Tribune
Les promesses de dons d’un milliard de dollars de Facebook et Google sont une première étape, mais nous attendons davantage.

Lorsque l’on est une entreprise grand public, il est légitime de faire passer les consommateurs en priorité sur les partenaires, car cette activité se développe indépendamment des partenaires. Le duopole préféré de l’industrie se concentre d'abord sur les consommateurs, et c’est normal. Mais Facebook et Google nous oublient trop souvent, nous, leurs partenaires de l’internet ouvert. Cela peut devenir problématique si une entreprise grand public devient importante, voire trop importante, pour ses partenaires. Par exemple, disons que vous êtes une entreprise grand public et que la majorité de vos revenus proviennent des consommateurs, mais que, pour une raison ou pour une autre, vos partenaires réalisent la majeure partie de leurs revenus avec vous.

Pour être encore plus clair, imaginez un monde où Facebook et Google ne seraient pas des entreprises grand public, où leurs activités dépendraient des sites éditeurs et où la façon dont ils atteindraient les consommateurs ne passerait pas par une application ou un moteur de recherche, mais par des éditeurs seulement. Imaginez les revenus que Google et Facebook génèrent aujourd’hui : près de 250 milliards de dollars par an proviennent des sites éditeurs, de l’internet ouvert, de leurs partenaires. Que feraient-ils différemment pour assurer la prospérité de ces sites éditeurs sur l’internet ouvert ?

Récemment, Facebook et Google se sont engagés à investir un milliard de dollars dans l’information d’actualité pour montrer l’importance que cela revêt à leurs yeux, et qu’ils sont prêts à financer le contenu qui alimente leurs services. Il y a eu par la suite beaucoup d’avis différents sur la valeur réelle de cet investissement. Parmi les retours négatifs, certains considèrent que la plupart des éditeurs ne recevront pas ce paiement, et il n’est pas clair si leur milliard de dollars respectif représente la véritable valeur du contenu qui apparaît sur les moteurs de recherche et dans les flux sociaux. Mais parlons-nous de ce qui compte vraiment pour l’internet ouvert et les éditeurs ?

Continuer d’envoyer du trafic sur l’internet ouvert

Si Google et Facebook étaient des entreprises B2B, attentives à leurs partenaires, au développement de l’internet ouvert, du journalisme et des éditeurs, puisque l’essentiel de leur activité proviendrait de leurs partenariats, il y a cinq choses qu’ils devraient faire pour les acteurs de l’internet ouvert. D'abord, générer du trafic, au lieu de l’héberger. Engagez-vous à continuer d’envoyer du trafic sur l’internet ouvert au lieu de trouver de nouveaux moyens de l’héberger. Nous ne voulons plus de solutions comme Instant Articles, sur Facebook. Ces types d’initiatives ont tué des sites comme The Awl et DNAInfo. Nous avons le sens du business, mais nous aimons encore plus les relations directes avec les consommateurs sur nos sites.

Vous pouvez aussi améliorer l’internet ouvert en utilisant les insights dont vous disposez. Les données que vous utilisez pour vos propres services vous aident à monétiser et à engager les consommateurs sur les réseaux sociaux et les pages de recherche. En effet, les gens passent 50 minutes par jour à faire défiler du contenu. En tant que partenaires, formez-nous, partagez ces informations anonymisées sur la façon dont nos utilisateurs s’engagent sur vos propriétés numériques, y compris ce que les gens lisent, regardent ou ce sur quoi ils cliquent sur vos plateformes. Donnez-nous des idées sur le contenu que nous devrions créer, sur la manière de mieux personnaliser nos sites, de développer l’internet ouvert et inciter les internautes à y passer plus de temps.

Système d’alerte

Construisez un système d’alerte pour protéger le trafic des éditeurs, un changement mineur pour vous mais un changement majeur pour l’internet ouvert. Lorsque presque 50% du trafic de l’internet ouvert provient des réseaux sociaux et des moteurs de recherche, chaque léger changement dans les algorithmes, ou dans la façon dont le trafic est généré, crée un effet papillon dans l’internet ouvert. Des sites comme Mic ou The Little Things ont énormément souffert suite à des changements de trafic inattendus. Si 100% des revenus de Google et Facebook provenaient de sites comme Mic et The Little Things et que, pour une raison ou une autre, leur trafic diminuait de façon significative, Google et Facebook, en tant que bon partenaires, auraient immédiatement dû chercher un moyen pour résoudre le problème.

Il conviendrait alors qu’une notification se déclenche dans le cas où plus de 10% (un nombre communément utilisé lors de la rédaction d’un SLA entre entreprises, une entente de niveau de service) des changements dans le trafic se produisent pour un segment d’éditeurs et que Google et Facebook s’engagent alors à une période d’adaptation pour essayer d’aider l’éditeur. Peut-être existe-t-il un accord de niveau de service que nous essayons tous de respecter.

Vaincre la désinformation et les discours de haine

Aidez-nous à faire en sorte que trois milliards de personnes se connectent sur l’internet ouvert. Aujourd’hui, les gens se connectent à Facebook et Gmail ; aidez-nous à les faire se connecter au Figaro, au Point et à bien d’autres encore. Si Facebook et Google connaissent les personnes qui visitent nos sites, ils devraient envisager de nous donner une idée sur la manière dont nous pouvons mieux les accompagner en leur offrant une expérience plus personnalisée, plus fluide entre les différents appareils et un meilleur revenu moyen par utilisateur (ARPU). Ils pourraient peut-être même nous aider à leur faire connaître nos événements, de nouveaux services ou à s’inscrire à des newsletters. Cela rendra l’internet ouvert que nous défendons et dont nous avons besoin plus riche et puissant. Si 100% de vos revenus provenaient des acteurs de l’internet ouvert, vous devriez nous aider en tant que partenaire.

Même si parfois, Facebook et Google ont été notre Ultron, nous pouvons toujours nous unir pour combattre Thanos : vaincre la désinformation et les discours de haine car c’est ce que font les héros. Nous nous sommes beaucoup plaints pendant des années, c’est vrai. Et la raison est que nous avons toujours eu l’impression que Facebook et Google ont cette crise d’identité qui fait qu’ils sont tantôt des alliés et des partenaires, tantôt le contraire. Alors même si pendant des années, nous les avons considérés comme notre Ultron, nous avons des ennemis communs, comme la désinformation et les discours haineux. Ce sont des Thanos, et des risques pour tout le monde, dont Facebook et Google, et cela nous réunis. Élaborons une politique publique et partageons ensemble nos informations sur ces ennemis communs pour les contrer au mieux, tout en veillant à préserver une diversité d’opinions dans le monde.

Un internet ouvert qui prospère est bénéfique pour l’avenir de chacun d’entre nous, y compris pour Facebook et Google, afin de rendre les moteurs de recherche et les réseaux sociaux plus riches et intéressants. Voilà notre lettre pour l’internet ouvert. Ensemble, nous sommes plus forts.

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