Relance économique
Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l'Industrie et négociatrice en chef pour les vaccins au sein de l'Union européenne, a dialogué le 19 décembre dernier avec Julia Cagé, professeure d'économie à Sciences Po, spécialiste des médias. Les deux femmes s'opposent sur deux visions de la relance écologique, sur la publicité - où la ministre révèle des avancées sur la question des véhicules thermiques - mais aussi sur la communication sanitaire et la culture.

Sur les 100 milliards d’euros du plan de relance pour 2021-2022, 34 milliards vont à la compétitivité et l’innovation, dont 20 pour financer la baisse de la fiscalité des entreprises. Une entreprise qui n'a pas souffert de la crise en profitera autant qu’une entreprise qui en a souffert ?

Agnès Pannier-Runacher. Le plan de relance a déjà démarré. Les entreprises industrielles sont nombreuses à se manifester pour voir leurs investissements soutenus, ce qui veut dire qu’elles sont prêtes à prendre des risques. Concernant la compétitivité, les impôts de production portent sur les seules entreprises qui produisent et investissent en France. Ils les impactent avant qu’elles ne génèrent le premier euro de bénéfice. C’est bien un enjeu de compétitivité ! Entre la France et l’Allemagne, cette différence d’imposition pèse fortement sur les choix de localisation des sites de production. Plus globalement, pour conforter nos emplois, tirer les conséquences de la crise – qui a mis à jour la vulnérabilité de nos chaînes d’approvisionnement – et répondre aux enjeux climatiques, il faut produire plus en France, où nous avons un haut niveau d’exigences sociales et environnementales. La première source d’augmentation de notre empreinte carbone vient de la hausse des importations et de la désindustrialisation de notre pays.

 

L’État remplit-il bien son rôle pendant cette crise sanitaire ou pêche-t-il par une redistribution insuffisante ?

Julia Cagé. Ce qui a été fait en matière de chômage partiel l’a été de façon extrêmement efficace. Cela a profité autant aux entreprises qu’aux salariés. Et la France a été plus réactive que certains pays européens. Donc bravo pour cela ! Mais cela a pêché par le fait qu’une partie de la population n’est pas dans l’activité salariale et n’a donc pas pu profiter du chômage partiel. Tous ceux qui ont été uberisés, comme les autoentrepreneurs, n’ont pas été rattrapés par ces filets de sécurité, sachant que la protection sociale n’est plus du tout adaptée à la réalité de la vie économique en France. Ce qui est frappant, c’est de voir à quel point cette crise va conduire vers davantage d’inégalités.

 

Comment s’assurer que la vaccination ne prenne pas de retard ? Les 18-50 ans, donc de nombreux actifs, seront vaccinés en dernier…

A.P.R. Mon rôle consiste à négocier pour le compte de la France les contrats avec la Commission européenne sur les vaccins. La vaccination en population générale est ouverte en dernière phase car les vaccins montrent qu’ils minimisent l’impact de la maladie sur les personnes vaccinées. On en voit le bénéfice avec la possibilité de ne pas développer une forme grave.  Mais on n’a pas encore la preuve que les vaccins empêchent la transmission. L’enjeu est d’avoir un vaccin qui freine la diffusion, sujet sur lequel on n’a pas encore assez de recul. Pour les entreprises, il faudra continuer à appliquer les gestes barrières qui sont notre meilleure protection. Quant à la question d’un éventuel retard, l’Europe assume d’avoir une approche complète et très sérieuse pour les autorisations de mise sur le marché. C’est un des éléments de la confiance.

 

Comment expliquez-vous la défiance sur les vaccins ? Est-ce lié au discours contradictoire sur les masques et aux retards dans les tests ?

J.C. Le fait de dire qu’il ne faut pas porter de masques a créé une certaine confusion. Ensuite, même si je serai très contente de me faire vacciner, il est difficile de comprendre qu’un vaccin qui prend en général entre cinq et dix ans puisse se retrouver sur le marché en moins d’un an. Les gens peuvent se dire que c’est allé trop vite et je comprends cette inquiétude. C’est pourquoi c’est important d’avoir une parole politique crédible pour rassurer les gens. Il y a donc un travail de pédagogie et de confiance à faire, main dans la main entre le gouvernement et les oppositions. Le gouvernement doit simplement reconnaître ses erreurs passées, y compris en termes de communication, pour construire cette confiance sur la vaccination.

 

Considérez-vous qu’il a eu des erreurs de communication ?

