Et si j'étais président

Et si vous étiez le nouveau président de la République ? Julien-Henri Maurice, directeur exécutif numérique, produits et technologies du Point, est le dixième invité de la nouvelle saison de «Et si j’étais Président», une série réalisée par Majda Chaplain, CEO de MC Factory, en partenariat avec Stratégies.

Quels seraient les deux axes majeurs de votre programme ?

A mon sens, il y a, en France, une véritable fracture numérique. Mon premier axe serait donc de mieux former au digital. Les citoyens doivent être à l’aise avec les outils et les possibilités que le digital offre. Il faut que la peur, la résistance, la défiance vis-à-vis de la technologie, disparaissent. Il y a un véritable enjeu pédagogique et de vulgarisation pour rendre le digital plus évident pour tout le monde. Et ce pour une raison simple. Je pense qu’il est notamment de la responsabilité sociétale du président de prendre conscience de «l’effet bulle» néfaste (car il nous montre le monde au travers d’un prisme déformé) dans lequel les algorithmes des réseaux sociaux nous enferment et d’aider à réguler les plateformes. C’est notamment cela qui génère de l’incompréhension, de la violence, de mauvaises interprétations… Le numérique s’est imposé dans nos vies et les pouvoir publics n’ont pas assez accompagné l’évolution rapide et grandissante des usages et ainsi leur bonne adoption, utilisation et donc compréhension. Or, de la même manière que nous faisons des campagnes de sensibilisation sur le tabac ou encore sur la sécurité routière, il faudrait en faire également sur l’importance de bien savoir utiliser les plateformes et les outils digitaux.

D’autre part, aujourd’hui, nous limitons trop et majoritairement le digital à des usages serviciels à mon sens (digitaliser des process, rendre accessible des services sur internet…). Il n’y a pas assez d’effort mis sur la régulation nécessaire, entre autres, avec les GAFA qui sont pourtant presque devenus des États dans les États. Sans être interventionniste, je pense qu’il convient de faire un minimum de régulation.

Pour résumer, mes deux axes seraient donc de former pour réduire la fracture numérique et de réguler auprès de toutes les plateformes pour prévenir, sensibiliser et donc mieux gouverner. En somme, faire un digital citoyen et pas seulement économique et administratif. D’ailleurs, dans mon gouvernement, le ministre du Numérique serait aussi important que le ministre de l’Économie.

Quel serait votre projet pour renforcer le rôle sociétal des entreprises françaises ?

Je pense qu’il y a plusieurs choses. Déjà, pour le «S» de RSE, je redonnerais un sens à la valeur travail en encourageant notamment les entreprises à mieux prendre à cœur leur rôle d’ascenseur social. Il faut travailler à redonner du sens et améliorer donc l’engagement des gens dans leur travail pour produire plus de richesse pour le pays. Mais aussi en faisant en sorte que ces mêmes entreprises soient les principales actrices de la baisse de chômage chez les jeunes. Pour cela, il s’agirait de favoriser l’accès à des postes à responsabilités avec une trajectoire de carrière plus travaillée. Et pas seulement à des diplômés de HEC pour casser certains plafonds de verre. Cela permettrait d’encourager la mixité.

Cette mixité pourrait également être envisagée sous la forme de mentoring des jeunes pousses envers les salariés plus expérimentés et vice-versa. Les générations ont tellement de choses à partager. La nouvelle génération a besoin d’être nourrie par des personnes qui ont des parcours longs pour avoir des références. Elles connaissent mieux le monde de l’entreprise et peuvent les nourrir sur les codes de la profession. Ceux, plus âgés, qui sont sur des rails professionnels, peuvent, eux, être accompagnés par les digital natives et gagner ainsi en productivité et en confiance. Au final, tout le monde est gagnant, y compris les entreprises elles-mêmes car cette fracture numérique leur coûte très cher et ralentit leur développement et donc leur compétitivité.

Pour le «E» de RSE, je pense qu’il y a un vrai enjeu sur la responsabilité de nos choix de gouvernance technologique. Par exemple, nous pourrions jouer un peu plus la carte du patriotisme européen. Sans y être forcé, mais en incitant les entreprises à aller vers des acteurs européens plutôt que de signer systématiquement chez AWS (par exemple). Sans être ni anti-américain ni antichinois (ni autre), je pense qu’il faut casser ces habitudes et cette homogénéité et rebattre les cartes. Enfin, pour renforcer le rôle sociétal des entreprises, je chercherais à trouver des leviers de développement plus lisibles de la «Green Tech». Car en réalité tout le monde fait du digital. Mais lorsqu’il s’agit d’avoir une démarche responsable en la matière, c’est déjà plus difficile. Donc je ferais en sorte que l’on mette en place des actions concrètes. Dans le même esprit que les bilans énergétiques déjà existants comme les DPE, avec des notes et un label pour les entreprises qui œuvrent vraiment sur le sujet soient identifiables.

Pourquoi faut-il voter pour vous ?

Parce que j’ai une volonté de réussir, une persévérance et une pugnacité infatigables. Et puis même si j’ai des convictions, je suis dans une démarche de co-construction, pas d’autocratie avec moi. Et comme j’aime vraiment les gens, je «dé-napoléoniserai» la fonction pour aller davantage vers une communication plus fluide avec les Français(e)s. Avec une prise de parole trimestrielle par exemple, pour faire un report sur les actions menées par le gouvernement. Ou bien par un recours plus régulier aux referendums sur des sujets sociétaux. C’est le meilleur moyen de porter une vision tout en s’assurant qu’on reste aligné avec la trajectoire de la nation et aux attentes des citoyens. Ma manière de faire serait plus pédagogique. La majorité des discours politiques sont inaudibles car inadaptés sur la forme. Il faut plus de pragmatisme et simplicité.

Quelle personnalité publique choisiriez-vous comme Premier ministre ?

Je pense que la meilleure, c’est Maud Bailly, CEO Southern Europe Accor. Elle a ce côté pragmatique, ce côté collectif, ce côté pédagogie, ce côté de brillante intelligence et de rapidité et d’excellence d’exécution. Des qualités que l’on peut attendre d’un(e) Premier ministre… Et elle a, comme moi, cette ambition et cet amour pour la France à mon sens.

Retrouvez l'interview en intégralité sur le site de MC Factory.

Les épisodes précédents :

- Antoine Jouteau, directeur général du BonCoin

- Élise Bert-Leduc, PDG de Direct Assurance

- Florence Verzelen, directrice générale adjointe de Dassault Systèmes

- Fabien Versavau, président et CEO de Rakuten France

- Lisa Nakam, directrice associée de Jonak

- Omer Waysman, global e-commerce & business development director chez Danone

- Arnaud Leroux, directeur marketing de Asics

- Nathalie Rozborski, directrice marque et RSE de Maisons du Monde

- Valérie Dassier, directrice générale adjointe de IKKS Groupe, en charge de l’offre, du marketing et du digital

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.