donné aucune consigne imposant d’être masqué. « La radio, c'est un métier de la voix, donc du souffle, et le port du masque a des conséquences », argue-t-elle. Marc-Olivier Fogiel, le directeur général de BFMTV, a lui plutôt interrogé le bien fondé de la mesure sur France Inter : « S'il y avait un risque sanitaire avéré, il n'y aurait pas de raison qu'on déroge à une règle, mais cela fait maintenant plusieurs mois qu'on est confrontés à cette crise et pas une personne n'est tombée malade sur nos plateaux. »

BFMTV s’en est expliqué : son studio mesure 200 m2, il dispose de 6 mètres de hauteur, les micros sont désinfectés, la climatisation se fait à 100 % avec de l’air frais. Et l’on a même ajouté des formes en Plexiglas pour que la distanciation sociale soit encore mieux respectée entre l’intervieweur et l’invité. Ancien de France Télévisions et président du prix Albert-Londres, Hervé Brusini défend lui aussi la nécessité de voir les visages pour qu’une interaction se produise. « Mais il faut expliquer pourquoi on ne porte pas de masque », dit-il.

Résultat, il n’y a guère que sur le plateau d’Arrêt sur images, sur le web, que l’on apparaît masqué dans une émission de débats. « Un geste de précaution pour nous évident, confie Daniel Schneidermann, son fondateur, on le fait pour des raisons sécuritaires mais aussi car ne pas le faire est incompréhensible pour des gens à qui l’on demande de se masquer et qui le font avec beaucoup de bonne volonté. »

« Le rejet des journalistes vient souvent de ce qu’ils sont perçus comme appartenant au monde du pouvoir, des élites, relève le sociologue des médias Jean-Marie Charon. Le port du masque, quand des politiques n’en portent pas, irait plutôt dans le bon sens. Mais je ne serais pas étonné que l’on critique ceux qui en portent quand le gouvernement appelle à en porter ». Pour l’heure, le paradoxe est saisissant : les reporters en sont munis à l’extérieur, mais pas à l’intérieur de leurs studios.

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