A.P.R. Sur la question du port du masque, nous avons relayé les orientations de l’OMS. Est-ce qu’il ne fallait pas dire la même chose ? Ce que nous avons appris de cette crise, c’est que sur un sujet scientifique que l’on découvre, il n’est pas de vérité établie et il est important de dire ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas. C’est ce que l’on fait sur le vaccin : nous disons ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas. Notre campagne vaccinale repose précisément sur la construction de cette confiance.

 

Cacher la vérité aux Français, c’est fini ?

A.P.R Nous n’avons pas caché la vérité aux Français.

JC. Il y a quand même une commission d’enquête du Sénat qui atteste d’un échange d’e-mails de Jérôme Salomon [directeur général de la santé] qui aurait changé la communication sur la question des masques. Ce n’est pas très rassurant sur le plan de la transparence et ce serait tout à l’honneur du gouvernement de dire qu’il y eu des erreurs.

A.P.R J’observe que cette commission d’enquête sur les masques n’a pas jugé utile de m’auditionner alors que j’ai piloté la mise en place d’une filière de production en France. Cela interroge sur sa volonté d’être impartiale et exhaustive... Mais oui nous avons reconnu, et le président de la République lui-même, des erreurs, des maladresses. L’accusé de réception a été fait. Mais attention à l’illusion rétrospective où l’on refait l’histoire.

 

2,6 milliards d’euros du plan de relance visent à soutenir le numérique et la santé. Comment faire pour orienter cette aide sans aller enrichir les GAFA ?

A.P.R.  Lorsque nous numérisons l’industrie, nous finançons des investissements sur des machines, des robots ou des logiciels d’assistance et d’Intelligence artificielle. Les fournisseurs de ces solutions ne sont pas les GAFA mais des entreprises comme Dassault Systèmes, par exemple. Le numérique BtoC est, pour sa part, préempté par les GAFA et BATX. C’est pourquoi la Commission européenne a présenté des mesures de régulation avec deux projets de règlement pour réguler le marché et les services numériques, à la fois sur la concurrence et sur la responsabilité et la transparence dans l’utilisation des données. Aujourd’hui, il suffit qu’une pépite avec une technologie disruptive passe sous les radars du droit de la concurrence pour qu’elle puisse être rachetée à coup de milliards. Avec les nouvelles règles proposées par Thierry Breton et Margrethe Vestager, quelle que soit la taille de la transaction, elle devra être pourra être examinée sous l'angle du droit de la concurrence, compte tenu de la position de marché dominante des grandes plateformes.

J.C. Il faut maintenant les adopter et l’on pourrait s’interroger sur la régulation des lobbies à Bruxelles. Démanteler tout ou partie des GAFA est une réflexion essentielle qui existe en Europe et qui était au cœur de la réflexion d’Elisabeth Warren pendant la primaire démocrate. A priori, cela ne fait pas partie des priorités de Joe Biden. Les Américains regardent les Européens en se disant que ce serait bien que nous détricotions un peu. La réalité, c’est qu’on a un droit de la concurrence pas du tout adapté à la réalité des GAFA. L’autorité de la concurrence en général a peur que des entreprises trop grosses deviennent pénalisantes pour le consommateur en termes de prix. Or, cela ne marche pas pour Google ou Facebook car ces plateformes n’ont pas d’incidence sur les prix pour le consommateur. Leur modèle consiste à monétiser nos données personnelles et on ne sait pas réguler cela. Il faut revoir les règles de monétisation et la régulation. Prenez la RGPD, elle a conduit à renforcer sur le marché publicitaire la position de GAFA. Les utilisateurs ont donné leur consentement à ces géants du numérique et les entreprises plus modestes qui arrivaient un peu à monétiser des données les ont perdues avec cette régulation qui partait d’une bonne intention. Cela a renforcé la position de marché des GAFA.

A.P.R. Et ils étaient « plug and play » par rapport à la RGPD alors que pour d’autres acteurs européens, c’était une marche technique difficile à franchir. Même si les principes du RGPD sont louables, il faut que nous arrivions à mieux accompagner les plus petits.

  

La 5G est aussi l’objet d’une certaine défiance. Certaines villes appliquent des moratoires. Comprenez-vous cette attitude ?

