Interview
Pour permettre à leurs artistes et labels indépendants de continuer à produire de la musique, le groupe français spécialisé dans la distribution et l'accompagnement opte pour de nouvelles stratégies marketing. Avec, au cœur, l'instauration d'un mode de rémunération plus équitable. Entretien avec Romain Vivien, directeur général de Believe France.

Quels sont vos projets pour l’année 2021 ?D’un point de vue offre de services et d’artistes, continuer à développer et affiner notre stratégie. Nous ne travaillons pas de la même manière avec un artiste ou un label, avec un artiste en développement ou déjà établi. Continuer également de développer et d’accompagner les artistes en auto-entrepreneur et les producteurs. Et puis, nous avons lancé des services brand dans quatre à cinq cinq pays ces douze derniers mois. Travailler avec des marques, c'est quelque chose de récent dans l'histoire de Believe. Le brand ne représente pas une grande partie de nos revenus, mais nous allons le développer. Nous le voyons d'abord comme un levier pour accompagner plus largement les artistes et pour toucher des audiences plus fidèles. 

Le digital a toujours été dans l'ADN de Believe, mais vous avez davantage investi dans le jeu vidéo. Le Covid a-t-il été un facteur d’accélération ?

Ces moments de crise nous poussent à être encore plus innovants. Il a donc fallu trouver des alternatives de communication. Nous avons travaillé sur des playbooks et fait beaucoup d'expériences sur le live streaming. Nous avons aussi essayé de sortir de l’univers purement musical et de développer de nouvelles communautés en allant dans le jeu vidéo. Le numérique permet de casser les frontières et génère une instantanéité. Par exemple, nous avons créé des maps créatives dans Fortnite avant la sortie d'un album du rappeur JuL

Vous avez conclu un partenariat avec TikTok. Quelle est votre stratégie ?TikTok est un formidable laboratoire de découvertes. Au-delà d’être une plateforme qui utilise la musique avec des accords renouvelés, c’est une manière différente d’exposer les artistes. Elle nous aide à toucher les utilisateurs à différents moments de la journée et à travers différents temps de consommation et ce, par plusieurs typologies de contenus. Avec TikTok, nous essayons aussi d’optimiser la rémunération des artistes, mais surtout de bien comprendre les typologies de musique qui fonctionnent. Il se trouve que ce sont plutôt des musiques avec des accords ou des rythmes un peu élevés, des gimmicks sonores ou bouts de paroles qui sont évocateurs auprès de cette génération. C’est très différent d’un usage sur Spotify ou sur YouTube, mais ces derniers restent complémentaires.

Le streaming* repose actuellement sur un système de rémunération inégalitaire. Les labels ont-ils un rôle majeur à jouer dans la rémunération des artistes ?Oui. Malheureusement tout n’est pas entre nos mains. Le modèle de rémunération du streaming a été inventé il y a une dizaine d’années. À l'époque, le streaming générait pas voire peu de revenus. Si ce modèle aujourd’hui «market-centric» crée une problématique de rémunération, il faut le revoir et probablement le faire évoluer. Believe ira vers un système qui favorisera le développement de nouveaux artistes, y compris locaux, et vers plus de diversité dans les genres musicaux. Les études menées par des plateformes et autres acteurs montrent au contraire une concentration plus importante pour les catalogues internationaux. En résumé, pour les majors versus les acteurs indépendants. Or, notre mission est d’accompagner les artistes et labels indépendants. 

Récemment, Spotify a donné la possibilité aux musiciens et aux labels d'être davantage mis en avant dans les playlists personnalisées de ses abonnés, contre une ristourne sur les droits que la plateforme doit leur reverser. Believe serait-il prêt à accepter ?Pour le moment, nous sommes juste en discussion avec eux. Ce sont des systèmes qui existent depuis des années dans les médias traditionnels en France, donc il n'est pas anormal que Spotify se demande comment ils pourraient entrer dans cette typologie de système. Nous attendons d’être certains de quoi il s’agit, mais nous ferons toujours les choses en transparence et en coopération avec les acteurs. 

* Selon les chiffres de 2020 du Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP), 9,4 millions de Français ont écouté de la musique en streaming payant en 2019, soit 10% de la population.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.