Dossier Nouvelles écritures
Les écritures journalistiques inspirent souvent toute la création de contenus. Le point sur des formats qui font l’actualité, des Jours à Arte, en passant par l'interview de Darius Rochebin sur LCI.

Les Jours

Le magazine Society a réussi le « coup » de l’été avec son enquête en deux volets sur Xavier Dupont de Ligonnès, avec une mise en place exceptionnelle de 450 000 exemplaires en kiosques (lire Stratégies n°2047). Mais d’autres rédactions creusent le sillon de l’enquête longue, séquencée en plusieurs épisodes. C’est le cas par exemple des Jours, un site et une application lancés par d’anciens journalistes de Libération en 2016. « On est parti de l’idée des obsessions, des sujets tirés de l’actualité que l’on met en scène comme des séries télé, le langage de l’époque, explique Raphaël Garrigos, cofondateur. C’est une réponse au reproche fait à la presse d’être dans l’instantané. » Les Jours a d’emblée été pensé pour le digital. Ici, pas de rubriques, le lecteur entre par les histoires : Bolloré, Lagardère, Benalla, ou encore la disparition de Tiphaine Véron au Japon. Mediapart est aussi réputé pour ses enquêtes fouillées, mais Les Jours ne se cantonne pas aux affaires politico-financières. « On peut faire une série sur la fatigue, les SUV ou l’industrie musicale », précise Raphaël Garrigos. Sans publicité ni diversification dans la communication ou la formation, Les Jours ne vit que des abonnements et un peu de ses contrats d’édition (l’enquête sur « Les Revenants » du djihad, parue au Seuil, a reçu le prix Albert-Londres en 2017). Mais cette indépendance a un coût et il manque 2 000 abonnés pour assurer son équilibre, d'où une campagne de recrutement en cours jusqu’au 6 novembre.

 

Procès des attentats contre Charlie Hebdo : le journalisme sur Twitter

Le suivi de procès d’assises en live tweets n’est pas une nouveauté mais il prend une portée historique avec le procès des attentats de janvier 2015, qui se tient à Paris. Celui-ci est filmé mais les images ne seront pas exploitables avant 50 ans, sauf dérogation exceptionnelle. Les journalistes présents à l’audience font donc un travail citoyen en retranscrivant les paroles des témoins quasiment en temps réel sur Twitter. On peut suivre notamment le compte de Charlie Hebdo, qui publie un résumé tous les jours sur son site sous la plume de Yannick Haenel et François Boucq, ainsi que les comptes des journalistes de France Inter Sophie Parmentier et Charlotte Piret. La radio publique fait d’ailleurs un travail global autour des attentats de Paris incluant son antenne, son site internet et un podcast natif, « 13 novembre, l’enquête », récompensé au Grand prix Stratégies de l’innovation média 2020.

 

« Tu préfères » sur Arte, la fiction vérité

« Tu préfères avoir des grosses fesses ou des gros seins ? », « Tu préfères manger du porc ou plus jamais voir ta mère ? », « Tu préfères avoir le hoquet toute ta vie ou avoir des poux toute ta vie ? » À travers ces défis plus ou moins dérisoires, la websérie d’Arte « Tu préfères » dresse le portrait réaliste de quatre adolescents du quartier de la Place des fêtes à Paris. Avant d’aboutir à la seule question qui vaille : tu préfères l’amour ou l’amitié ? Créé par Lise Akoka et Romane Gueret, avec la complicité des jeunes interprètes, le programme en dix courts épisodes a réuni plus de 5 millions de vues en deux mois, sur le site de la chaîne mais aussi sur Instagram et YouTube. Comme la série Skam sur France.tv Slash, il montre la volonté de la télévision française de se mettre à la portée de la jeune génération, à la fois dans les thèmes abordés et dans la forme.

 

Darius Rochebin sur LCI, l’art de l’interview

L’un des événements de la rentrée télé en France a été l’arrivée d’un journaliste suisse de 53 ans pour réaliser des interviews en plateau. Rien de révolutionnaire a priori mais Darius Rochebin, star de la télévision suisse romande, recruté par LCI, est réputé pour ses questions franches qui obligent les invités à se dévoiler. Un style qui peut faire le « buzz » lorsqu’il interpelle Bruno Le Maire sur son absence de charisme ou Didier Raoult sur sa mégalomanie. Avec ce type d’exercice, la chaîne du groupe TF1 cherche à se démarquer du rythme effréné de l’information en continu et du sensationnalisme incarné par Pascal Praud à la même heure sur Cnews. Elle consacre ainsi le modèle de l’interview vérité, également plébiscité par les marques dans leur communication. Reste à gagner le pari de l’audience.

 

Brut, un média 100 % réseaux sociaux

Avec son mélange d’image et de texte, de motion design et d’interview, Brut a imposé un style de scénarisation de l’information qui a fait des émules, au point que de nombreuses marques réclament « des vidéos à la Brut ». Elle a même sa parodie, Broute, sur Canal+. Invité par l’Association des anciens du Centre de Formation des Journalistes (CFJ) fin 2019, Renaud Le Van Kim, cofondateur du média en 2016, a détaillé son concept. « On a cherché comment raconter l’information autrement, avec du second degré, comme on le faisait au Petit Journal, a expliqué cet ancien de Canal+. (…) On n’est pas guidé par l’audience, sinon on serait Buzzfeed, on est guidé par la conversation, on choisit des sujets que les gens auront envie de partager. (…) 70% de notre audience a moins de 30 ans, ses sujets de prédilection sont le genre, l’écologie et le bien-être animal. » La rubrique Brut Nature est d’ailleurs la seule à être systématiquement diffusée à l’international depuis le bureau de Paris. En 2019, la société a levé 40 millions d’euros pour se développer aux États-Unis. Afin de ne pas être dépendant des algorithmes publicitaires et des adblockers, Brut a développé les vidéos sponsorisées mais l’équipe assure « choisir les marques avec lesquelles elle veut raconter une histoire ».

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