A.P.R. La 5G a fait l’objet d’une instrumentalisation politique. Pourtant notre feuille de route est connue depuis juillet 2018 ; elle s’appuie sur des agences indépendantes d’évaluation sanitaire et de mesure des fréquences et sur un comité des usagers, qui a été consulté tout au long des travaux. Nous disposons à l’échelle mondiale de plus de 28.000 études évaluant l’impact de celles-ci sur l’humain. Les fréquences utilisées pour la 5G sont celles des radios locales d’il y a vingt ans. Mais alors qu’ils n’en avaient pas parlé au premier tour, certains se sont réveillés au second tour des municipales en juin. Il s’agit là d’un sujet trop sérieux pour en faire des arguties politiques. La 5G renvoie plus profondément aux enjeux de l’accélération technologique, de son impact sur notre santé et de la protection des données personnelles et donc de notre intimité. Cette technologie cristallise des angoisses tout à fait légitimes, auxquelles il faut répondre et pour lesquelles le débat public a toute sa place.

 

Les écologistes ont-ils eu tort de faire de la 5G un combat politique ?

J.C. Non, c’est une question profondément politique pour des raisons environnementales. On sait très bien qu’avec la 5G on aura une plus grande consommation de bande passante et que ce sera plus polluant que les pratiques qu’on a actuellement avec la 4G. La 5 G est un progrès technologique qui va entraîner une surconsommation. Cela interroge nos pratiques. D’autant que pour bénéficier de la 5G, il faut s’acheter un nouveau téléphone. Mettre un moratoire du point de vue d’un maire n’est pas une mauvaise chose. On aurait pu repousser les enchères pour tenir compte de cette délibération et prendre le temps de débattre.

A.P.R. La France est l’un des derniers pays de l’OCDE à déployer la 5 G et à nouveau, les intentions du gouvernement sont connues depuis plusieurs années. Pour les usagers, il y a un enjeu à éviter la saturation des réseaux 4G mais il s’agit également des usines, des ports, des infrastructures logistiques qui utiliseront cette technologie. Ensuite, nous avons depuis un an un plan qui vise à réduire les émissions globales des infrastructures numériques en intégrant leur empreinte carbone. La 5G en est un des leviers de ce plan car elle consomme huit à dix fois moins d’énergie que la 4G et va nous aider à passer un cap technologique en matière de gestion des réseaux et d’efficacité énergétique. D’ailleurs, j’observe que des pays considérés comme plutôt à la pointe sur le plan environnemental l’ont déployée.

 

La crise accélère la transformation numérique avec la généralisation du télétravail. Cette numérisation est-elle favorable à l’environnement dans la mesure où elle réduit les transports ?

A.P.R. Nous devons prendre en compte les transports évités, mais aussi une meilleure connaissance de la data. Avec la smart city, nous allons gagner en efficacité énergétique. Mais ce n’est pas tout blanc ou tout noir. N’oublions pas que le « 100% télétravail »  peut aussi créer des risques psycho-sociaux et creuser les inégalités. Lors du premier confinement, beaucoup de femmes, notamment auto-entrepreneures, ont décroché. Lorsque vous travaillez à la maison sans pouvoir vous isoler de vos enfants, cela ne marche pas. Il va falloir trouver un point d’équilibre et s’assurer que chacun est en télétravail dans de bonnes conditions. On peut aussi organiser des espaces de coworking sur les territoires, hors de votre domicile mais pas loin de chez vous. Les hôtels pourraient jouer ce rôle en journée.

J.C. Dans l’enseignement supérieur, on est entré dans l’illusion qu’enseigner par zoom avait la même qualité que devant un amphi. Nous avons beaucoup d’étudiants qui décrochent complètement. On est en train de sacrifier toute une génération et cela n’apparaît pas dans les données du PIB. Il faudra sans doute revenir en arrière sur cette forme d’innovation. Pour tout ce qui est interaction et échanges avec des plus jeunes, rien ne remplace le contact humain. Il était au départ question de rouvrir les universités deux semaines après les bars et restaurants. On a parfois l’impression que l’aspect économique l’emporte sur la dimension éducative.

A.P.R. La France a été l’un des premiers pays à rouvrir ses écoles précisément parce que cette dimension éducative nous paraissait essentielle !

 

Le projet de loi Climat de Barbara Pompili s’oriente vers l’interdiction de la publicité sur les énergies fossiles. Le député Matthieu Orphelin regrette qu’on ne s’attaque pas à la publicité pour les moteurs thermiques, aux SUV. Êtes-vous défavorables à l’interdiction ?  

