Portrait

Le cofondateur de Mediacités, ce Mediapart à l’échelle locale, enquête dans quatre villes françaises. En cinq ans, on lui doit des révélations. Et une utopie.

L’exercice de se raconter lui coûte. Il le fait sur la terrasse désaffectée et ensoleillée d’un ancien couvent jouxtant l’ex-cellule de bonnes sœurs qui lui tient lieu de bureau temporaire à prix modique. Il s’y résout pour la bonne cause. Comprenez Mediacités. Ce pure player est la bible de Jacques Trentesaux, ce fils d’instituteurs dont la mère est devenue catéchiste professionnelle employée par l’évêché, et le père, directeur d’un centre d’orientation. « Des cathos de gauche », avoue-t-il à propos de ses parents.

L’aventure de Mediacités qu’il a lancé en 2017 est son credo. Cet enfant d’Armentières (Nord), cité ouvrière dédiée au textile, dont le slogan est « pauvre mais fière », a quitté son confort et les deux tiers de son salaire de rédacteur en chef régions à L’Express pour se lancer, à 50 ans, avec cinq autres journalistes de l’hebdomadaire. « En travaillant sur les numéros régions de L’Express, on a senti qu’il y avait un enjeu pour une marque nationale d’être présente sur le terrain local. Et Mediacités est aussi né de l’impression de gâchis et de déséquilibres entre la PQR et les décideurs locaux. Ils ne sont pas en position d’apporter la contradiction et d’enquêter », précise Jacques Trentesaux.

Sa foi en l’investigation ne le quitte plus depuis ses 19 ans. Élève à Sciences Po Paris, il fait son premier stage à La Voix du Nord et propose une enquête sur les hospices pour raconter comment y sont traités les vieux. Avec Mediacités, l’enquêteur en chef fait le choix de concentrer ses investigations sur quatre villes : Lille, Lyon, Toulouse et Nantes. À la clé ? Plusieurs scoops dont celui concernant Damien Castelain, président de la métropole lilloise, qui gère deux milliards d’argent public. L’homme a confondu caisse personnelle et publique, réglant avec la mauvaise carte de crédit parfums, restaurants et nuits d’hôtels. Il est convoqué au tribunal correctionnel en juillet pour détournement de fonds publics.

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Mediacités a aussi révélé l’évasion fiscale de l’assureur April. De quoi attirer 5 600 abonnés. « Nous avons fait les deux tiers du chemin, explique Jacques Trentesaux, mais nous ne sommes toujours pas à l’équilibre. Il nous faudrait 8 000 lecteurs. Nous avons un succès d’estime mais c’est redoutable. Même si nous faisons un travail de qualité, nécessaire à la démocratie, je veux aussi que nous ayons une réussite économique ». Sans l’apport d’un milliardaire, le média compte sur 250 citoyens actionnaires et des soutiens confraternels, dont Mediapart et ses 50 000 euros, ainsi que le groupe de presse Indigo. Il manque à l’entreprise 300 000 euros pour assurer sa pérennité malgré de faibles coûts : les 12 salariés et lui-même se contentent de 2 000 euros chacun.

Parcours

1984-1988. Sciences Po Paris.

1988-1990. Centre de formation des journalistes.

2000-2002. Chef de rubrique à Enjeux - Les Échos.

2002-2017. Rédacteur en chef à L’Express Réussir puis à L’Express Villes.

2017. Création de Mediacités.

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