Grand écran
Avec la nouvelle fermeture des salles, c’est toute l’économie du 7e art qui est en péril. La transposition de la directive SMA représente une bouffée d’oxygène mais elle inquiète les professionnels dans ses modalités d'application.

Salles fermées, billetteries gelées, menaces sur l’exploitation, le catalogue et le financement… Le cinéma affronte la nouvelle vague du Covid avec effroi. « L’impact va se mesurer sur les productions, les acteurs et tout un tissu d’emplois, a souligné Radu Mihaileanu, vice-président de l’ARP (Auteurs-Réalisateurs-Producteurs), lors d’une table ronde le 5 novembre. La baisse de chiffre d’affaires des chaînes privées va impacter le niveau d’investissement, on risque d’avoir un affaiblissement du nombre de films et de la diversité des sujets, et des regroupements ou des rachats de sociétés affaiblies. »

Pas de visibilité

L’État a bien décidé d’engager 30 millions d’euros de mesures nouvelles lors du couvre-feu, ce ne sera pas suffisant pour sauver le troisième cinéma mondial. « On n’a pas de visibilité, on ne sait pas si les salles seront ouvertes à Noël, le pire comme le moins pire est possible », a lâché Sidonie Dumas, la directrice générale de Gaumont, pour qui « la transposition de la directive SMA [services de médias audiovisuels] doit être faite rapidement ou on va droit dans le mur ». 200 millions d’euros pourraient être injectés dans l’économie de l’audiovisuel et du cinéma par Netflix, Amazon ou Disney+. Netflix apporterait à lui seul 50 millions d’euros au grand écran.

Problème, la redéfinition du cadre du financement des œuvres, si elle est approuvée pour sa volonté de faire contribuer les Gafan et ses 30% de quotas européens, laisse aussi sceptique. Isabelle Madelaine, présidente de l’Union des producteurs de cinéma, souligne que dans le projet de décret « les plateformes pourraient devenir productrices déléguées, créer des filiales », ce qui revient selon elle à « brader le combat de l’exception culturelle » alors même que le but de la directive est de préserver l’écosystème des producteurs indépendants européens.

D’autre part, il est prévu de concéder des droits monde en échange d’un surinvestissement dans la production (22% à 25% du CA au lieu de 20%). Or ce système adapté à l’audiovisuel ne convient pas, selon elle, à un marché de salles en France. Un financement commun avec l’audiovisuel risque de créer un cinéma conçu pour les plateformes, lesquelles « ne vont pas produire pour encourager la diversité, le cinéma d’auteur et les jeunes artistes », selon Émilie Georges, présidente de Memento Films. D’autant que les Gafan risquent d’être plus offensifs avec la possibilité d’avancer dans le calendrier des médias (à six mois comme Canal+) et la raréfaction des films - 133 français début octobre contre 240 l’an dernier. Le dernier film d’Olivier Marchal, Bronx, est sorti le 30 octobre sur Netflix après que la plateforme soit venue démarcher Gaumont et Canal+. « Ils vont avoir besoin de contenus », constate Sidonie Dumas.

Un crédit d’impôt limité pour le cinéma

S’il a bien été décidé, à l’Assemblée nationale, l’extension du crédit d’impôt audiovisuel pour la captation de spectacles vivants ainsi que l’alignement de 20 à 25% pour ce genre et le documentaire, le crédit d’impôt cinéma n’a pu passer de 30 à 40%. Crainte de mettre en place un outil de subvention au profit de grands réseaux (Gaumont, Pathé, UGC...) ? Le syndicat des producteurs indépendants (SPI) déplore cette décision alors que les producteurs et distributeurs de cinéma sont confrontés à « la pire crise de leur histoire ».

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