A.P.R. Ce projet de loi vise à mettre en œuvre les recommandations de la Convention citoyenne pour le climat. C’est une démarche inédite qui s’appuie sur le dialogue construit avec 150 citoyens et les parlementaires. Sur les moteurs thermiques, nous avons la trajectoire carbone la plus exigeante en matière de CO2, en comparaison des grands pays producteurs d’automobiles. Nous l’avons encore renforcée dans la loi de finances 2021, sous l’impulsion des demandes des citoyens, où nous avons introduit un malus au poids. La publicité est déjà très orientée sur les modèles électriques ou hybrides et le choix que nous faisons est de diminuer progressivement la part des modèles thermiques présentés. C’est ce sur quoi nous travaillons avec les professionnels du secteur. On croit trop souvent avoir tout résolu une fois qu’on a tout interdit. En réalité, ce sont les médias qui vivent de la publicité qui seront impactés en cas d’interdiction. Je préfère avoir une approche plus pragmatique.

 

Le secteur audiovisuel estime qu’il pourrait perdre un milliard d’euros si les mesures préconisées par la Convention citoyenne pour le climat sont adoptées. Les médias et les agences en seraient fragilisées. Qu’en pensez-vous ?

J.C. Les citoyens de cette convention ne diraient pas que c’est le projet qu’ils ont porté eux-mêmes. Ce qu’on a fait des mesures qu’ils préconisent est critiquable, comme le montre la question de la publicité des SUV. Le marché publicitaire est de plus en plus capté par les Gafa et la part des médias traditionnels s’effrite. Il ne faut pas chercher à sauver la publicité. Il faut plutôt faciliter la transition vers un modèle d’abonnement. C’est pourquoi le gouvernement a fait un meilleur choix en préférant un crédit d’impôt pour les dépenses d’abonnement à un crédit d’impôt pour les dépenses de publicité. Se pose maintenant la question de l’audiovisuel privé gratuit, de son modèle et de son environnement. Je pense qu’il faut amortir le choc pour l’audiovisuel privé. Si cela coûte un milliard d’euros, on peut imaginer des mesures de soutien public. Il en existe bien pour la presse. D’autant que nous avons un problème de concurrence et de propriété de ces médias, puisque de grands médias sont possédés par des industriels sous contrat avec l’Etat. On constate aussi des problèmes éthiques, avec parfois des censures par l’actionnaire des contenus produits par les chaînes, comme le montre l‘interventionnisme de Vincent Bolloré à Canal+. Pourquoi pas un deal gagnant-gagnant pour imposer des chartes de déontologie beaucoup plus fortes à ces chaînes qui les obligerait à démocratiser leur gouvernance - avec des journalistes et des salariés - et à leur ouvrir en échange une enveloppe budgétaire pour compenser cette interdiction publicitaire ?

A.P.R. La question des médias est essentielle. Comment avoir un univers régulé de façon suffisamment intelligente pour éviter que des médias tiers en ligne, dont la qualité d’information ou l’éthique sont parfois douteuses, prennent le relais ? Je partage l’idée qu’il faut une transition. Nous devons prendre le sujet et l’installer dans une durée raisonnable pour que les médias s’adaptent. Il faut éviter les effets pervers en voulant aller trop vite.

 

75% de la publicité digitale est aspirée par le duopole Google-Facebook. Comment éviter que ces recettes ne migrent vers les GAFA ?

 J.C. Il faut faire en sorte d’adopter des régulations. On l’a vu avec la directive sur le droit voisin au droit d’auteur. Comme la France l’a transposée en premier, Google entre en bras de fer avec chacun. Là où on aurait dû avoir un consensus au sein de l’Europe, on se retrouve avec des éditeurs qui négocient un à un avec Google. Les gros vont s’en sortir et les petits mourir. Cela signifie qu’il ne faudrait pas retranscrire en droit national pays par pays mais que cela soit fait de façon automatique.

A.P.R. Ce sont des sujets que nous devons porter dans tous les lieux de négociations internationaux, comme l’OCDE. Avec la taxe sur les services numériques, nous sommes le premier pays au monde à mettre à contribution les géants du numérique qu’ils soient américains, chinois ou européens. Nous avons mis le sujet sur la table de l’UE et de l’OCDE. Depuis maintenant deux ans, nous avons montré que nous pouvions mettre en place cette taxe et l’OCDE a été amenée à faire des propositions. Cinq à six pays ont adopté ou sont en train d’écrire leur législation nationale mettant en place des taxes similaires. Il faut être capable de mettre de la pression à tous les étages et d’évoluer en fonction du terrain. La détermination sans faille du Président de la République et de Bruno Le Maire est en train de faire bouger les lignes. L’enjeu des deux règlements européens, qui doivent encore être adoptés, sur les services et les marchés numériques, est donc majeur.



La publicité peut-elle avoir un rôle dans la relance ?

