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YouTube se lance, aux États-Unis, dans la diffusion d’émissions TV financées par la publicité. Une nouvelle concurrence de taille pour les chaînes, qui pose plusieurs questions stratégiques.

Envie de binge-watcher une émission ou une série TV ? Ce sera possible aussi sur YouTube aux États-Unis. La plateforme de vidéos a annoncé, le 23 mars, se lancer dans la diffusion d’épisodes financés par la publicité. Une nouveauté de nature à conduire les chaînes à renforcer leurs stratégies sur l'AVOD. Si c’est davantage une évolution qu’une révolution – YouTube diffuse déjà des films gratuits –  il y a de quoi s’interroger vu la force de frappe de ce concurrent, venant s’ajouter à une liste déjà longue. Selon la société Digital TV Research, les dépenses AVOD pour les épisodes télévisés et les films augmenteront de 144 % entre 2020 et 2026, pour atteindre 66 milliards de dollars. De son côté, Omdia estime que 60% des revenus vidéos globaux de la vidéo proviennent de la publicité, soit 144 milliards de dollars dans le monde. Les acteurs du marché l'ont bien compris, tel Disney+ qui, d’ici à la fin 2022, devrait lancer aux États-Unis une offre avec publicité.

Retour aux fondamentaux

 « L’annonce de YouTube va dans le sens de l’Histoire. Elle répond à une volonté d’améliorer la qualité des contenus », analyse François-Xavier Le Ray, directeur général France et Belgique de l’ad tech The Trade Desk. Ainsi, tandis que Netflix investit dans les contenus originaux, Amazon a mis la main sur le studio hollywoodien MGM. « YouTube est allé chercher des services par de l’abonnement premium, a investi dans des productions "Originals" mais semble désormais lever le pied sur ces aspects tout en revenant à ses fondamentaux, la pub autour de la vidéo », complète Jacques Bajon, expert médias et télécoms au sein de l’Idate, think tank de l’économie numérique, qui y voit aussi une réponse à la concurrence de TikTok, pesant de plus en plus dans la publicité vidéo.

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Pour les chaînes, plusieurs questions se posent : celle de la concurrence sur l’acquisition des catalogues, bien que commercialiser leurs productions auprès d’autres acteurs soit également pour elles une façon de les valoriser, à l’instar de la série Le Bazar de la charité de TF1, diffusée aussi sur Netflix ; celle de la « fraîcheur » de l’offre, qui attirera les consommateurs, sachant que les chaînes ont leurs programmes récents ; mais surtout celle de l’attractivité vis-à-vis des annonceurs, alors que YouTube permet de faire de la publicité ciblée à l’échelle de l’individu et non pas seulement du foyer, comme en TV. La vraie concurrence étant pour les plateformes de replay.

Autre point crucial, la donnée. « L’un des défis sera celui du contrôle et de la façon dont les diffuseurs et les producteurs vont pouvoir maîtriser la commercialisation de leurs espaces », relève François-Xavier Le Ray. « À l’époque où l’on parle de souveraineté numérique, là, on parle de confier les clés du camion à Google [propriétaire de YouTube], estime Frédéric Cavazza, associé fondateur de Sysk, cabinet de conseil en accélération digitale. Ne plus avoir de groupes médias puissants en Europe serait un problème ». Autres enjeux : les types de messages publicitaires qui seront adossés aux contenus, et la mesure d’efficacité, alors que YouTube serait à la fois juge et partie quant à la lecture des performances des campagnes.

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