Dossier Presse magazine
Un magazine qui se lance, c’est toujours une réjouissante nouvelle dans un secteur de la presse plutôt fragilisé. Cinq éditeurs qui ont fait ce choix racontent leur expérience et les facteurs de succès.

Quelques surprises attendront, en mai, les Français qui devraient alors pouvoir se déplacer plus librement vers leurs points de vente : le numéro 1 de la revue After Foot, le numéro 2 de Silence, ça pousse !, le numéro 1 du Magazine du Guide du Routard, sans oublier le premier opus de Bienvenue chez vous by Stéphane Plaza, sorti début avril. Autant de nouveaux venus dans la presse qui, pourtant, n’apparaît pas comme un univers plein de promesses, du moins lorsque l’on regarde uniquement les chiffres. Dans le classement de la diffusion de la presse magazine en 2020 de l’ACPM, les évolutions 2019/2020, pour les 243 titres étudiés, sont très majoritairement négatives. Et le Covid n’explique pas tout.

Timing adéquat

Pourtant, certains éditeurs y croient et se lancent. Au départ : une idée, l’envie d’apporter du nouveau. Un positionnement qui, conjugué au timing adéquat, est une condition sine qua non pour réussir. « Nous nous lançons maintenant car jamais le foot français n’a été autant en difficulté, explique Stéphane Simon, cofondateur et éditeur de la revue After Foot, inspirée de l’émission éponyme de RMC et dont le premier numéro devrait voir le jour mi-mai, à l’issue d’une campagne de crowdfunding. Les droits TV, c’est compliqué, de même que le ticketing avec le Covid. Le foot français, allant mal, doit repenser son écosystème. Ce n’est pas du luxe de proposer un endroit où discuter de ce qui fait débat... »

C’est aussi le constat d’un manque qui a inspiré So Good, qui a vu le jour en juin 2020 et vient de sortir, mi-avril, son quatrième numéro. « Peu de journaux mettaient en avant les gens qui entreprennent pour un monde meilleur, retrace Loïc Yviquel, ex-directeur général de la plateforme Ulule et cofondateur du magazine avec Franck Annese, patron de So Press. Un article du Monde indiquait fin 2019 qu’il allait faire +7° C à la fin du siècle. En parallèle, on recevait pléthore de projets chaque mois sur Ulule. Pourquoi ne pas parler du changement (climat…) autrement que de façon anxiogène, alors qu’il y a des gens qui travaillent pour éviter la fin du monde… »

Dépoussiérage

Sur un tout autre plan, l’attention pour la planète est un mouvement dont Culture Jardins, lancé par Ouest-France avec Le Courrier de l’Ouest en mars 2021, a également profité. « C’est important de s’inscrire dans un contexte favorable. Nous observons une tendance lourde de rapprochement avec la nature, de respect de la biodiversité, décrit Stéphane Baranger, directeur des suppléments et hors-séries chez Ouest-France. Le Covid renforce le besoin d’évasion, de sortie ». Le magazine, déployé à 30 000 exemplaires, entend se différencier par des valeurs de respect de la nature mais également par son ancrage et sa défense des territoires.

« La clé de succès, c’est d’arriver avec le bon produit au bon moment, synthétise Aude de la Villarmois, responsable du département licences chez France TV Distribution, qui a lancé début mars 2021 avec les Editions Burda une déclinaison magazine de l’émission de France 5 Silence, ça pousse !, dont plus de 80 000 exemplaires ont été vendus. Notre projet était de dépoussiérer le côté magazine de jardin un peu old fashioned en le positionnant comme un magazine art de vivre et en misant sur une maquette plus contemporaine ».

La puissance de l’incarnation

Au-delà, miser sur l’incarnation contribuera également à la réussite. « Le facteur clé de succès, c’est la rencontre entre une opportunité, un projet, dépoussiérer la presse pour les femmes de plus de cinquante ans, et une personnalité », détaille Claire Léost, directrice générale de CMI France, au sujet de S, le Magazine de Sophie Davant. Sorti en novembre 2020, le premier numéro de ce bimestriel s’est vendu à 150 000 exemplaires, le second à 120 000. Donnant son nom au titre, Sophie Davant est également partie prenante dans l’élaboration du sommaire et la réalisation des sujets. La publication bénéficie de sa notoriété à la télévision, de sa relation « forte et ancienne » avec son public. S’allier à une personnalité est une recette déjà éprouvée par CMI France, qui, fin 2019, sortait un magazine avec Inès de la Fressange. Et le groupe entend reproduire l’expérience au mois de mai prochain, en s’appuyant cette fois non pas sur une célébrité mais sur une marque forte, celle du Routard, avec le Magazine du Guide du Routard, autour de la thématique du voyage en France. Flattant la probable envie de bouger des Français en sortie de confinement, il devrait être tiré à 100 000 ou 120 000 exemplaires.

C’est la même logique qu’a recherchée Stéphane Simon quand, avec son idée, il est allé trouver les deux journalistes d’After Foot. « L’une des clés de succès est la puissance de l’incarnation. Gilbert Brisbois et Daniel Riolo - quinze ans d’After Foot - seront derrière le titre. Ils sont dans l’aventure et actionnaires du projet. Pour combien de temps ? Si ça marche, il n’y a pas de raison que ça s’arrête… » L’objectif serait de parvenir à séduire 30 000 abonnés et à réaliser 80 000 ventes dès 2021.

Rassembleurs

Troisième facteur clé de succès : rallier un écosystème... ou le construire. Refusant la publicité, So Good a mis en place un modèle original, basé d’une part sur deux campagnes de crowdfunding - ayant permis de recruter près de 30 000 abonnés au total - et d’autre part, sur des partenariats avec des entreprises dites « pionnières » intéressées par le changement. Ces organisations, parmi lesquelles SNCF, Danone ou Mirova, acteur de la finance durable, ne prennent pas de pub mais co-construisent avec l’équipe des activations comme une émission de radio avec BNP Paribas. « Pour réussir, il faut un changement de posture : des marques, qui écoutent l’écosystème dans lequel elles vivent, des activistes [entrepreneurs, incubateurs, associations, citoyens], qui doivent accepter qu’il n’y a pas les gentils d’un côté, les méchants de l’autre, et nous, dans une notion de co-design », développe Loïc Yviquel. Du co-design à la communauté, il n’y a qu’un pas, que franchit Silence, ça pousse ! Au-delà d’une promotion du projet sur les réseaux sociaux et sur YouTube, la marque est déclinée sur la plateforme éducative Lumni, sous la marque Silence, ça pousse ! Junior. Et une communauté d’industriels et d’entreprises est montée autour du projet. Le magazine espère rassembler 5 000 à 7 000 abonnés à terme. Rendez-vous en kiosque ?

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