Stratégies Les 50
Depuis quelques années, la pandémie en plus des nouvelles technologies ont permis aux agriculteurs de retrouver grâce aux yeux des Français. En se reconnectant au monde via notamment YouTube, pour montrer la réalité dans nos assiette

La France, c’est la fourche et la fourchette. Les Français aiment la terre, les prés tout autant que la bonne chère, le raffinement gastronomique ou les «bonnes bouffes» entre amis. Ce n’est pas un hasard si l’Hexagone est le premier pays agricole d’Europe : entre eux et les produits du terroir, c’est une vieille histoire d’amour. Mais cette romance s’est étiolée avec le temps. En cause, les révolutions sociétales et l’industrialisation. Les Français et les agricultures se sont éloignés jusqu’au désamour. Les liens se sont desserrés jusqu’à se rompre.

En 2020, le Covid-19 a confronté simultanément plus de 7 milliards d’humains sur une planète hostile et invivable. L’électrochoc fut net. Ce qui n’était depuis quelques années que des initiatives encore minoritaires s’est accéléré et amplifié. En effet, l’alimentation, c’est la santé de tous, mais aussi la santé économique des régions, et les producteurs sont la clé de la préservation de l’environnement. Pour preuve, la montée en puissance du label «Origine France», des circuits courts, du bio ou encore de la mention «sans pesticides» dans les produits de consommation du quotidien. Pour preuve également, la démultiplication des initiatives agricoles positives et durables partout sur le territoire et dans tous les domaines, de l’élevage au maraîchage.

Oeuvrer pour un monde meilleur

À la croisée de ces chemins convergents, l’opportunité historique est trop belle pour ne pas la saisir. En unissant les énergies de ces deux mouvements structurels profonds, il émerge la possibilité concrète d’œuvrer pour un monde meilleur. Plutôt que d’opposer le monde agricole et les consommateurs, engagés désormais dans un élan de réconciliation, il est utile de se souvenir du rôle et des aspirations de chacun aux origines de l’éloignement, c’est-à-dire au sortir de la Seconde Guerre mondiale. D’un côté, des populations éprises d’une folle envie de consommer, de se libérer des contraintes, en pleine explosion démographique : les Trente Glorieuses. De l’autre, des agriculteurs qui doivent satisfaire la demande, dans un univers de coopératives condamnées à la productivité extrême. Un univers fermé sur lui-même qui demandait par exemple aux éleveurs d’arrêter de nourrir les porcs avec des déchets alimentaires provenant de cantines scolaires ou de restaurants au profit de granulés industriels issus bien souvent de carcasses d’animaux. Le tout dans un contexte d’industrialisation débridé de tout le secteur alimentaire, qui au fil des décennies éloigne de la terre les agriculteurs et les consommateurs. Jusqu’à couper le lien.

Mais la terre est bien de retour. Et ce retour n’est pas un retour en arrière. Bien au contraire. Nourrir les populations demeure un challenge de premier ordre, mais n’est plus incompatible avec le bon sens terrien. Car les progrès technologiques sont passés par là. Grâce à l’agritech et la data, les bonnes pratiques d’antan, respectueuses de l’environnement et des ressources naturelles, sont comme augmentées, optimisées. Des jachères à l’implantation de haies et des bocages, des techniques de préservation de la biodiversité à la permaculture, en passant par l’aquaponie : il est désormais possible de concilier performance et durabilité.

Ce n’est qu’un début et l’équilibre systémique est fragile. Pour le pérenniser, il faut générer cette adhésion tout au long de la chaîne, de la fourche à la fourchette. Pour mieux comprendre les défis des agriculteurs, rien de mieux que la transparence. À l’instar de certains chefs, rock stars des fourneaux qui cumulent comme Cyril Lignac jusqu’à 2,8 millions d’abonnés sur Instagram, certains agriculteurs n’hésitent pas à adopter ces nouveaux médias pour se faire entendre. Ainsi le web a vu naître des agro-youtubeurs et autres instagram agriculteurs. Bastien Stervio, fils de paysan, possède une communauté de 311 000 abonnés sur YouTube. Élisa a quant à elle ouvert la chaîne YouTube Agripassion. @Sandra_lpr, jeune éleveuse, a choisi de partager son quotidien sur Instagram.

Reconnexion

Avec sa chaîne en ligne CultivonsNous.tv, souvent comparée au Netflix de l’agriculure, le journaliste Édouard Bergeon donne la parole à cette frange de la population. Fils d’agriculteur, passionné et investi d’une mission, il recrée avec son partenaire Antoine Robin les liens manquants à cette histoire d’amour en crise entre les Français et leur agriculture, du champ à l’assiette. Au vu des chiffres, la sauce semble prendre, la webTV enregistre 72 000 abonnés depuis son lancement en 2020. Avec tendresse et émotion, franchise et transparence, Édouard Bergeon met en lumière les initiatives positives et les rend compréhensibles par tous. En faisant savoir, en donnant à voir, il fait rayonner et encourage ces nouveaux agriculteurs qui ne sont plus des Don Quichotte mais les précurseurs d’un futur modèle évidemment prédominant.

Il sensibilise, accompagne et mobilise aussi les consommateurs, les aide à monter en compétences. Et c’est là, précisément, qu’il reconnecte en donnant à tous l’envie de participer au changement, chacun à son échelle. En 2019, il tente de toucher le plus grand nombre en réalisant le film Au nom de la terre. Inspiré de l’histoire de son père qui sera incarné par Guillaume Canet à l’écran, ce film montre la dure réalité du métier. Un succès puisqu’il a enregisté 2 millions d’entrées.

Et si finalement, tout autant que spirituel, le 21e siècle était agricole ? Il n’a jamais été aussi évident, pour le plus grand nombre, que l’alimentation est liée à la terre, bien plus qu’à la chimie et l’industrie. Tous les ingrédients d’un regain de cette grande et sacrée histoire d’amour entre les Français et leur agriculture sont désormais réunis. À bon entendeur pour partager le plaisir retrouvé de mieux manger.

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