A.P.R. En tant que secteur d’activité, la publicité fait travailler des agences, des graphistes, des régies… Aura-t-elle un rôle dans la consommation ? Nous avons travaillé dans le cadre des États généraux de la publicité pour trouver des chartes, des accords, des avancées sur une manière responsable d’utiliser la publicité. Sur la partie alimentation, industriels et publicitaires se sont engagés pour lutter contre la progression de l’obésité. Sur l’automobile, le secteur fait des propositions pour réduire la part des motorisations thermiques dans la publicité. Plus globalement les acteurs, notamment les groupes audiovisuels publics et privés, travaillent à l’élaboration d’une charte sur le sujet. Je suis pour l’amélioration continue. La publicité est un secteur qui, suivant la manière dont il évolue, peut contribuer à nos objectifs de transformation. Essayons d’aligner les acteurs pour sortir par le haut.

J.C. Au delà de la publicité, un rapport du Conseil d’analyse économique a montré que les deux tiers de l’épargne ont profité aux 20% les plus aisés alors que 20% des foyers les plus modestes se sont endettés pendant cette crise. Pour ceux qui étaient en première ligne, il n’y a pas eu de coup de pouce du Smic, ni d’augmentation de salaires pour les infirmières et soignants, malgré les annonces du Ségur de la santé. Il en va de même pour les enseignants, ou les caissiers car de grands groupes ayant bénéficié des aides de l’Etat n’ont pas fait les efforts qu’on pouvait attendre. C’est là que se joue la question de la relance. Il faut faire en sorte de redonner du pouvoir d’achat à des gens qui vont consommer au lieu d’épargner.

 

Les acteurs culturels et événementiels marquent de l’incompréhension vis-à-vis du prolongement des interdictions d’exercer leur activité. Faut-il des autorisations temporaires et ciblées ? 

A.P.R. L’enjeu est de limiter la concentration et le brassage de populations. Un concert réunit plus de personnes, plus longtemps et dans un endroit fermé en règle générale. Ce sont les caractéristiques de ce contre quoi nous devons malheureusement lutter. Ce n’est pas de gaité de cœur que nous fermons les cinémas, les théâtres ou les salles de concerts. Les acteurs se mobilisent d’ailleurs pour trouver de nouveaux modèles avec des retransmissions à distance. Mais la meilleure réponse possible est de prendre les mesures permettant de ralentir la circulation du virus pour pouvoir rouvrir en sécurité. Personne ne supporte de ne pas travailler, encore » moins lorsqu’il s’agit de métiers passion. Nous verrons début janvier s’il est possible de donner de la visibilité pour une réouverture, en fonction de la situation sanitaire. Tout dépend de notre capacité collective à réduire la circulation du virus.  En attendant la reprise, nous avons apporté un soutien exceptionnel aux acteurs de la culture, à ses artistes, à ses créateurs, à ses salariés, à ses entrepreneurs. Près de 7,1 milliards d’euros d’aides leur ont été accordés.

J.C. C’est extrêmement difficile de gouverner aujourd’hui. Mais il y a des choix qui sont difficilement compréhensibles. Souvenons-nous de la fermeture des librairies. L’institut Pasteur a montré que les petits commerces n’étaient pas des lieux de transmission dès lors que les gestes barrières étaient respectés. Tout le monde est allé s’acheter des livres sur Amazon. Pour les cinémas et les théâtres, c’est un peu la même chose. Si les gens peuvent prendre des trains ou aller dans des grandes surfaces, pourquoi pas des jauges réduites à 50 ou 100 personnes ? Quitte à fermer au cas par cas s’il y a un problème. C’est comme s’il y avait une défiance vis-à-vis des acteurs de la culture.

A.P.R. Beaucoup de théâtres nous disent qu’ils ne peuvent rouvrir si les jauges doivent être réduites car ils ne peuvent pas soutenir ce modèle économique. Certains préfèrent la fermeture administrative qui leur permet de bénéficier de dispositifs de soutien.

 

Comment relancer l’événementiel une fois que tout va rouvrir. Y aura-t-il des mesures choc ? 

A.P.R. Au-dela des dispositifs de soutien que nous maintiendrons le temps qu’il faudra, nous allons continuer à accompagner les entreprises événementielles dans leur transformation digitale. Dans le sport et la culture, c’est plus difficile, même si des expérimentations intéressantes de retransmission sont tentées. Enfin, je suis consciente de l’importance des grands salons où les professionnels se rencontrent, touchent du doigt les innovations, échangent sur des collaborations possibles... J’ai par exemple dit aux organisateurs du Salon du Bourget de ne pas laisser la place vide car d’autres la prendront. Il leur faut trouver un format innovant qui permette d’avoir des échanges et de créer de la sérendipité.

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