Presse
L'envolée des prix du papier, associée à la hausse du coût de l'énergie, confronte les éditeurs à une sévère augmentation de leurs charges.

Sur le front de la presse, la situation est tendue en cette fin d'année. En atteste l'arrêt du journal gratuit CNews, le 30 novembre 2021. Parmi les motifs de ce renoncement à l'impression de 760 000 exemplaires, le « coup fatal » d'une forte hausse du prix du papier. Les papetiers avaient imposé une première augmentation de l'ordre de 6 % à 20 % au 1er septembre. Elle s'est encore accrue. La raison ? La consommation globale du papier depuis quinze ans a baissé de 5 % par an et a donc été divisée par deux. La filière s'est réorganisée autour de la production de carton, qui augmente de 7 % par an, pour satisfaire l'e-commerce notamment. Et il n'existe plus en France qu'une usine de papier journal.

« On vit avec peu de stocks, ceux que notre surface financière nous permet d'avoir. Et l'on est en recherche de papier de manière plus active qu'habituellement, reconnaît Frédéric Daruty, président de 20 minutes. On est obligé de jongler entre davantage de papetiers et nos délais sont très courts. »

Une augmentation de 40 %

Qui dit pénurie dit flamblée des prix. « Nous n'avons pas de problème d'approvisionnement pour l'instant, observe Louis Dreyfus, président du directoire du groupe Le Monde. Mais l'augmentation du prix de la tonne de papier entre le 1er juillet 2012 et le 1er janvier 2022 est de 40 %. Cela est lié à la réduction du tiers des capacités de production en Europe au deuxième semestre 2021. Pour 2022, l'impact est de 4 millions d'euros pour notre groupe. Et cela se double d'une augmentation du prix du gaz et de l'électricité, multipliée par cinq entre 2020 et 2021, au cœur d'une production énergivore. »

Faut-il diminuer les paginations ? Augmenter les prix de vente ? Toutes les mesures sont à l'étude. « Nous ne réduirons pas la pagination du Monde, surtout en année présidentielle quand nos lecteurs attendent un renforcement éditorial, assure Louis Dreyfus. Mais nous sommes en réflexion sur la pagination pour les magazines et sur les prix de vente. » Le dossier est aussi brûlant du côté de Prisma Media, premier groupe de presse magazine. L'éditeur est en pleine négociation avec les papetiers, selon nos informations. Des pistes de réflexion que nous confirme Eric Carle, directeur Helio Print de Riccobono Imprimeurs : « Les stocks de vieux papiers qui servent à imprimer des journaux fabriqués avec du papier recyclé à près de 100 % ont été épuisés pendant les périodes de confinement. Pour 2022, les magazines pensent à diminuer leur pagination et leur volume de production, voir à changer de format pour optimiser leur consommation de papier. » Le print se paye au prix fort.

Le prospectus dans l'œil du cyclone

La crise du papier touche aussi le prospectus. À tel point qu’elle met en tension le retail. « Du fait de son efficacité ce média représente près de 50% des investissements marketing des grandes enseigne, et peut apporter 5 à 10% du chiffre d’affaires incrémental d’un magasin », précise Laurent Landel, CEO de Bonial France (Axel Springer). La pâte à papier compte pour 50 % du coût global de la réalisation d’un prospectus, par ailleurs visé par le dispositif « No Pub » de la loi Climat. De telles évolutions touchent au cœur du business model de magasins qui, au-delà des négociations, accélèrent leur stratégie de digitalisation. 

Emmanuel Gavard

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