Cinéma
Une directive européenne transposée dans le droit français en décembre va imposer aux plateformes de financer le cinéma mais en échange d’un assouplissement de la chronologie des médias.

Une centaine de cinéastes s'inquiètent jeudi 11 mars d'un accord à venir avec les plateformes comme Netflix, qui pourrait «anéantir» le système français de financement du cinéma, en bouleversant la chronologie des médias, ce régime qui régit la sortie successive des films en salles, en DVD, à la télévision.

«Le 31 mars, le gouvernement risque d'entériner un décret particulièrement favorable aux plateformes de streaming en leur offrant une place avantageuse dans la chronologie des médias, en contrepartie d'investissements dérisoires dans le cinéma», redoutent dans une tribune au Monde ces cinéastes, parmi lesquels Olivier Nakache, Jacques Audiard, Houda Benyamina, Michel Hazanavicius, Agnès Jaoui ou encore Rebecca Zlotowski.

La mise à contribution des plateformes dans le financement du cinéma est un serpent de mer depuis des mois. Une directive européenne, transposée dans le droit français par ordonnance en décembre, change la donne en ouvrant la voie à une contribution obligatoire des acteurs du numérique, sur le modèle de ce qui existe pour les chaînes de télévision, dans des conditions qui seront définies par décret.

En échange de leurs obligations d'investissement, les plateformes pourront bénéficier d'un assouplissement de la chronologie des médias, et diffuser des films plus vite après leur sortie en salles, alors qu'elles doivent attendre 36 mois actuellement. L'ordonnance publiée en décembre obligeait les acteurs du secteur à négocier un nouvel accord sur ce dossier brûlant dans un délai, qui restait à fixer par décret, de six mois maximum, sans quoi le gouvernement trancherait.

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Un décret publié le 28 janvier leur a ensuite donné jusqu'au 31 mars pour trouver un accord. Si la transposition de la directive européenne avait été accueillie fin 2020 avec soulagement dans le monde du cinéma, désormais les cinéastes s'inquiètent de sa mise en œuvre. Ces derniers redoutent que les plateformes en profitent pour négocier une nouvelle chronologie des médias qui leur serait trop favorable, par rapport à l'écot qu'ils verseraient.

Ils mettent en garde le gouvernement contre un passage en force, sans l'accord des professionnels, qui viendrait «fragiliser les partenaires historiques», et notamment Canal+, principal financeur du cinéma. «En l'état, [le projet] risque de fragiliser un écosystème sur lequel repose pourtant notre souveraineté culturelle», soulignent-ils. «Les plateformes sont les bienvenues pour renforcer cet écosystème, mais nous ne signerons pas un accord qui risquerait de l'anéantir», mettent-elles en garde.

De son côté, Canal+ a déposé un recours fin février devant le Conseil d'État contre l'ordonnance, selon une source proche du dossier, confirmant une information du Figaro. Dans le collimateur du groupe, selon le quotidien, le bref délai imposé aux négociateurs pour trouver un nouvel accord sur la chronologie des médias avant que le gouvernement ne reprenne la main, alors que le précédent accord court jusqu'à fin 2022.

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