Tribune
Obligations RGPD, suppression de certains critères de ciblage sur Facebook et Instagram, fin programmée des cookies tiers sur Chrome… La tendance va vers de moins en moins de ciblage. C’est une bonne nouvelle pour les marques et pour les gens. Pour tout le monde en fait.

L’ultra-ciblage, c’était la promesse de concrétiser un idéal marketing appris et assimilé par tous les jeunes communicants au cours de leurs études : le fameux «bon message, au bon moment, à la bonne personne». Cette approche de personnalisation des annonces publicitaires puissante résultait d’un changement de paradigme marketing. Jusque-là, les marques suivaient une logique product centric ; elles proposaient la même offre à tout le monde, charge à chacun de s’y adapter. En passant à une logique customer centric, les marques ont voulu améliorer l’expérience client et la personnalisation de leurs offres, nécessitant une meilleure compréhension du profil et des attentes des personnes qu’elles ciblaient.

Quoi de plus pertinent pour moi, consommateur, que de me voir uniquement exposé à des messages susceptibles de m'intéresser, sur des produits susceptibles de m'intéresser, à ce moment précis ? La puissance de cette logique, nourrie par l’essor des nouvelles technologies et de la masse de data qu’elles permettent de collecter, réside dans la relation de proximité qu’elle crée. On se sent écouté et considéré par les marques qui nous proposent des produits ou services ultra-personnalisés à notre situation et nos besoins propres.

Sur le papier, une telle connaissance de mes besoins me renvoie l'image d'une marque proche de moi, qui m'écoute et tient compte de mon unicité. En réalité, cette pratique rend la marque aussi attirante qu'un inconnu qui en saurait plus sur moi que mon psy. Mais chercher à trop cibler et à trop en savoir sur ses non-clients (souvent à leur insu), c’est prendre le risque de devenir très intrusif dans une vie privée où l’on n’a pas été invité.

Hausse des adblocks

La sanction ne s’est d’ailleurs pas faite attendre avec une hausse de l’usage des adblocks et de la navigation privée sur internet, puis, plus récemment de nouvelles règlementations sur la gestion des données personnelles et des cookies. Depuis 2019, Apple a même fait des dispositifs qu’il met en place pour protéger les données et la vie privée des utilisateurs d’iPhone le cœur de sa communication. Résultat : 65% de la population n’est plus ciblable aujourd’hui en France, selon Qwarry.

Par ailleurs, entre data, segments et persona, on a vite fait d’oublier que les «consommateurs» sont en fait des personnes qui agissent rarement de manière logique et rationnel. 80% de nos décisions, dont celles d’achat, sont prises par la partie émotionnelle de notre cerveau, selon les études de neuromarketing. Pousser le bon produit, au bon moment, à la bonne personne ne suffit donc souvent pas à convaincre.

Non, le marketing one-to-one n’est donc pas le graal publicitaire. Une bonne campagne l’est d’abord par sa capacité à montrer que la marque a compris la cible à laquelle elle s’adresse : en parlant son langage, en utilisant des références communes, en s’appuyant sur des insights originaux, en cherchant à lui faire vivre une expérience émotionnelle. On peut donner l’exemple de Boursorama Banque, avec sa campagne «La banque qu’on a envie de recommander», qui valorise le taux de recommandation élevé dans un secteur suscitant la méfiance, notamment vis-à-vis des banques en ligne. Par une démonstration par l’absurde, Boursorama parvient à convaincre avec humour que sa banque mérite notre confiance.

Une relation d’entraide

Autre axe possible d'une bonne campagne, sa capacité à accompagner, à créer une relation qui relève moins de la relation commerciale que de l’entraide, comme le montre le succès de l’initiative de Nike sur WhatsApp, Nike On Demand. L’équipementier sportif a réussi à créer une vraie connivence avec ses clients en proposant des coachs personnels qui motivent les utilisateurs au quotidien, avec des conseils et des rappels fondés sur leurs échanges préalables. Un service jugé utile (recommandé à 83% par les usagers) mais également vecteur de valeur dans l’expérience de marque.

Le problème de la course à la data et à la mesure ROIste, c’est qu’elle a bien souvent fait oublier l’importance, moins chiffrable, de l’idée créative dans la communication. Pourtant, comme le décrit si bien Jacques Séguéla, «une data sans idées, c’est comme un révolver sans cartouche». Il est temps de recharger nos révolvers avec des messages de marque qui répondent à une question : qu’est-ce que j’apporte aux gens, pourquoi m’achèteraient-ils ?

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