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Salto, la plateforme de vidéo par abonnement commune à TF1, M6 et France Télévisions, vit ses derniers jours. Histoire d’une déconvenue.

La fin de Salto se jouera entre fin février et début mars. Elle sera actée par un conseil d’administration de la société, laquelle sera ensuite liquidée. Sauf miracle, l’aventure d’une plateforme payante de vidéo par abonnement menée par les grands acteurs de la télé gratuite aura ainsi tenu moins de quatre ans. Soit trois fois moins de temps que TPS (1996-2008), cette autre incursion de TF1, M6 et France Télévisions sur le terrain du payant.

Comment expliquer cette incapacité à faire décoller la fusée Salto ? Citons d’abord la décision de l’Autorité de la concurrence du 19 août 2019 qui a pu entraver la plateforme par ses obligations. Par exemple, il n’était pas possible de coupler des droits de diffusion des chaînes des maisons mères et de la plateforme pour ne pas avantager de grands acteurs du hertzien. Ensuite, Salto devait limiter son approvisionnement en contenus exclusifs auprès de ces mêmes sociétés mères et ne pouvait exercer aucune priorité sur leurs contrats d’achats. Enfin, l’Autorité a pris soin d’écarter toute promotion croisée entre TF1, France TV ou M6 pour ne pas handicaper la concurrence à Salto, privant ainsi la plateforme française d’une précieuse caisse de résonance.

« C’était un encadrement hyperstrict qui nous a mis des boulets aux pieds », résume Antoine Chuzeville, délégué SNJ de France Télévisions. « Et il n’y avait pas grand-chose d’inédit, si bien que nous avons manqué de produits d’appels comme Netflix avait pu en bénéficier au départ avec Stranger Things. » En outre, les trois actionnaires se sont partagé un investissement de 135 millions d’euros sur trois ans, ce qui a paru, dès le départ, bien faible eu égard aux montants à deux chiffres, et en milliards de dollars, que les géants de la SVOD américaine ont investis dans leurs plateformes.

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En outre, le projet de fusion TF1-M6 a eu pour conséquence de pousser France Télévisions à céder sa part et, une fois son échec avéré, d’inciter les groupes TF1 et M6 à se recentrer sur leurs actifs, en particulier pour se développer dans l’Avod. L’arrivée de Rodolphe Belmer a achevé le mouvement. Soucieux de renforcer la plateformisation de son offre, le nouveau patron de la une a fait savoir dès novembre qu’il n’était plus prêt à investir dans Salto.

Au final, la perte de la société avoisinerait les 80 millions d’euros en 2022 et les 200 millions depuis son lancement, selon Les Echos. Le nombre d’abonnés est clairement une déception puisqu’il atteindrait le chiffre de 900 000. « Il était prévu d’en avoir 2,5 millions début 2023 dans le plan d’affaires initial », ajoute le délégué syndical de France Télévisions. Sur le plan social, sauf repreneur improbable (des discussions ont eu lieu avec Canal+ mais ne sont plus d’actualité et celles avec la société espagnole Agile ont tourné court), les 42 salariés en CDI (et 8 CDD) devraient réintégrer pour moins de la moitié leur maison mère, les autres n’ayant obtenu qu’un engagement des groupes à faire « leurs meilleurs efforts » pour les recruter. Quoi qu’il en soit, Salto manquera pour sa capacité à proposer des programmes français : ils représentent 64,4 % de l’offre totale… contre 5,5 % à Netflix.

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