L'actu vue par…
Mariette Darrigrand, sémiologue et directrice du cabinet Des Faits et des signes, revient pour Stratégies sur les actualités de ces dernières semaines comme l'absence de Salon de l'Agriculture, l'annonce de reconfinements le week-end etc.

Jeff Koons condamné pour contrefaçon d'une pub Naf Naf. 

C’est une question fondamentale pour notre monde en open source permanent. La propriété de la création est mise à mal. Il y a de la créativité avec de la propriété intellectuelle dans le monde de la publicité. Citer des œuvres est une chose. C’est stimuler, agiter le drapeau rouge devant le taureau, inviter à l’effort. Plagier en est une autre. C’est voler la dimension humaine de quelqu’un. C’est très bien de faire la différence entre la citation et le vol d’idée. En plus, la publicité Naf Naf est très forte. Cette marque fait partie du patrimoine créatif de la publicité française des années 1980-1990.

 

Le gouvernement qui présente sa feuille de route pour réduire l'empreinte carbone du numérique.

C’est un cas de prise en tenaille car le gouvernement veut développer le numérique et la 5G contre les réfractaires. Il est pour le progrès technique et, en même temps, il sait que le soutenable, l’écologie est le sujet politique central. C’est compliqué de concilier les deux. La balance entre l’écologie et le progrès technique sera au cœur de la présidentielle 2022. Il y aura un équilibre à trouver pour Emmanuel Macron entre le progressisme et l’amélioration des modes de vie.

 

La remise en question du top management de Danone. 

Elle a été la première entreprise à mission du CAC 40. Aujourd’hui, les entreprises sont envahies par la morale avec les notions de responsabilité, de RSE, de mission. Elles sont dans la métaphysique. Il est difficile de conjuguer cela avec une rentabilité financière. La crise chez Danone et la remise en cause d’Emmanuel Faber mettent un coup de projecteur sur le divorce, la difficulté pour les entreprises à concilier les deux finalités. C’est pourtant ce qu’elles doivent faire. C’est un moment historique.

 

L'absence de Salon de l'Agriculture en 2021. 

Même s’il avait eu lieu, il serait en voie de désuétude. La notion d’agriculture est remise en cause par la nouvelle manière de vivre la nature. La nouvelle écologie et les néo-ruraux refusent la vision de la nature comme objet à travailler mais préfèrent l’idée du vivant. Les agriculteurs travaillent la nature alors que les néo-agriculteurs la voient comme un écosystème où existe une harmonisation de tous les vivants. Ce changement fondamental du rapport à la nature dévalue l’agriculture classique. Les choses ne se passent plus dans des salons, plutôt dans des fermes locales.

 

L'annonce de reconfinements ciblés le week-end. 

L’un des rares progrès faits depuis un an dans la gestion de crise. On est passé d’un absolu à du partiel. Un ciblage qui permet de ne pas arrêter complètement la vie économique. Confinement, étymologiquement, veut dire emprisonnement, c’est un mot issu de la langue administrative de la prison. Là, il se rejoue de manière partielle. Ce sont des insularisations, avec, là encore, un côté local. Le confinement a été pensé pour un lieu petit (un bâtiment de prison), le mot retrouve son sens.

 

L’agression à Reims du photojournaliste de L’Union Christian Lantenois.

Il n’y a pas de démocratie sans presse. Faire régner la loi de l’obscurité, du caché, est anti-démocratique. C’est une question d’équilibre des pouvoirs. Au-delà de l’exécutif, du législatif, du judiciaire et du médiatique, il y aurait un cinquième pouvoir non élu qui serait la loi du plus fort. De façon plus générale, « rixe » est un vieux mot issu du langage de la police. Il cache la réalité des choses. Il relève de la « bagarre ». C’est un peu faible. Le vrai mot viendrait du grec agôn, la lutte pour la vie, la lutte de la vie contre la mort - qui donne le terme agonir. Notre société produit de l’agôn.

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