Réseaux sociaux

Pédagogie, images choc, désinformation… Plus que tout autre conflit jusque-là, l'invasion de l’Ukraine par la Russie place les réseaux sociaux -dont TikTok- au cœur de l’actualité.

Vidéos d'explosions, tutoriels cuisine dans un abri anti-bombes, cours d'histoire accéléré ou désinformation, la guerre en Ukraine fait bouillonner le réseau social TikTok de contenus dont le jeune public ne perd pas une miette. Ainsi, depuis deux semaines, sur le compte de Marta Vasyuta, les vidéos de cette Ukrainienne apprêtée sur fond musical ont cédé la place à des images de bâtiments éventrés, de détonations et de soldats au front. Coincée à Londres, cette étudiante de 20 ans en échange linguistique se fait le relais de ceux qui sont encore au pays et filment leur quotidien tragique. «Ma mission, c'est de diffuser l'information, d'alerter, de ne pas arrêter de parler» de ce que vivent ses compatriotes, dit cette étudiante en économie de Lviv, dont certaines vidéos ont été vues plus de deux millions de fois.

Parmi les nouveaux visages de ce TikTok qui fait sa mue, Valeria Shashenok, photographe de 20 ans restée, sous les bombes, à Tcherniguiv, au nord-est de Kiev. Comme Marta Vasyuta, elle est passée à l'anglais, pour augmenter la portée de ses vidéos surréalistes, du tutoriel pour cuisiner le bortsch depuis un abri, à des promenades dans les décombres sur un remix de Rihanna. Elle fait partie des quelques TikTokeurs qui n'ont pas renoncé à la légèreté, inscrite dans l'ADN du réseau social aux vidéos dépassant rarement la minute et qui compte plus d'un milliard d'utilisateurs. «J'essaye de garder de l'humour, parce que c'est ma nature», explique, de son côté, Rimma, 23 ans, qui s'est filmée dans les couloirs d'un sous-sol d'Odessa avec la légende: «En Ukraine, on ne dit pas ‘‘allons nous promener’’ mais ‘‘allons voir l'abri le plus proche’’». «Ma vie est en ruines. Il ne me reste plus que l’ironie», dit celle qui vient de se réfugier en Moldavie, dans la famille de son compagnon.

Risques de désinformation

Pour autant, «la limite n'est plus claire entre ce sur quoi on peut plaisanter et ce qui peut blesser les gens», reconnaît cette dessinatrice aux cheveux mauves et roses. Marta Vasyuta a doublé le nombre de ses abonnés en un mois et Valeria Shashenok l'a triplé. «Je ne tire aucun profit de ce que je fais», assure la première. Il y a déjà plus de dix ans que guerres et révolutions s'invitent sur les réseaux sociaux, mais TikTok apporte encore davantage de spontanéité et draine un public plus jeune que YouTube ou Facebook. Aux États-Unis, une partie de la gen Z, qui ne regarde pas la télévision traditionnelle, a appris à connaître un pays dont elle ne savait rien grâce au réseau social. La Maison Blanche a d'ailleurs communiqué cette semaine, à 30 TikTokeurs majeurs «les dernières informations venant d'une source qui fait autorité», a expliqué au Washington Post son directeur de la stratégie numérique, Rob Flaherty, en écho aux risques de désinformation.

Sollicité par l'AFP, TikTok indique avoir dédié des «moyens renforcés» pour «détecter des menaces émergentes» sur la plateforme et «retirer de la désinformation préjudiciable». Le 6 mars, le réseau social, filiale du groupe chinois ByteDance, a suspendu la mise en ligne de nouvelles vidéos en Russie, après le passage d'une loi sanctionnant les tentatives de «discréditer» les forces armées russes. Aujourd'hui, le flux des messages pro-russes s'est nettement réduit, même si des vidéos accusent encore les médias occidentaux d'utiliser des images d'archives ou les États-Unis de mentir sur la nature exacte du conflit. TikTok dit enfin modérer aussi les contenus violents et prohiber les images de violence physique, de combat ou montrant la mort.

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